"On va essayer de changer la donne", les futurs agriculteurs se préparent à faire évoluer les pratiques

A l'heure du salon de l'agriculture, on est allé voir les agriculteurs de demain. Ces derniers, loin d'être démotivés par l'image peu reluisante dont pâtit une partie du secteur, sont conscients qu’ils vont devoir repenser leur métier, s'orienter vers des pratiques transparentes et plus raisonnées

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"Ce sera à nous de cicatriser", assure Romain, 15 ans, futur agriculteur et élève en seconde au lycée agricole de Montoir-sur-le-Loir (41). En France, le système agricole est de plus en plus remis en question, concernant notamment l'utilisation des produits phytosanitaires et le traitement des animaux

Malgré tout, l'agriculture suscite toujours autant de vocations. La preuve en est : les formations agricoles, CAP, BTS et licence confondus, ne désemplissent pas. Et ces métiers attirent à présent autant les filles et les garçons qui sont presque en nombre égal. Mais les futurs agriculteurs, tout comme Romain en sont conscients : ils vont devoir réparer les pots cassés. 
  

Un climat hostile envers certains agriculteurs

En décembre 2018, le sénateur Yves Détraigne interpellait le gouvernement en établissant ce constat cinglant : "Les agriculteurs se sentent de plus en plus stigmatisés, déconsidérés et désignés à la vindicte de l'opinion publique". Depuis janvier 2019, les atteintes à l’encontre des agriculteurs ont augmenté de 1,5%. Au 1er novembre 2019, près de 15 000 faits étaient déjà enregistrés pour l'année 2019, soit 2 chaque heure selon les chiffres de la gendarmerie nationale. 

Un constat toutefois nuancé par la confédération paysanne ainsi que des associations écologistes qui accusent la FNSEA et le gouvernement de museler l'opposition à l'agriculture productiviste en utilisant à tort et à travers le terme d'agribashing.
   

Le taux d'inscriptions des jeunes dans les filières agricoles se maintient 

Agri-bashing ou remise en question de la norme, quoi qu'il en soit, le thème de l'agriculture est très présent dans l'opinion publique, et le sujet n'est pas nécessairement abordé de manière positive. Les plus jeunes, eux, ne lui tournent pas le dos  -  "La tendance des inscriptions est plutôt au maintien" d'après le directeur adjoint du CFA de Montoir-sur-le-Loir - mais ils appréhendent tout de même le regard de la société. 
 

"Je savais qu'il allait y avoir des préjugés, se souvient Jimmy, élève en CAP en apprentissage. Par exemple : «vous les agriculteurs, vous travaillez six mois et les six autres mois vous ne travaillez pas»." En effet, la question de l’agri-bashing trotte dans la tête des élèves. De telle sorte que le directeur adjoint de l’école de Montoir-sur-le-Loir a proposé une petite expérience aux agriculteurs en herbe : ils ont eu à questionner des passants concernant l'opinion de ceux-ci sur le monde agricole

Ils s'attendaient à se faire démonter", se souvient l'encadrant. Et finalement, pas tellement

"Une trop grosse pression"

Nous avons interrogé plusieurs élèves du CFA de Montoir-sur-le-Loir, qui nous ont fait part de leurs réflexions. "On va essayer de changer la donne, explique Romain. Essayer d'être plus transparents par rapport au consommateur." "D'ailleurs, on nous parle beaucoup du circuit court en classe", ajoute l'un d'eux. "Ça me permet d'en savoir plus sur les produits phytosanitaires, déclare quant à lui Jimmy. Les doses à respecter sont infimes. C'est si on ne respecte pas les doses que là, ça devient dangereux." 

Selon Gille Tatin, délégué régional chargé d'ingénierie de la formation à la DRAAF, "ils sont conscients qu'ils vont être des acteurs du changement de l'agriculture. Je ne sais pas si aujourd'hui, on peut trouver un métier qui est autant impacté par le changement climatique que l'agriculture. On a cette chance d'être dans un milieu où on est des ingénieurs de ce changement." 

Mais cette prise de conscience peut prendre des allures un peu anxiogènes pour la future génération.

Il y a une trop grosse pression en termes d'écologie. C'est trop brutale, assure Romain.

"Dans six mois on est censé être capable de gérer tout ça tout seul", explique-t-il, peu rassuré. On nous rejette la faute dessus." Et d'ajouter : "Nous on peut produire mieux mais c'est aussi aux consommateurs, qui veulent manger à pas cher, de faire des efforts."  Malgré tout, les jeunes gens se sentent épaulés au sein de leur formation : "Ils [les professeurs] comprennent qu'on est dans une période difficile et ils nous aident", assure le jeune garçon. 


Attirer les jeunes : une tâche qui se complique 

"Notre problème n'est pas de garder les jeunes, ce qui est difficile, c'est de les attirer", explique Gilles Tatin. Depuis une dizaine années, les formations agricoles ont en effet plus de mal à faire venir les élèves". La Draaf s'est donc emparée des nouveaux modes de communication et participe de plus en plus à des manifestations d'orientation, de salons, etc. pour informer les jeunes et démentir les stéréotypes.  De plus, pour que les étudiants sachent à quoi va réellement ressembler leur métier, leur formation leur impose 16 semaines d'apprentissage dans des exploitations. 

"J'aimerais me lancer là-dedans, parce qu'on est à la base de tout", lance l'un des élèves. "Pour la plupart d'entre nous, c'est une passion depuis tout jeune", constate quant à lui Jimmy. "Le milieu reste attractif parce qu'il change,  notamment en termes d'innovation technologique. La numérisation nous apporte beaucoup par rapport à l'environnement", explique Gilles Tatin, en faisant notamment référence aux robots dotés d'intelligence artificielle. Néanmoins, cet enthousiasme n'est pas toujours partagé par les parents.

Un enfant qui va dire qu'il veut faire de l'agriculture, ses parents vont souvent essayer de le détourner quand ils ne connaissent pas ce milieu, explique Gilles Tatin.

Une expérience que Romain a lui-même vécu : "Mon père ne m'a pas poussé vers ce métier", se souvient-il. 
 

Des initiatives de communication 

Face à cette question d'image, certains agriculteurs, en particulier issus de la jeune génération, ont cherché des solutions innovantes, en se servant des réseaux sociaux. En 2014, une agricultrice a par exemple lancé le concours Miss France agricole. Initialement ce projet avait été pensé dans le but suivant : "montrer que les femmes agricultrices avaient les pieds dans la boue mais que ça ne les empêchait pas de pouvoir être jolies". Puis, le concours s'est vite tourné vers la lutte contre l'agri-bashing. 
 
De même, une page Facebook intitulée  #Fierdemonmétier a été créée récemment par des étudiants dans l'objectif de "rétablir la vérité sur l'agriculture". 
 




 

 



 
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