Procès de la madeleine mortelle : "Je suis innocent, ça fait 5 ans que je le répète" déclare l'accusé au premier jour

Après avoir été acquitté en première instance par la cour d'Assises d'Indre-et-Loire, Alain J. comparaît devant la cour d'Appel d'Orléans, pour le meurtre de Yvette. Cette nonagénaire résidente d'un Ehpad en Touraine s'est étouffée avec des madeleines. L'homme est soupçonné de l'avoir volontairement tuée.

"Je suis innocent, ça fait 5 ans que je le répète", depuis son acquittement en mai 2022, la version d'Alain J. n'a pas changé. Ce n'est plus sous escorte policière, mais libre, qu'il comparaît dans un procès en appel face à la cour d'Assises du Loiret pour le meurtre d'Yvette.

Cet acquittement, en 2022 à Tours a été à la fois une incompréhension et une surprise. C'est un dossier complexe mais il nous paraissait que les débats à l'audience démontraient la culpabilité de l'accusé.

Me Loïc Cabioch, avocat des proches d'Yvette

Cette nonagénaire, résidente d'un Ehpad de Touraine, avait été retrouvée morte dans son lit, le 13 mai 2019, des morceaux de madeleine dans la bouche. L'affaire avait eu un retentissement national, érigeant ce gâteau en arme du crime. 

Une ultime visite suspecte

Le 13 mai 2019, Yvette reçoit la visite d'Alain J. dans sa chambre de l'Ehpad tourangeau où elle résidait depuis 2014. Il lui apporte alors des madeleines.

Ce jour-là, l'homme retraité avait pris soin de verrouiller la porte de la chambre. Un comportement qui avait suscité des interrogations chez le personnel soignant. Le décès de la vieille dame a ensuite été constaté à 19h20 par une infirmière le jour même. Alain J. est la dernière personne à avoir vu Yvette vivante. Sa présence à l'Ehpad deux fois le même jour, sans son téléphone, porte verrouillée et le viager conclu avec la vieille dame en 1995 ont fait de lui le suspect numéro un.

Acquitté une première fois à Tours

Le jury populaire et les magistrats professionnels de la cour d'Assises d'Indre-et-Loire avaient mis hors de cause Alain J., en mai 2022, jugeant que les éléments de preuves n'étaient pas suffisants pour condamner cet ancien pompier volontaire. "C'est ma conviction, je n'ai aucun moyen de la prouver", avait ainsi avancé l'avocat général, à Tours, avant de requérir 20 ans de réclusion criminelle.

Le ministère public avait ensuite interjeté appel, comme la loi le lui permet, ce qui explique ce nouveau procès, à Orléans cette fois-ci.

J'attends la confirmation de l'innocence de mon client. Je pense à lui, pour qui nous arrivons au terme de cinq ans de combat judiciaire.

Me Abed Bendjador fils, l'un des avocats d'Alain J.

Une sorte de second round, dans lequel les convictions restent les mêmes, d'un côté et de l'autre de la barre. "J'attends que la cour revienne sur sa décision" souhaite de son côté Me Loïc Cabioch, conseil des parties civiles.

De l'enfance à la vie d'adulte

Au premier jour, ce mercredi 6 décembre 2023, le traditionnel bal des jurés a précédé l'ouverture des débats. Près de la moitié révoquée. Le parquet a notamment usé de toutes ses cartes pour écarter les personnes qu'il n'a pas estimées aptes à juger cette affaire objectivement. Les six jurés officiels sont ainsi majoritairement des hommes.

Un choix souvent crucial, puisque les jurés populaires doivent être impartiaux. Leur âge, profession ou sexe sont scrutés à la loupe par les parties, qui peuvent révoquer les personnes à l'appel de leur nom.

De son enfance à Joué-les-Tours, en passant par son engagement chez les pompiers de Paris à 19 ans, jusqu'à son rôle d'époux et de père, le passé de l'accusé est largement évoqué. "Le divorce de mes parents a été le divorce de tout le monde" explique sa fille d'une première union, Sarah, lorsque l'enquêteur judiciaire réalise l'entretien de personnalité de l'accusé. Des liens familiaux parfois compliqués ces vingt dernières années, qui sont, selon lui, de meilleure qualité aujourd'hui.

Une détention mal vécue

Dans une première prise de parole, le sexagénaire revient notamment sur ses trois ans de détention provisoire avant d'être jugé une première fois : "Ça a été terrible pour ma femme, seule à la maison". Atteinte d'une maladie, cette figure de soutien était absente sur les bancs du public.

À la barre, Alain J. se souvient de son incarcération. "La première nuit, c’est un cauchemar" affirme-t-il. "Il faut d’abord se mettre nu, écarter les bras les jambes, on vous fouille, on vous envoie dans une cellule". 

Sur une vingtaine de pages, l'expertise psychiatrique tente de cerner Alain J. Aucun trouble mental n'y est consigné. "L'accusé reconnaît une mise en danger, sans regretter de l'avoir laisse seule avec les madeleines" relate ainsi la cour. Le manque d'émotions exprimées par le mis en cause suite au décès de celle qu'il affirme considérer comme "[sa] grand-mère de cœur" interroge la professionnelle.

Ancien pompier volontaire

Au cœur des discussions, mercredi 6 décembre, à la reprise de l'audience, le passé de pompier d'Alain J. La partie civile argue que l'homme avait connaissance de la marche à suivre pour réanimer une personne. "Il a été pompier de ses 19 à 24 ans" rappelle son conseil, Me Abed Bendjador père, "c'était il y a 40 ans, on ne peut pas lui reprocher de ne plus avoir des réflexes de pompier".

Des précisions qui agacent parfois les deux parties civiles présentes à l'audience. La fille et la petite-fille d'Yvette ont d'abord présenté un visage triste à l'ouverture des débats, avant d'enchaîner les haussements de sourcils face aux arguments de la défense. Me Loïc Cabioch sait ses clientes en peine : "malgré son âge, Yvette n'était pas en fin de vie, et elles n'ont pas pu lui dire au revoir". 

Mes clients ont la certitude de ce qui est à l'origine du décès [d'Yvette], l'impression de ne pas avoir été entendu jusque là provoque de la peine.

Me Loïc Cabioch, avocat des parties civiles

"Courageux et honnête", c'est ainsi que Paul, 85 ans, décrit aujourd'hui Alain J. Voisin de l'accusé et appelé à témoigner, il connaissait aussi la victime. Une vieille dame "agréable et coquette". Il affirme que le premier passait voir la seconde une fois par mois. Une version qui tranche avec ses déclarations de 2019. Il y évoquait une fréquence de deux à trois fois par an. "Il considérait Yvette comme sa grand-mère" assure-t-il. Celle du "cœur" insiste Alain J., lorsqu'il évoque la défunte.

Alors que les faits ont commencé à être évoqués à la fin de cette première journée de procès, la deuxième devrait se concentrer sur les détails et contradictions de cette affaire. Le verdict, quant à lui, est attendu ce vendredi 8 décembre. 

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