Pédophilie : "l'Eglise ne peut plus revenir en arrière", Olivier Savignac face à la Conférences des évêques de France

Les 118 évêques catholiques de France se sont réunis samedi 3 novembre, à Lourdes, lors de l'annuelle conférence des évêques. Huit victimes d'agressions pédophiles au sein de l'Eglise y ont été accueillies et entendues. 

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A Lourdes, samedi dernier, se sont entremêlées des paroles qui pendant longtemps ont été contraintes de se tourner le dos.

Celle d'anciens enfants qui ont été abusés, au sein de leur église. Celle des évêques, échelons incontournables de la hiérarchie catholique, longtemps accusés d'un silence coupable, voire complice, sur ces agissements. 
 

Les victimes écartées du "Parlement" 


Huit victimes de pédophilie ont été reçus lors de l'annuelle Conférence des évêques de France (CEF). Elles ont été reçues au sein de groupes de travail restreints, et non devant le parlement réunis des 118 évêques, comme elles l'espéraient. L'une des associations de victimes a d'ailleurs décliné l'invitation pour cette raison. 

Olivier Savignac, ancienne victime de l'abbé de Castelet et président de l'association "Notre parole aussi libérée", a lui aussi peu goûté la réponse de la CEF. "C’est vrai que, à notre demande d’être reçus en Assemblée plénière, nous entendre répondre : "Les évêques ne sont pas prêts"… C’est quand même très peu approprié."

Une ligne de conduite qui, selon Olivier Savignac, n'était en plus pas unanime. "Plusieurs évêques étaient très surpris, ils n'avaient pas été mis au courant. "Mais qui a dit que nous n'étions pas prêts à vous recevoir ? C'est faux !" Ça montre un clivage au sein de la CEF. Ça gêne une minorité d'évêques, qui n'a pas fait son travail par le passé.
 

"Un partage vrai"


Musicien professionnel, Olivier Savignac a cependant un grand sens de la mesure.  Il a exprimé dans un communiqué sa "satisfaction" à l'issue de cette rencontre.
 

Ce qui nous a marqué, durant le temps de parole face aux évêques, c’est quand même un grand respect de notre parole. Une écoute, attentive. En face de nous, ce n’était pas simplement des évêques mais des hommes, qui ont aussi leurs faiblesses, leurs limites et je crois que ce qu’on a vécu là était de l’ordre d’un partage vrai.


C'est déjà la troisième année qu'Olivier Savignac demandait cette rencontre avec la CEF. En vain, jusqu'à ce que le vent médiatique ne tourne et que les révélations ne s'enchaînent sur les scandales pédophiles au sein de l'Eglise de France.

Face aux évêques, celui qui été partie civile au procès de l'abbé de Castelet il y a dix jours à peine était venu raconter son histoire, mais pas seulement. 
 


Des pistes pour briser le cycle infernal


Durant l'heure ("un peu court", commente-t-il) d'échange avec les évêques, le père de famille de 38 ans a surtout mis sur la table des axes de travail, précis. 

Sur la prévention, d'abord : la création d'un espace de parole au sein de chaque paroisse, et un volet de prévention à destination des enfants dans les écoles catholiques sous contrat. 

Sur un volet management ensuite, un terme qui semble bien loin des églises, et pourtant. "Les évêques ne doivent pas rester seuls avec ça. Comment peuvent-ils s'entourer pour gérer de telles crises ? Juristes, assistants sociaux, psychologues... Ils sont obligés, maintenant, de s'ouvrir aux gens de l'extérieur." 
 
Et surtout, l'épineux volet de la réparation, lithurgique mais surtout financière. Car dans bien des cas, après 20 ans, 30 ans de silence, impossible d'avoir recours à "la justice des hommes" pour être reconnu comme victime.

"Pour les victimes de faits prescrits, la réparation financière est un moyen de reconnaître ce statut. L'Eglise a évoqué un "geste financier" : c'est réducteur, ça fait "sous le manteau". Non. La réparation symbolique, c’est l’Eglise qui s’engage à reconnaître la personne en tant que victime, et qui lui verse une somme d’argent en dédommagement des préjudices subis et tout ce que ça comporte sur l’aspect des soins." 

Olivier Savignac, bien sûr, est conscient que la somme ne tiendra pas des procès à l'américaine avec des centaines de milliers de dollars à la clé. Pas plus que la réparation ne sera à la hauteur du traumatisme. Rien ne le serait. 
 

La commission indépendante, la vraie porte de sortie ?


Reste l'espoir, pour ces victimes qui sont aussi des catholiques pratiquants, que leur apaisement aille avec un apaisement de l'Eglise. Que tout le monde sorte par le haut de ce puits sans lumière. "Quatre jours après la rencontre, les évêques ont annoncé quelque chose de fort. Ils prennent conscience des enjeux."
 
Le 7 novembre, la CEF a en effet annoncé la création de sa propre commission indépendante d'enquête sur les crimes pédophiles commis au sein de ses institutions. 

Ambitieuse, la commission veut mettre au jour tous les abus sexuels commis sur mineurs depuis les années 50. On ignore encore tout de cette commission : qui va la diriger ? quels moyens humains et financiers ? dans quel cadre va-t-elle agir ? 

Un seul élément est connu, c'est sa durée. Sa mission devrait se prolonger jusqu'à deux ans d'enquête. "Cela me paraît court, vu tout ce qu'il y a d'enfoui..." juge Olivier Savignac. Car les enquêteurs ne vont pas pouvoir se contenter des archives du diocèse, qui ont parfois été "épurées" des archives gênantes. Un travail de terrain sera nécessaire, qui va devoir faire remonter la boue des non-dits. 

Le président d'association a-t-il confiance en la détermination de l'Eglise ? 

On est plusieurs à veiller à ce que cette commission ne soit pas qu’un effet d’annonce. Nous allons attendre des actes, des statistiques, des états des lieux. L'Eglise n’a aucun intérêt à ce que cette commission reste un écran de fumée face à ce problème latent qui explose aujourd’hui. Je crois qu'elle ne peut plus revenir en arrière : elle a fait une annonce, aux yeux de la société.

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