« Un endroit affreux » : 60 ans après, les Harkis parqués de la Cité de l’Herveline peuvent enfin demander réparation

La Cité de l’Herveline à Semoy, dans le Loiret, vient d'être intégrée dans la liste des structures ayant accueilli des Harkis, ouvrant ainsi le droit aux familles de rapatriés d’Algérie de faire valoir leur droit à des indemnités de réparation. Nous les avons rencontrés.

La Cité de l’Herveline.

Le nom sonne joliment mais il est loin de refléter la réalité du camp de transit monté dans l’urgence en 1963 dans la foulée des Accords d’Evian. 250 familles de Harkis, fuyant une Algérie devenue indépendante, vont y séjourner, plus ou moins longtemps, dans des conditions que l’Etat français a lui-même jugé « indignes » en 2022.

Peur des représailles

Kouider Trabi a 15 ans quand ses parents et ses frères et sœurs s’installent à Semoy dans un des baraquements préfabriqués aux parois de « carton », très mal isolés. « Nous vivions à sept dans un "trois pièces". Pour nous laver, nous disposions d’un unique lavabo,dépourvu d’eau chaude. C’était glauque ».

Il y faisait très froid, c’était inconfortable, éloigné de tout

Kouider Trabi

Pourtant M.Trabi a connu pire : le camp de Rivesaltes dans les Pyrenées-Orientales, où enfant il a passé un an sous une tente, comme des dizaines de milliers de rapatriés, des Pieds-noirs et des Harkis cible des nouvelles autorités algériennes pour avoir collaboré avec la France.

Le père de M.Trabi n’est pas un supplétif de l’armée française et pourtant la peur des représailles qui touchent sans distinction l’ensemble des Harkis le contraint à quitter ce pays où il laisse tout derrière lui. De cet exil forcé, il ne dira rien à ses enfants, enfermé dans un mutisme propre, parfois, à ceux qui ont tout perdu.

Une intégration difficile

La Cité de l’Herveline est isolée, loin d’Orléans. Les enfants ont peu de contacts avec l’extérieur, sauf à l’école où ils se rendent à pied chaque matin, à 2 kilomètres de là. Beaucoup ne parlent pas le français. L’intégration est difficile et très peu dépasseront le cap du secondaire.

Saïd Balah est arrivé à l’âge de huit ans au camp. Il se rappelle d’un « endroit affreux ».

Malgré ces conditions difficiles, il réussit à passer son Bac, et après des études universitaires, il décroche un emploi de cadre dans la fonction publique. Une exception. Ses compétences, il les met à profit pour aider ses pairs dans leurs formalités, constituer un dossier de retraites, demander une aide…

Une repentance tardive

Le 23 février 2022, la France a demandé pardon aux Harkis « pour les préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de l'indignité de leurs conditions d'accueil et de vie dans certaines structures sur le territoire français ».

Cette réparation va concerner des centaines de familles dans le Loiret même si 90% de nos parents ne sont plus là pour y prétendre

Saïd Balah

Une repentance qui s’est concrétisée par l’adoption d’une loi. Elle permet aux rapatriés de demander une réparation dont le montant s’élève en moyenne à 8 800 euros.

Depuis un an, Saïd Balah se battait pour obtenir l’inscription de la Cité de l’Herveline sur la liste des sites retenus par l’Etat Français. C’est chose faite depuis le 15 mai 023. « Cela va concerner des centaines de familles dans le Loiret même si 90% de nos parents ne sont plus là pour y prétendre. » commente, un peu amer, S.Balah, âgé aujourd’hui de 65 ans.

De sa génération, beaucoup sont déjà morts aussi, faute d’une bonne hygiène de vie et d’une alimentation saine quand ils étaient enfants. « Cette reconnaissance est bienvenue mais elle arrive trop tard » regrette Saïd.

Soixante ans après les faits .  

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