Comme une douleur lancinante, la question revient sur la sellette. Par épisode. Comme une fièvre récurrente. A l'occasion de la discussion à l'Assemblée Nationale d'une proposition de loi qui vise à lutter contre les déserts médicaux, c'est à nouveau la guerre des tranchées.
Un débat houleux en perspective et des positions tranchées
Qui de la Région Centre Val-de-Loire ou de la Picardie est le dernier de la classe en matière de déserts médicaux? La question est simple dans sa formulation mais chargée de sous-entendus. Est-ce à dire que rien n'est fait pour sortir de ce mauvais classement? Bien entendu que non. C'est pourquoi les réponses ne peuvent pas être univoques. Et pourtant. Un débat éruptif et inflammable va opposer deux camps définitivement irréconciliables chez nos députés. Plus prosaïquement chez nous, il y a les partisans du non conventionnement à l'assurance maladie des médecins qui voudront s'installer dans des zones déjà sur-dotées comme le Sud de la France. Il y a de l'autre, ceux qui prônent des incitations en faveur de médecins qui opteraient de travailler dans des zones souffrant de désertification médicale comme la Région Centre Val-de-Loire par exemple.
Nous avons voulu prendre le pouls de trois politiques qui ont autorité sur la question. François Bonneau, le président (PS) de la Région Centre, Jean-Pierre Sueur Sénateur (PS) du Loiret et Stéphanie Rist, députée LREM, du Loiret, médecin-rhumatologue.
"Si des mesures incitatives ne suffisent pas, il faudra agir sur le conventionnement"
Cité par nos confrères de la Presse écrite, les propos du Sénateur Sueur sont sans équivoque. Il est donc favorable pour des mesures plus coercitives tout en maintenant le dialogue. Il évoque par ailleurs," la possibilité de demander aux jeunes médecins au sortir de leur formation,d'aller travailler plusieurs années dans des zones sous-dotées...Après tout, Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir ont du aller enseigner au Havre pour l'un et à Rouen, pour l'autre. Avant de conclure qu'il faut ouvrir des places dans des secteurs sous tension et où il y a de réels besoins : anesthésistes, chirurgiens, généralistes " Fin de citation.
"Favorable à la liberté d'installation des médecins mais l'incitation n'exclue pas la régulation"
Toujours dans les colonnes de nos confrères de la République du Centre, François Bonneau, le président de la Région-Centre-Val-de-Loire est plus nuancé. Il serait plutôt partisan du fameux "Oui, Mais"
"Les médecins s'installent où ils veulent mais ils doivent assumer aussi les conséquences. Les conventionnements, c'est de l'argent public. Il doit à ce titre, être utilisé au service des habitants, là, où ils sont" Fin de citation.
Des nuances dont ne s'embarrassent pas l'élue de la République En Marche.
"Le déconventionnement est une fausse bonne idée, populaire mais simpliste"
Avec Stéphane Rist, députée LREM, médecin-rhumatologue, on ne s'embrasse pas de faux semblants. Comme un diagnostic, c'est froid et tranché. Clair. Il faut dire que le sujet, elle a eu l'occasion d'en prendre le pouls. Elle exerce depuis une quinzaine d'années au CHR d'Orléans. Elle va donc peser de tout son poids pendant les discussions à l'Assemblée Nationale.
Le déconventionnement est une mesure qui diminue le nombre de médecins dans les zones sur-dotées mais qui n'accroît pas leur nombre dans les sous-dotées. Les médecins s'installent à la frontière des sur-dotés. Ce n'est pas parce qu'ils ne pourront pas s'installer à Nice qu'ils iront à Châteauroux...
Cette citation est extraite d'une longue mise aux points du Docteur Rist, juste avant la discussion à l'Assemblée Nationale. Comme si elle voulait clore ce chapitre avant les effets de manche de certains de ses collègues au Palais Bourbon.
Le désert médical avance inexorablement malgré les mesures et les discours
Il suffit de jeter un regard rétrospectif sur les manchettes de nos confrères de la presse écrite pour s'en rendre compte. En la matière, ils rivalisent d'ingéniosité et d'humour. Jugez-en plutôt. Un florilège pris à la volée.
"Un médecin s'en va et tout semble dépeuplé"..."Pénurie médicale : des maux et des remèdes"..."Les dentistes sont sur les dents"..
"Des patients contraints d'être...patients".."Touraine prêche dans les déserts médicaux".."Touraine au chevet de la médecine".."Marisol Touraine veut planter des oasis médicales"...Cherche médecin sur leboncoin.fr;;; Cherche médecins désespérément"
Les responsables politiques savent pertinemment que la lutte contre la désertification médicale c'est à la fois une politique d'aménagement du territoire, un dynamisme économique car la clé, c'est l'attractivité. Alors, la Région comme les départements rivalisent d'ingéniosité. Des incitations financières, des primes, des logements à disposition et l'achat du matériel médical payé par la commune, des tarifs préférentiels pour la location de cabinets dans les Maisons de Santé Pluridisciplinaire...l'appel à des chasseurs de tête, des banderoles sur le bas côté des routes.. et quand cela ne suffit pas, un portail Internet; "Instal toi Doc" une première en France.L'objectif étant de regrouper sur un même site web, l'ensemble des informations utiles, opportunités d'installation et offres de remplacement pour atténuer ce mal dont souffre notre région et pourquoi pas espérer un jour, le guérir.
Faire reculer le désert médical, une attention de tous les instants
"Un médecin pour 3000 patients" .. c'est un titre qui laisse songeur. Alors la Région a décidé de faire de cette question, une cause prioritaire.En forme de bilan d'étape, le président Bonneau rappelle que la Région Centre a fait plus que partout: "72 maisons de santé et l'objectif de 125 d'ici quelques années. 8,5 millions d'euros consacrés au contrat de plan Etat-région pour soutenir ces structures, une aide à la télémédecine.. Ça a permis d'arrêter la dégradation" fin de citation. On le voit, malgré des moyens additionnels et des initiatives variées et multiples, hier comme aujourd'hui les gouvernements se suivent et chacun entend apporter son traitement pour lutter contre les déserts médicaux. Le doublement des maisons de santé sur tout le territoire national d'ici 2022. Edouard Philipppe, le Premier ministre s'y est engagé. C'était le 12 Octobre 2017 en Haute-Vienne.
Les Maisons de Santé comme l'ultime recours : "Elles vont permettre de garantir l'accès aux soins de toute une partie d'une population, qui, à cause de son éloignement géographique des grands centres urbains, a l'impression qu'elle ne peut pas y accéder dans les mêmes conditions d'égalité que l'ensemble de nos concitoyens" fin de citation.