Scandale du Mediator: l'heure du jugement pour Servier et l'Agence du médicament

Plus de dix ans après le retentissant scandale du Mediator, un médicament tenu pour responsable de centaines de décès, le tribunal de Paris rend ce 29 mars son jugement à l'encontre des laboratoires Servier et de l'Agence du médicament.

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L'affaire va se clore au tribunal de Paris, mais elle aura un fort rententissement dans le Loiret, où la firme pharmaceutique a été fondée en 1954. La présidente de la 31e chambre correctionnelle, Sylvie Daunis, doit commencer la lecture du délibéré à 10 heures ce 29 mars. Elle doit durer au moins deux heures. Quelques dizaines de parties civiles - sur les plus de 6500 constituées à l'occasion de ce procès "hors norme" - seront présentes au tribunal pour ce jugement, qu'elles espèrent "exemplaire".

Lors des "517 heures et quelques minutes d'audience" d'un procès-fleuve ouvert en septembre 2019 et clos en juillet 2020, une question a été centrale: comment
le Mediator a-t-il pu être prescrit pendant trente-trois ans malgré les alertes répétées sur sa dangerosité ? Pour l'accusation, les laboratoires Servier ont sciemment dissimulé les propriétés anorexigènes (coupe-faim) et les dangereux effets secondaires de ce médicament, utilisé par 5 millions de personnes jusqu'à son retrait du marché en 2009.

Dans la balance : plus de dix millions d'euros d'amende et trois ans de prison ferme

Dans ses réquisitions, la procureure Aude Le Guilcher a appelé à "restaurer la confiance trahie" en sanctionnant le "choix cynique" et le "sinistre pari" d'une firme ayant privilégié "ses intérêts financiers" à la santé des consommateurs du médicament, malgré "les risques qu'elle ne pouvait ignorer". Un total de 10,228 millions d'euros d'amendes a été demandé à l'encontre de la maison-mère et de cinq sociétés du groupe pharmaceutique, poursuivies pour "tromperie aggravée", "escroquerie" et "homicides et blessures involontaires".

Cinq ans de prison dont trois ferme et 200.000 euros d'amende ont été réclamés contre Jean-Philippe Seta, l'ex-numéro 2 de la firme et ancien bras droit de son tout-puissant dirigeant Jacques Servier, décédé en 2014. Les laboratoires Servier se sont toujours inlassablement défendus d'une "volonté délibérée de tromper". "Ils n'ont pas identifié un signal de risque significatif avant 2009", a argué l'un des avocats du groupe, François de Castro. 

A l'encontre de l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM, ex-Afssaps), qui a "gravement failli dans sa mission de police sanitaire", le parquet a demandé une amende de 200.000 euros. Jugée pour "homicides et blessures involontaires" par négligence, pour avoir tardé à suspendre le Mediator, l'Agence a reconnu lors du procès une "part de responsabilité" dans le "drame humain" du Mediator et n'a pas sollicité la relaxe.

Les premières alertes sur la toxicité du médicament, à l'origine de graves lésions des valves cardiaques (valvulopathies) et d'hypertension artérielle pulmonaire (HTAP), une pathologie rare et mortelle, avaient éclos dans les années 1990. Une décennie après la révélation au grand public de l'un des pires scandales sanitaires français par la pneumologue Irène Frachon, les parties civiles attendent "une condamnation à la hauteur des agissements répétés et volontaires du groupe Servier", qui doit "marquer le temps et changer les moeurs", a expliqué l'une de leurs avocates, Martine Verdier.

Des peines encourues "ridicules au regard du chiffre d'affaire du groupe"

Leur attente risque toutefois d'être déçue, prévient un autre avocat de parties civiles, Jean-Christophe Coubris. "Quand bien même le tribunal irait au plafond des peines d'amendes encourues, elles seront ridicules au regard du chiffre d'affaires du groupe Servier, qui se situe autour de 4,7 milliards annuels", a-t-il jugé, "l'exemplarité sera obtenue si les condamnations civiles sont conséquentes". 

Les parties civiles ont réclamé au total "un milliard" d'euros de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis, dont plus de 450 millions pour les caisses d'assurance maladie qui ont pris en charge le remboursement du Mediator au taux maximal de 65% et qui s'estiment victimes d'"escroquerie". Ce procès concernait essentiellement des faits de "tromperie", l'instruction pour "homicides et blessures involontaires" étant toujours en cours.

Y étaient également jugés d'anciens cadres et experts des autorités de santé accusés de "conflits d'intérêts" avec Servier, contre lesquels des amendes et des peines de prison avec sursis ont été requises. Dans le volet "trafic d'influence", le parquet a par ailleurs réclamé trois ans de prison avec sursis contre l'ex-sénatrice Marie-Thérèse Hermange, accusée d'avoir modifié un rapport parlementaire sur le Mediator pour minimiser la responsabilité du groupe pharmaceutique.
 

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