Suppression du numerus clausus et transformation des hôpitaux de proximité seront au coeur du projet de loi santé présenté mercredi en Conseil des ministres par Agnès Buzyn, étape majeure dans la "réforme globale" du système de soins promise par l'exécutif.
C'est "une loi qui va favoriser l'accès aux soins partout en France", assure la ministre de la Santé, attendue sur ce thème ce lundi avec le Premier ministre Edouard Philippe en Indre-et-Loire.
Le texte, qui arrivera au Parlement en mars et doit être voté d'ici à cet été, traduit une partie des mesures du plan "Ma Santé 2022" détaillées en septembre par Emmanuel Macron.
Parmi elles, la suppression, dès la rentrée 2020, du numérus clausus et du redoutable concours limitant le nombre d'étudiants admis en deuxième année d'études de médecine, sages-femmes, dentaires ou de pharmacie. D'après une version préliminaire du projet, les effectifs en 2e et 3e année seront désormais "déterminés par les universités", qui fixeront aussi leurs propres "objectifs d'admission" en 4e année, sous le contrôle du ministère.
Pour le gouvernement, le but n'est pas tant de pallier la pénurie de blouses blanches dans les déserts médicaux - il faut une dizaine d'années pour former un médecin - que de mettre un terme à un "gâchis humain", des dizaines de milliers d'étudiants échouant chaque année au concours.
Il s'agit aussi de "diversifier les profils" des futurs docteurs en favorisant les passerelles entre cursus universitaires, tout en maintenant une sélection exigeante.
Comment ? Les parcours à suivre et les épreuves à réussir seront "déterminés par décret", selon le projet de loi, qui prévoit par ailleurs la fin des "épreuves
classantes" en fin de 6e année de médecine.
La député LREM du Loiret, Stéphanie Rist, médecin avant son élection, a été nommée co-rapporteure du projet de loi.
Nommée co-rapporteure du projet de loi #MaSanté2022#PJLSanté #DirectAN @ISNItwit @ANEMF @SNJMG pic.twitter.com/1iIsJMzpoL
— Stéphanie Rist (@stephanie_rist) 6 février 2019
"Concertation insuffisante"
Autre gros enjeu, la révision de la carte hospitalière, avec d'un côté la labellisation de 500 à 600 "hôpitaux de proximité" à l'horizon 2022, de l'autre la fermeture de certaines activités à certains endroits, dans des conditions qui seront précisées par ordonnances, dans un délai de 18 mois après la publication de la loi.Sans chirurgie ni maternité, les nouveaux hôpitaux de proximité se recentreraient sur la médecine générale, la gériatrie et la réadaptation, en lien avec la ville (les libéraux). Un moyen, selon Agnès Buzyn, "de redonner des investissements" à ces établissements souffrant "d'un manque d'attractivité". Dans le même temps, le régime des autorisations des activités de soins (chirurgie, maternité, urgences...) et des "équipements matériels lourds" comme les IRM sera modifié "avec un double objectif de qualité et de sécurité", d'après le texte.
D'autres mesures visant à élargir l'accès aux données de santé, à régulariser des médecins diplômés hors d'Europe et exerçant dans des hôpitaux français ou encore à créer des actes de "télésoin" pour les infirmiers figurent au programme. Ce n'est pas le cas d'autres volets du plan "Ma Santé 2022", comme la réforme
du financement des hôpitaux, sur laquelle planche encore le gouvernement en vue
du prochain budget de la Sécurité sociale.
Ou la création de 4.000 postes d'assistants médicaux pour redonner du temps de soins aux médecins, et le déploiement de 1.000 communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) censées favoriser le travail en équipe des libéraux et la prise en charge des urgences non vitales pour soulager l'hôpital, qui font l'objet de négociations entre l'Assurance maladie et les syndicats de professionnels de santé.
"Nous n'avons pas tous les éléments du puzzle", déplore auprès de l'AFP le président de la Fédération hospitalière de France (FHF), Frédéric Valletoux, qui dénonce par ailleurs, dans une tribune cosignée par les associations d'élus locaux, une "concertation insuffisante" en amont du projet de loi.
Le mois dernier, le président de l'Ordre des médecins, Patrick Bouet, avait également regretté que les "acteurs de terrain" ne soient pas associés à sa rédaction, fustigeant "un recours important aux ordonnances".
Autant d'acteurs qui espèrent désormais être entendus dans l'élaboration de ces textes.