Les réquisitions du procureur de la République d'Evry auront duré trois heures. Il a demandé 450 000 euros d'amende contre la SNCF, mais la relaxe pour l'ancien cheminot et SNCF Réseau,
Au procès de la catastrophe ferroviaire de Brétigny-sur-Orge (Essonne), qui a fait sept morts et des centaines de blessés en 2013, le procureur de la République a fait ses réquisitions ce mardi 15 juin, devant le tribunal correctionnel d'Evry.
Rodolphe Juy-Birmann a demandé de condamner la SNCF à "la peine maximale" pour homicides involontaires et blessures involontaires, soit 450 000 euros d'amende, du fait de la récidive légale. La SNCF, héritière pénale de SNCF Infra chargée de la maintenance des voies au moment des faits, a "créé le contexte à l'origine de l'accident" par un "échec dans la chaîne de maintenance", a affirmé le procureur, avant de d'adresser aux nombreuses victimes ou proches de victimes.
Une peine d'amende, quelque soit le montant, n'a pas de sens pour vous : aucune peine ne ramènera personne à la vie.
Rodolphe Juy-Birmann, procureur de la République d'Evry
Dans des réquisitions de près de trois heures, le procureur a dénoncé une "faute originelle de désorganisation", dont a découlé la dizaine de fautes retenues contre la SNCF. "Ce n'est pas une mise en cause des cheminots", insiste-t-il, mais de "la lente dégradation de leurs conditions de travail qui ont été impactées par les objectifs de rentabilité qui leur étaient imposés".
"Une entreprise dans le déni"
Plusieurs "carences" sont listées par le procureur. Tout d'abord, un "défaut de traçabilité documentaire" : à Brétigny-sur-Orge, "celui qui fait les constatations" sur l'appareil de voie "n'est pas celui qui signe, celui qui prend les cotes n'est pas celui qui écrit sur la fiche...", illustre-t-il. Cette "absence de traçabilité n'a pas permis de maintenir un niveau d'alerte suffisant" sur un appareil de voie connu, pourtant, pour ses "défauts de géométrie récurrents". Cet appareil complexe, appelée traversée jonction double, aurait d'ailleurs dû être changé de manière anticipée. La vitesse de circulation des trains réduite de manière permanente.
Le procureur a souligné l'habituel "retard dans la maintenance", avec des opérations reportées. "On dérape car d'autres urgences prennent le pas", commente Rodolphe Juy-Birmann. Et cette "négligence évidente" dans le suivi d'une fissure de 10 mm détectée en 2008 sur un cœur de traversée de l'appareil de voie, qui "n'a jamais été examiné".
Tout au long du procès, la SNCF a contesté les fautes reprochées, imputant l'accident à un défaut indécelable de l'acier de l'appareil de voie et non à des défauts de maintenance. "Une entreprise dans le déni", tacle le procureur.
Des fautes pas "caractérisées" pour le gestionnaire des voies et l'ancien cheminot
Concernant les autres accusés, le procureur a demandé la relaxe pour le gestionnaire des voies, SNCF Réseau, ex-Réseau Ferré de France (RFF), Les quatre fautes (interception de trafic de jour, absence de limitation de vitesse, absence de renouvellement de l'appareil de voie et compétence des effectifs) pour lesquelles l'entreprise était jugée n'ont pas été caractérisées, selon le procureur Rodolphe Juy-Birmann.
Le parque a également demandé la relaxe pour Laurent Waton, jeune directeur de proximité au moment des faits, seule personne physique jugée. Il est accusé d'avoir réalisé avec un manque de vigilance la dernière tournée de surveillance de l'appareil de voie incriminé, notamment en choisissant de ne pas être accompagné lors de cette tournée. "Nous sommes en présence de fautes simples, ordinaires, susceptibles de fautes disciplinaires" mais pas d'une "faute caractérisée", a expliqué le procureur.