Scandale médical à Tetra Médical : les ex-salariés étaient devant les prud'hommes ce jeudi

Les ex-salariés de Tetra Médical à Saint-Cyr-en-Val dans le Loiret, comparaissaient ce 12 décembre devant le tribunal des prud'hommes. Ils espèrent faire reconnaître la responsabilité de leur ancien employeur après avoir été exposés tout au long de leur carrière à de l'oxyde d'éthylène, un gaz cancérogène, pathogène et reprotoxique.

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Sur les 22 ex-salariés à avoir déposé un recours devant le tribunal des prud'hommes d'Orléans, seuls six sont présents à l'audience ce 12 décembre 2024 au matin. "On veut être reconnus en maladie professionnelle si par la suite, malheureusement, des maladies se déclarent", explique Olivier Gérier qui a travaillé durant 33 ans à l'usine de Saint-Cyr-en Val. Il intervenait sur les stérilisateurs dans lesquels était utilisé de l'oxyde d'éthylène.

Jusqu'à sa fermeture en 2022, Tétra Médical fabriquait des dispositifs médicaux à usage unique (compresses, masques…). L'oxyde d'Ethylène, qui y était utilisé dans certaines procédures de stérilisation, est un gaz classé cancérogène, mutagène et reprotoxique par l'institut national de recherche et de sécurité. En d'autres termes, il a pu non seulement toucher les anciens salariés de Tétra Médical mais également leur descendance. Parmi les 22 salariés qui ont déposé un recours, 3 ont par ailleurs lancé une demande de reconnaissance de maladie professionnelle auprès de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie : deux pour des cancers du rein et une pour un cancer du sein.

"Tous ont été massivement exposés et contaminés"

Mais si au cours de cette audience, la toxicité avérée de ce gaz n'a pas été remise en cause, l’exposition des salariés a en revanche été longuement débattue. Leur avocate dénonce tour à tour "l'absence d’évaluation des risques et l'absence de masques pour les préserver de l’inhalation du gaz". En outre, plusieurs salariés rapportent la présence de cartons tout juste sortis de stérilisation un peu partout dans l'entreprise, faute de salle de désorption, une pièce où les palettes de masques et de compresses doivent être entreposées le temps que le gaz qui a servi à leur stérilisation se dissipe. "Stérilisateurs, techniciens de maintenance, conducteurs de ligne, conditionneurs, contrôleurs qualité laborantins… Tous ont été massivement exposés et contaminés", défend Me Elisabeth Leroux.

Des arguments vite balayés par les conseils du liquidateur judiciaire de Tétra médical. "Il n'y a pas de preuves matérielles que tous les salariés ont été exposés. Il n'y a que des attestations des salariés", martèle Me Ingrid Barbe. "La CSST (NDLR : commission santé, sécurité et conditions de travail) dit que le personnel était exposé 45 minutes par jour. Aucun ne justifie d’une exposition forte et durable telle que la jurisprudence l’exige. Par ailleurs, l'employeur a agi. Le personnel portait bien des équipements de protection individuelle (EPI). Est-ce que c’était suffisant ? À l’époque, c’est ce que disait la médecine du travail."

"L'anxiété, ce n'est pas l'inquiétude"

L'avocate remet également en cause le préjudice d'anxiété subit par les salariés, c’est-à-dire la crainte de voir se développer un jour chez eux ou chez leurs enfants une maladie grave, et sur lequel les conseillers prud’homaux vont précisément devoir statuer. "Il n'y a eu aucune saisine de salariés d’un problème, aucune manifestation d’inquiétude", argue Me Barbe, qui précise d'ailleurs que "l'anxiété, ce n'est pas l'inquiétude. Est-ce que tous les demandeurs justifient d’un suivi psychologique, d'un suivi de santé, de prendre des anxiolytiques ? Il n’y a rien."

Devant les salariés qui bondissent sur leurs chaises à l'écoute des plaidoiries de la partie adverse, Me Leroux prend la parole. L'avocate considère qu'il n'y a aucune raison de remettre en question l'anxiété de ses clients, intervenue selon elle, lorsque ces derniers ont pris connaissance des procédures engagées à Annonay, où se trouvaient le siège et l'usine mère de Tetra Médical. Car ce sont les ex-salariés ardéchois qui ont été les premiers à s'inquiéter d'une possible intoxication à l'oxyde d'éthylène après la multiplication parmi eux de cas de cancers, d'asthme et même de malformations congénitales chez certains de leurs enfants. Elle demande donc 20 000 euros d'indemnisation pour chacun des ex-salariés de Saint-Cyr-en-Val.

20 000 euros d'indemnités demandés pour chaque salarié

Les avocats des liquidateurs et du centre de gestion et d'études AGS (organisme qui garantit le paiement de certaines sommes dues aux salariés en cas de défaillance de l’employeur) demandent, eux, un "sursis à statuer dans l'attente des suites pénales de l'affaire". Une information judiciaire pour mise en danger de la vie d'autrui a en effet également été ouverte en octobre 2023 par le pôle de santé publique du parquet de Marseille, pour les sites d'Annonay et de Saint-Cyr-en-Val. "Cela peut prendre des dizaines d'années", rétorque Me Leroux, "D’autant que dans quelques mois, la société sera liquidée et les salariés ne pourront pas obtenir réparation."

Les liquidateurs demandent également la prescription tandis que l'avocate de l'AGS estime que chaque salarié n'a pas été exposé au même niveau à l'oxyde d'éthylène et souhaite une individualisation des indemnisations. La décision a été mise en délibéré et sera rendue le 24 avril 2025.

[À Annonay en Ardèche où se trouvait le siège de Tétra médical, la même procédure prud’homale est engagée et concerne 152 ex-salariés. L'audience, qui s'est tenue le 26 novembre dernier, n'a pas permis de rendre une décision. L'affaire et désormais renvoyée au 18 février 2025.]

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