PORTRAIT. De Malesherbes aux plateaux de cinéma : Abdallah Charki, premier rôle de "Ma part de Gaulois", se raconte

Enfant de Corbeil-Essonne, lycéen à Pithiviers, Abdallah Charki s'est cherché avant de trouver sa vocation : raconter des histoires. Et c'est au cinéma qu'il est en train d'y parvenir.

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"Quand j'étais petit, je regardais la télé, je me disais : 'Très beau film !' et puis c'était tout." Comment Abdallah Charki aurait-il pu imaginer que, 15 ans plus tard, il serait la tête d'affiche d'un film, un vrai ? En l'occurrence, Ma part de Gaulois, film réalisé par Malik Chibane.

Le film est adapté du livre semi-autobiographique du même nom, signé Magyd Cherfi, membre fondateur de Zebda, culte groupe de rap originaire de Toulouse. Abdallah Charki y interprète Mourad, alter ego cinématographique de Magyd Cherfi, qui se retrouve à préparer le baccalauréat.

"Une formalité pour les 'Français' du centre-ville mais un événement sismique pour Mourad et son entourage : le premier de la cité à aller jusqu'au bac", résume le synopsis du film.

Boxe office

Et, assumons de verser dans le cliché : l'acteur n'est pas forcément loin de son personnage. Originaire de Corbeil-Essonnes, élevé à partir de ses 14 ans à Malesherbes et scolarisé à Pithiviers, dans le Loiret, Abdallah Charki s'est longtemps rêvé en boxeur.

Plus jeune, il aimait beaucoup Rocky, un film qui le "fascinait, parce qu'il transmet des messages tellement beaux sur la détermination, l'obsession pour un rêve". Rocky l'a fait "croire en la vie".

Mais la vie avec la boxe, pas (encore) avec le cinéma. Arrivent des pépins de santé qui l'empêchent de monter sur le ring. En 2019, il s'inscrit au concours d'éloquence du Mémorial de Caen, et s'exprime devant 3 000 personnes. Il termine à la deuxième place.

À ce moment-là, toute sa conception de son propre avenir change. Par son expérience sur scène d'abord. "On m'a invité à faire des conférences, et je me suis demandé ce que j'aimais faire. La réponse, c'était parler, transmettre de la vie."

Festivals et RER

Et puis, lors du concours, il rencontre des profils de jeunes très différents du sien.

Certains voulaient devenir diplomate, d'autres disaient qu'ils voulaient être président ! Je me suis dit que c'était possible de faire ces choses là. Ça a cassé des barrières. C'est là que je me suis dit que je voulais être acteur.

Abdallah Charki, acteur

Comme Mourad dans Ma Part de Gaulois, Abdallah Charki s'extirpe alors de l'avenir que la société tient à lui réserver. Même si, au début, c'était "très dur". Il est alors étudiant à l'université à Évry, et rentre chaque soir chez lui, à Malesherbes. "Je finissais les cours à 17h, puis j'allais en cours de théâtre, et j'allais dans tous les festivals de courts-métrages, se souvient-il. Je donnais mon numéro à plein de réalisateurs, mais je n'étais jamais rappelé."

Une détermination sans faille, qui venait avec ses complications : "Quand je sortais des festivals, il n'y avait plus de trains. Parfois je me faisais héberger à Paris, parfois j'attendais le premier train pour Malesherbes."

Trois en un

Au milieu de son année, Abdallah Charki choisit d'arrêter ses études, de se consacrer uniquement au cinéma. Avec la bénédiction de son père, à la simple condition qu'il arrive à vivre de sa passion avant la fin de l'année. Et, à quelques jours de l'échéance fatale, la sentence tombe : il est sélectionné pour jouer trois rôles, pour des tournages à peu près simultanés. "C'est grâce à ma mère, qui a postulé pour moi à plein d'annonces, à des castings, a contacté plein d'agents."

Il choisit d'intégrer le casting principal de la version française de la série norvégienne Skam, disponible sur la plateforme France.tv Slash, de la saison 7 à la saison 10. De son propre aveu, le rôle le moins rémunérateur, mais le plus intéressant des trois. "Je voulais prouver à mon père que je pouvais gagner ma vie, mais j'ai voulu suivre mon intuition, et penser au long terme."

Et comme un heureux évènement n'arrive jamais seul, il s'inscrit aux sélections de l'école de cinéma du collectif Kourtrajmé, montée par Ladj Ly, réalisateur des Misérables et du récent Bâtiment 5. "La réalisatrice de Skam m'a encouragé à ne pas venir à la semaine de répétitions pour la série, pour pouvoir aller aux sélections de Kourtrajmé", raconte-t-il. Et ça paie, puisqu'il intègre l'école, et étudie notamment sous la houlette de l'actrice Ludivine Sagnier (Swimming Pool, Mesrine).

L'école lui donne "la passion du cinéma", et la volonté de "s'investir, ne rien prendre à la légère". En est-il ressorti meilleur acteur ? "Un meilleur humain en tout cas, je me comprends mieux. Et plus on se comprend, mieux on joue, parce qu'on travaille sur l'empathie, on ressent ce que le personnage ressent, on vit sincèrement, on n'imite pas."

Apprentissage perpétuel

Mais Abdallah Charki le sait, il est "toujours en apprentissage". Notamment pendant le tournage de Ma Part de Gaulois, lors duquel il a "pris de l'expérience pour les prochains rôles". Une expérience dont il aura besoin pour ces prochaines semaines, puisque le jeune comédien a décroché un rôle dans la troisième saison d'Hippocrate, de Thomas Lilti, aux côtés notamment de Karim Leklou et Bouli Lanners.

Et, en attendant de trouver un logement à Paris, sa vie "est toujours la même : parfois je tourne avec de grands acteurs, j'enchaîne les festivals, et le soir je vais jusqu'au terminus du RER D pour retrouver mon chat et mon jardin". Un bon moyen de "garder les pieds sur terre".

Dans le futur, il souhaiterait jouer des rôles "qui me sortent énormément de moi, travailler un rôle de composition", assure-t-il. Des personnages "qui me passionnent le plus, parce qu'ils ne viennent pas de moi". Et jouer un boxeur, presque 50 ans après Sylvester Stallone ? "J'attends que ça ! Ça serait magique, ça rendrait l'histoire très belle."

Ma part de Gaulois, de Malik Chibane, sorti le 31 janvier 2024. 1h31.
Avec Abdallah Charki, Adila Bendimerad et Lyes Salem.

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