"Quand les mâles vont mal" : à l'ère #MeToo, les hommes en perte de repère

Hugo est entré dans l'âge adulte à l'ère #MeToo. En perte de confiance face à une expérience déstabilisante, il est en quête de repères et de réponses.

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Écrit par Nicole Azarro et réalisé par Frédéric Sauzay, ce documentaire est un cheminement dans l'évolution et la complexité des relations entre les hommes et les femmes. Ce film nous plonge au cœur de mouvements qui se préoccupent de la condition masculine et de la défense des droits des hommes. Hugo, y trouvera-t-il les réponses qu'il cherche ou devra-t-il explorer d'autres horizons ?

Sans contact

Hugo a vécu une expérience déstabilisante. Un mail a déclenché un tsunami qui a remis en question son positionnement par rapport aux femmes. Il n'a pas compris ce que cette jeune fille lui reprochait. Il n'avait pas l'impression d'avoir fait quelque chose de mal. Elle ne semblait pas de cet avis. Il rejoue le film, et ne saisit toujours pas.

Au final, ça a remis en question beaucoup de choses que je croyais acquises dans la manière dont les gens me percevaient.

Hugo

Ce jeune homme qu'elle pense avoir rencontré, ce n'est pas lui ! Il détesterait être ce mec-là. C'est pourtant dans cette peau qui le dégoûte que son image lui renvoie en miroir. Hugo veut comprendre et ressent le besoin de consulter une psychologue.

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Hugo ©France télévisions

Face à Céline André-Carletti, Hugo, revient sur cet événement qui l'a fragilisé. Il confie qu'il ne sait plus comment se comporter avec une fille. La peur de mal faire lui enlève toute spontanéité. Une impression constante de marcher sur des œufs, la crainte d'être trop lourd et de ne pas être à la hauteur.

Hugo a perdu confiance en lui. Il s'inquiète de ne pas avoir un comportement approprié sans en avoir conscience. Depuis cette expérience, il n'a pas eu d'autres relations amoureuses et s'est abstenu de tout jeu de séduction.

C'est sûr que la confiance en moi, elle en a pris un coup.

Hugo

La psychologue Céline André-Carletti constate que depuis cinq, six ans, de plus en plus d'hommes passent la porte de son cabinet. Une démarche qu'elle reçoit comme une évolution positive puisqu'ils décident de prendre à bras-le-corps leur fragilité.

Terrain d'entente

Les jeunes hommes n'ont pas toujours les codes et se retrouvent démunis. Ils ne savent plus comment s'y prendre pour aborder une femme sans l'importuner. Sans faire le pas de trop qui pourrait les mettre du côté des prédateurs sexuels.

Ils s'arrêtent de rentrer dans des relations de séduction en attendant que la femme vienne vers eux. 

Céline André-Carletti, psychologue

Comment aller plus loin dans une relation intime quand on analyse chacun de ses mots et de ses gestes ? Trouver la juste mesure, sans faire un faux pas. Dans cette situation, comme Hugo, ils développent une forme de conduite d'évitement.

La psychologue Céline André-Carletti invite Hugo à se joindre à un groupe de discussion entre jeunes gens, hommes et femmes. Un lieu d'échange pour tenter de mettre des mots et de l'écoute entre ces deux genres qui ont parfois bien du mal à se comprendre.

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Groupe de discussion animé par la psychologue Céline André-Carletti ©France télévisions

Comprendre là où ça fait mal. "Un apprentissage qui demande une attention constante et met un frein à la spontanéité. Les jeunes hommes semblent jouer dans une cour où ils n'ont pas les règles du jeu. Ils se mettent une pression constante et se soumettent à leurs propres injonctions. L'un des participants confie qu'il change de trottoir quand il marche trop longuement derrière une jeune fille pour ne pas la mettre mal à l'aise. 

Au nom de la femme

Le monde bouge et les relations homme-femme sont en mouvement, elles aussi. Les approches d'hier ne sont plus acceptables pour grand nombre d'individus qui comprennent que certains comportements peuvent inconforter la gente féminine. Ils sont prêts à se remettre en question et à adopter d'autres attitudes plus adaptées et respectueuses du sexe opposé.

Mai 68 a fait sauter les verrous et les barrières qui se referment aujourd'hui pour un retour que certains accueillent positivement. Une remise à niveau qualifiée de bien plus normale et morale pour certains, mais que d'autres, à contrario vivent très mal. Une bascule des habitudes qui bouscule ce qu'ils pensaient acquis.

En travaillant à partir de recherches historiennes, François Dupuis-Deri, professeur de sciences politiques, a été surpris de découvrir que le discours de la crise de la masculinité et le sentiment que les femmes occupent trop de place datent de l'Antiquité et se situe à Rome. Celui qui existe aujourd'hui se nourrit d'un ressentiment face aux années 60-70.  

