Des scientifiques et des ingénieurs du CNRS d’Orléans seront à Kourou, en Guyane française, jeudi 13 avril. Ils vont assister au lancement de Juice, la toute nouvelle sonde de l’agence spatiale européenne. Direction Jupiter. À l’intérieur de celle-ci, un équipement a été fabriqué à Orléans. Rencontre un astrophysicien et un ingénieur.
C’est un rêve qui va se réaliser pour beaucoup de petits et grands enfants, grâce à l’Agence spatiale européenne… Après un voyage de 630 millions de kilomètres, la sonde Juice (acronyme de Jupiter Icy Moons Explorer, ou "Exploratrice des lunes glacées de Jupiter") devrait être en orbite autour de Jupiter et de ses lunes, en 2031. L’objectif ? Explorer l’environnement de la planète et en particulier celui de l’une de ses trois lunes, Ganymède.
Un laboratoire d'Orléans en pointe
Entre 2014 et 2020, une dizaine de scientifiques et d’ingénieurs orléanais a travaillé sur un instrument de mesure se trouvant dans la sonde Juice. Notre journaliste de France 3 a rencontré deux spécialistes, dont Pierre Henri, astrophysicien.
Au laboratoire de physique et de chimie de l’Environnement et de l’Espace (LPC2E) d'Orléans, notamment sous la tutelle du CNRS, il est responsable scientifique d’instruments embarqués pour l'exploration planétaire.
Dans ce cas précis, il s'agit d'"une petite station météorologique qui va faire les mesures de densité et de températures", explique Pierre Henri.
Alors, que vient faire Orléans dans cette aventure ? L'agence spatiale européenne a lancé un appel d'offres pour de nouveaux projets d'exploration du système solaire, auquel plusieurs laboratoires ont répondu.
"Le laboratoire d'Orléans a une expertise reconnue internationalement dans le design et la mise en œuvre d’instruments spatiaux embarqués", répond Pierre Henri.
Des traces de vie sur les lunes de Jupiter ?
Une fois arrivée en orbite autour des satellites, il faudra attendre 2040 pour savoir si, oui ou non, il existe des traces de vie sur les lunes de Jupiter. Car les objectifs de Juice sont bien précis : "observer l'environnement de Jupiter mais surtout explorer ses lunes, et en particulier Ganymède", poursuit l'astrophysicien.
Ganymède est la plus imposante des lunes de Jupiter. "C'est une lune très particulière. C'est la seule lune que l'on connaît dans le système solaire, qui a un champ magnétique propre, une petite atmosphère et les missions spatiales passées nous ont montré qu'elle devrait avoir un océan d’eau liquide en sous-surface", développe Pierre Henri. Autrement dit, savoir si la vie est possible autour de Jupiter.
Ce qui nous intéresse beaucoup autour de cette lune, c’est de comprendre si elle a, ou a eu dans le passé, des conditions propices à la vie
Pierre Henri, astrophysicien à Orléans
Les analyses futures permettront de mieux connaître l'environnement de Ganymède. "L’objectif de Juice est de confirmer l’existence de l’océan, le caractériser, pour préparer des missions futures qui nous permettront d'aller sonder directement dans cet océan", confirme Pierre Henri.
Des mois de voyage, des années d'étude
Le départ de Juice est donc programmé à la semaine prochaine. En avril 2023, donc. "On va arriver en 2031. On va avoir toute une phase d’étude de Jupiter et de lunes à distance", explique le spécialiste.
En 2035, seulement, la sonde se mettra en orbite autour de Ganymède durant quelques mois, voire quelques années. "Après, il nous faudra encore plusieurs années pour récolter les données", ajoute Pierre Henri.
Ce sont des missions qui durent une carrière entière. La première étape, une étape clé, c'est le lancement. En espérant que tout se passera bien, pour découvrir des choses sur Jupiter auxquelles on ne s'attend pas du tout.
Pierre Henri, astrophysicien
Bien que longue, la mission a de quoi faire rêver tous ceux qui ont la tête dans les étoiles. "Cela fait toujours rêver de participer à l’exploration de notre système solaire, surtout quand ce sont des missions d'une aussi grosse envergure", sourit Pierre Henri.
La joie, teintée d'inquiétude, sera donc palpable, la semaine prochaine, au moment du lancement de la sonde. "Il faut une dizaine d'années pour développer un instrument, une dizaine d'années pour aller sur place et encore plusieurs années pour traiter les données. Celles qu’on va prendre n'ont jamais été prises dans le passé. Il y aura forcément des surprises", conclut Pierre Henri.
Des composants éprouvés
Olivier Le Duff est ingénieur de recherche au CNRS. Concernant la mission Juice, il est responsable technique de l’instrument Mime, embarqué pour l’exploration de Jupiter. "C'est la partie électronique de la contribution orléanaise. C'est une carte d'interface qui va être, elle même, branchée à une carte mère", explique l'ingénieur.
"On a démarré en 2014, on a livré les modèles de vol en 2020, ce qui fait six ans de travail", poursuit Olivier Le Duff. Pour réaliser cette mission, sur la terre ferme, il aura fallu mobiliser entre six et sept personnes à plein temps, avec des ingénieurs informatiques, électroniciens, qualiticiens…
"La complexité vient surtout du domaine du spatial. On a besoin de faire appel à des procédés et des matériaux qui sont qualifiés par les normes de l'Esa", développe Olivier Le Duff. L'objectif ? "Pouvoir résister à un environnement soumis à très fortes radiations et de forts deltas de température et dans l'espace, sur du long terme".
Je vais être très impatient de voir la fusée partir, c'est un accomplissement de la mission, pour moi.
Olivier Le Duff, ingénieur au CNRS
L'impatience est, là encore, présente. "On est prêts pour recevoir les premières données, sachant qu’elles vont arriver très vite après le lancement. On saura que l'instrument fonctionne et dans un état correct pour effectuer ses mesures, plus tard", confirme Olivier Le Duff.
En attendant, l'ingénieur n'aura pas le temps d'être dans la lune : "On a la suite de la mission Juice, avec Comet Interceptor". Il s'agira d'une mission permettant des mesures similaires, encore une fois portées par l'Agence spatiale européenne, visant à découvrir des comètes du système solaire. Tout un programme.