La pénurie des carburants, ou leur rationnement dans les stations-service abreuvées, force les Français à adapter leurs déplacements, notamment pour se rendre sur leur lieu de travail. Ne pas pouvoir faire son plein, est-ce une raison valable pour ne pas venir à son poste ? On a demandé à une avocate du droit du travail.
Les transports en commun et le vélo ont beau faire une percée, la voiture reste hégémonique quand il s'agit d'aller travailler. Selon l'Insee, près des trois quarts des Français sortent leur auto pour se rendre sur leur lieu de travail. Un taux qui monte à neuf personnes sur dix sur les trajets de plus de 15 km. Dans une région rurale comme le Centre-Val de Loire, la voiture reste donc un outil central pour l'emploi.
Dès lors, se rendre au boulot lorsque les stations-service sont en pleine pénurie de carburant peut relever du parcours du combattant. Et l'envie de battre en retraite peut pointer le bout de son nez. Alors la pénurie peut-elle constituer une raison valable pour ne pas venir travailler ?
Pour Céline Guerin, avocate en droit du travail et droit social dans le Loiret, la réponse est claire : non. "La seule solution pour un salarié qui ne vient pas travailler, c'est que ce soit un cas de force majeure, que la loi définit comme une cause 'extérieure, insurmontable et imprévisible'", explique la juriste.
De la retenue de salaire au licenciement
En l'occurrence, la pénurie ne constitue pas un obstacle insurmontable, "puisqu'il y a les transports en commun, ou bien une heure d'attente dans une station". Imprévisible, "elle l'était mais ne l'est plus". Seul est retenu son caractère extérieur : la pénurie ne dépend pas du salarié.
La loi oblige le salarié à venir travailler, et il doit trouver le moyen de le faire.
Céline Guerin, avocate en droit du travail
Même si les transports en commun en zone rurale sont peu pourvus, ou que la station disposant encore de quelques litres de gasoil oblige un détour de 50 km. "Le mieux, c'est encore de trouver un compromis avec son employeur, comme du télétravail", poursuit-elle. Mais quand ce n'est pas possible, il ne reste selon elle qu'à poser des congés ou des RTT.
Car, pour peu que l'employeur soit zélé, ou qu'il ait déjà un dossier épineux sur le salarié, ce dernier peut être visé par une procédure disciplinaire, voire par un licenciement pour abandon de poste. "Des chefs d'entreprise m'ont posé la question", confesse l'avocate. Elle leur conseille cependant de ne pas sauter le pas. "Dans ce climat social, ça serait malvenu", considère-t-elle, estimant que "c'est aussi à l'employeur de proposer des solutions".
Pour autant, même sans sanction disciplinaire, le salaire en prend un coup : un jour d'absence sans cas de force majeur, c'est un jour non payé.