Une opposition des genres qui donne naissance à divers mouvements masculinistes plus ou moins sur la défensive et agressifs. 

Les hommes qui n'aiment plus les femmes

Deux côtés de la médaille qui s'opposent. Les masculinistes, par définition, se sentent menacés par la place qu'occupent les féministes. Le mouvement Me Too a donné la parole aux femmes, en permettant aux victimes de viols et d'agressions sexuelles de sortir de l'ombre et du silence et ouvert la voie à des revendications concernant les droits des femmes.

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Groupe de discussions autour du malaise masculin ©France télévisions

Hugo, en recherche de témoignages, voire d'échanges avec d'autres jeunes gens qui ont connu la même mésaventure que lui, pianote sur son ordinateur. Il y découvre des mouvements plus ou moins engagés dans une lutte contre le sexe opposé.

"L'évolution des droits des femmes pour une égalité avec les hommes a changé le monde. Cependant certains hommes sont convaincus que les femmes dominent la société. Ils se sentent floués et la haine des femmes est leur moteur. Les masculinistes se retrouvent sur Internet et partagent des propos souvent insultants, voire violents."

Des groupes qui crient leur haine de la femme, qui les rendent responsables de leur célibat alors qu'ils se considèrent comme des types bien. Un retranchement, une coupure finale et une indifférence pour certains, une violence sous-jacente et un passage à l'acte pour d'autres.

Masculinisme, Célibataires involontaires ou Incel, MGTOW, Pick up artists, Mankind project... Des mouvements, sous différentes formes et degrés, qui ne portent pas vraiment les femmes dans leur cœur !

Le masculinisme chez les femmes 

Il existe aussi des femmes qui ne se sentent pas en phase avec leurs congénères du même genre. Elles considèrent qu'elles vont trop loin, en adoptant à leur tour des comportements sexistes qui mettent à mal le sexe opposé et leur reproche de se victimiser en permanence.

Je pense que les femmes seront perdantes dans l'affaire. Elles paieront l'addition comme les hommes avec ce féminisme guerrier.

Lucie Van Den Berg - Créatrice du site Eromakia

Ce jeu de séduction ne leur déplaisait pas et le changement de règles ne leur convient pas. Elles sont bien entendu contre toute forme d'agressions et de harcèlement mais ne sont pas contre des approches masculines plus virils.

Cette défiance des hommes envers les femmes, aujourd'hui, prive de ce contact plus direct et sensuel.  Les sifflements dans la rue les flattaient davantage qu'elles ne les importunaient. Elles prônent une complémentarité des sexes et davantage de fluidité dans leurs relations. 

Cette "victimitude" de la femme et du mouvement Me Too dénoncée par Lucie Van Den Berg est en complète opposition avec le point de vue de Mélanie Gourarier, anthropologue, chargée de recherche au CNRS. 

Ce n'est pas un mouvement de victimisation, mais un mouvement d'accusation. Les femmes sortent du silence et sont actives de la dénonciation.

Mélanie Gourarier, anthropologue, chargée de recherche au CNRS. 

Les divergences d'opinions autour de ce sujet ne sont donc pas qu'une question de genre. La société qui évolue posera d'autres interrogations et de nouveaux positionnements sociétaux aux nouvelles générations.  

Les relations solos

Hugo ne trouve pas sa place dans ces mouvements, comme nombre de jeunes gens d'aujourd'hui. Ce qui lui manque, c'est un mode d'emploi clair et précis pour ne plus faire d'impaires. Les femmes ne sont pas ses ennemies, elles sont un mystère qu'il aimerait bien apprivoiser avec les mots et les gestes appropriés. Il ne veut plus se tromper. S'il le faut, il préfère rester en retrait. 

Les médias s'emparent du sujet. Les derniers chiffres concernant l'abstinence des jeunes de 18/24 sont édifiants : 28% en 2023 contre 5% en 2006. Un phénomène de récession sexuelle qui s'explique par une révolution du rapport au consentement, mais aussi au temps volé par les réseaux sociaux ! Le plaisir solitaire ou l'asexualité les éloignent des relations avec l'autre qu'ils n'arrivent plus à gérer. 

Sommes-nous dans un intermède pour revenir à soi avant d''apprivoiser l'autre. Un espace-temps où les femmes et les hommes doivent réapprendre à se découvrir pour ancrer de nouvelles bases. Espérons-le car un monde sans amour est un monde sans avenir. 

"Quand les mâles vont mal", un documentaire de Nicole Azzaro et Frédéric Sauzay, produit par Wide Productions / France 3 Paris Île-de-France, à voir ce jeudi 8 janvier à 23 h dans la France en Vrai de France 3 Centre-Val de Loire. A revoir en replay sur le site francetv. 

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