Trois syndicats de l'Éducation nationale appellent à une journée de grève, une semaine après la rentrée scolaire, dans les écoles maternelles et élémentaires. Au centre des revendications : un manque de moyens et de personnels, ainsi que les évaluations des acquis, accusées de masquer les difficultés de l'école publique.
Une rentrée scolaire en fanfare pour les syndicats de l'Éducation nationale. La CGT Éduc'action, Sud Éducation et SNUipp-FSU appellent conjointement à la grève des personnels de l'école primaire le 10 septembre, seulement une semaine après le retour en classe.
Les syndicats fustigent très spécifiquement les évaluations nationales des acquis, dispensées à la rentrée aux élèves de primaire, de collège et de seconde. "Le ministère de l’Éducation nationale continue néanmoins à brutaliser l’école en imposant ses mesures une à une", écrit Sud dans son appel à la grève.
"Une façon sournoise de piquer leur expertise aux enseignants"
Concrètement, ces évaluations ont, selon l'Éducation nationale, pour objectif principal de "fournir aux enseignants des repères" pour "enrichir leurs pratiques pédagogiques". Le gouvernement espère aussi disposer d'outils de mesure du niveau des écoliers au niveau national.
Autant dire que cette version officielle est plus que contestée par les trois syndicats. "Ces évaluations nationales sont une façon sournoise de piquer leur expertise aux enseignants, qui sont parfaitement capables d'évaluer leurs élèves, lance Mathieu Billière, trésorier à Sud Éducation dans le Loiret. On n'a pas besoin d'exercices formatés !"
Le syndicaliste, professeur de lettres au lycée Duhamel du Monceau à Pithiviers, voit dans ces tests la "continuité logique" d'une politique nationale qui viserait "la standardisation de notre métier" :
On nous dit de plus en plus ce qu'on doit faire, quasi geste par geste. Ça nous tombe d'en haut, sans explication. C'est presque du toyotisme.
Mathieu Billière, Sud Éducation 45
Même avis du côté de la FSU. Paul Agard, co-secrétaire SNUipp-FSU en Indre-et-Loire, met en cause "un apprentissage mécanique", qui ne laisse "plus de place à la pédagogie". Il voit dans ces évaluations "un outil politique" dont "la finalité est de démontrer que les politiques éducatives fonctionnent", tout en "masquant le manque de moyens".
"L'école de la reproduction sociale"
La politique éducative en question, c'est le "choc des savoirs" cher à Gabriel Attal, ancien ministre de l'Éducation nationale. Une "mobilisation générale pour élever le niveau de notre école", selon le ministère. Un "ensemble de mesures réactionnaires", répond Sud.
Au centre des critiques : les groupes de niveau. Officiellement, les "groupes de besoins", dixit Nicole Belloubet. Ce lundi 27 août devant la presse, la ministre démissionnaire a insisté qu'il s'agissait là de "la terminologie qui nous convenait le mieux". Avant, lapsus malheureux, de parler de groupes de niveau à deux reprises.
Nicole Belloubet, ministre démissionnaire de l'Education nationale, a fait le lapsus qu’il ne fallait pas faire sur le sujet brûlant de cette rentrée scolaire : la mise en place de l’enseignement du français et des mathématiques en groupes en sixième et en cinquième #AFP ⤵️ pic.twitter.com/WzG7anY2HZ
— Agence France-Presse (@afpfr) August 27, 2024
Ces groupes "constituent véritablement un tri des élèves", assène Mathieu Billière. Tri qui "a un sens social, parce que les élèves les plus adaptés à la commande scolaire" viennent "des classes aisées". Autrement dit, pour le syndicaliste, "c'est une école de la reproduction sociale". L'égalité des chances ? "Elle est percutée de plein fouet, c'est comme si elle se prenait un missile."
Si la grève est avant tout axée sur ces évaluations et le choc des savoirs, les trois syndicats rejettent plus généralement "la politique menée depuis sept ans et Jean-Michel Blanquer". "On accumule les difficultés sans jamais apporter de réelles solutions", regrette Paul Agard, de la FSU, qui assure que "cette rentrée nous fait peur".
Encore des manques de personnels ?
Dans l'académie Orléans-Tours, des problèmes de recrutements récurrents continueraient de se poser. De professeurs à tous les niveaux, avec "déjà la nécessité de recruter des contractuels". L'Eure-et-Loir et le Loiret sont, à en croire Paul Agars, particulièrement touchés par un déficit de personnels. Recrutements compliqués, aussi, chez les AESH, chargés d'aider les élèves en situation de handicap. Des "postes très mal payés". "Tous les éléments importants pour l'accueil des élèves font défaut", s'alarme le cosecrétaire SNUipp-FSU 37.
À la rentrée 2023, 3 479 AESH étaient embauchés dans la région, contre 2 340 en 2019. Mais cette augmentation significative ne serait pas suffisante face à la hausse du nombre d'enfants signalés comme nécessitant un accompagnement. Selon des statistiques 2022-2023 de l'Unapei, trois enfants en situation de handicap sur quatre ont moins de 12 heures d'enseignement par semaine par manque d'AESH. Alors que le nombre d'heures de cours hebdomadaire est, théoriquement, de 24 en primaire et 26 au collège.
Sollicitée, l'académie d'Orléans-Tours n'a pas encore souhaité communiquer les chiffres clés de la rentrée 2024 dans la région.