Trois enfants d'anciens salariés de Tetra Médical vont être indemnisés par un fonds dédié aux victimes des pesticides. La décision reconnaît le lien entre certaines de leurs pathologies et l'exposition de leurs parents à un gaz toxique au sein de l'entreprise de fabrication de dispositifs médicaux à usage unique. Un bon signe pour les anciens du site de Saint-Cyr-en-Val, dans le Loiret, dans l'attente d'une décision aux prud'hommes le 12 décembre.
Une première victoire, pour les anciens de Tétra Médical. Trois enfants d'anciens salariés vont être indemnisés, après l'exposition de leurs parents à un gaz toxique dans l'usine d'Annonay en Ardèche. Un bon signal pour les ex-employés de l'autre site de Tetra Médical, situé à Saint-Cyr-en-Val dans le Loiret, jusqu'à la liquidation judiciaire de l'entreprise en février 2022.
"Le Fonds d'indemnisation des victimes de pesticides a reconnu le lien entre les maladies développées par trois enfants et l'exposition de leurs parents à l'oxyde d'éthylène. Ils sont atteints troubles du neurodéveloppement, d'une leucémie et de malformations à la naissance", a déclaré Me Fabien Lafforgue, avocat des ex-salariés, à l'occasion d'une réunion d'information à Davézieux, en Ardèche, avec d'anciens salariés.
"J'angoisse à chaque mammographie"
L'oxyde d'éthylène était utilisé pour la stérilisation des dispositifs médicaux produits par Tetra Médical. Les anciens salariés des deux sites dénoncent depuis lors leur exposition à ce gaz cancérigène, mutagène et reprotoxique (classé CMR1). 25 des 47 anciens de l'usine de Saint-Cyr-en-Val ont déposé, en décembre 2023, un recours devant le conseil de prud'hommes d'Orléans. Une audience est prévue pour le 12 décembre 2024.
"Après la stérilisation, les palettes étaient sorties et on intervenait à l'intérieur à mains nues soit pour les nettoyer, soit pour changer des organes mécaniques ou électriques, et donc est-ce qu'on n'a pas été exposés dangereusement à l'oxyde d'éthylène ?", s'interrogeait, auprès de France 3, Olivier Gérier, un ancien de Tetra Médical dans le Loiret.
Certains assurent avoir inhalé du gaz, qui s'échappait de certains cartons, et se souviennent d'une odeur située entre l'éther et la pomme pourrie. Béatrice* se dit stressée depuis des années :
J'ai eu trois enfants et jusqu'à 7 mois et demi de grossesse, je travaillais et continuais d'aller en zone de stérilisation. Je l'ai dit à mon employeur mais à aucun moment il ne m'a proposé d'arrêter de faire des contrôles. Aujourd'hui, j'angoisse à chaque mammographie et j'ai peur pour mes filles. Si l'une d'entre elles doit un jour développer un cancer, je me poserai toujours la question de savoir si c'est à cause de l'oxyde d'éthylène.
Béatrice*, ancienne employée de Tetra Médical à Saint-Cyr-en-Val
Car, outre les possibles conséquences pour la santé des salariés, la reprotoxicité de l'oxyde d'éthylène pourrait avoir altéré le développement des enfants dont les mères ont travaillé dans l'entreprise pendant leur grossesse. Le Fonds d'indemnisation, créé en 2020 pour les victimes de pesticides, avait déjà reconnu les conséquences sanitaires de ces produits pour des enfants d'agriculteurs.
Une première pour une entreprise
L'oxyde d'éthylène fut en effet utilisé comme pesticide jusqu'à son interdiction en agriculture en 1991. Mais le lien entre le gaz et des cancers ne s'arrête pas aux champs, et peut franchir les portes des usines. "Une telle reconnaissance pour une entreprise, c'est une première en France", a affirmé Me Lafforgue.
"Ce que j'espère, c'est que cette reconnaissance soit étendue aux autres substances chimiques qui ont les mêmes propriétés et qui pour l'instant n'entrent pas dans la catégorie des pesticides", a souligné de son côté Annie Thébaud-Mony, sociologue de la santé et présidente de l'association Henri Pezerat de défense de la santé en lien avec le travail et l'environnement.
Me François Lafforgue a annoncé que le cabinet TTLA, dont il fait partie, suivait une dizaine de dossiers d'enfants malades, enfants d'anciens de Tetra Médical à Annonay, pour tenter d'obtenir cette reconnaissance et des "indemnisations substantielles". Trois dossiers ont été rejetés, et des procédures de contestation ont été lancées par le cabinet d'avocats.
En parallèle, une procédure est en cours au pôle de santé publique de Marseille pour mise en danger de la vie d'autrui, et une autre pour faute inexcusable de l'employeur est instruite au tribunal judiciaire de Privas. Une centaine d'anciens salariés de l'usine ardéchoise attendent également une décision des prud'hommes pour le préjudice d'anxiété dont ils seraient victimes. Une décision sur ce pan du dossier est attendue le 26 novembre.
* Le prénom a été modifié.