Dès la fin mai, les candidats qui n'avaient reçu que des "non" sur la nouvelle plateforme d'orientation post-bac Parcoursup avaient la possibilité de saisir une commission académique pour leur venir en aide.
Son nom complet, c'est "commission académique d’accès à l’enseignement supérieure (CAAES)". C'est l'organe académique qui intervient auprès des "recalés" de Parcoursup, ces élèves qui n'ont reçu que des refus à leurs voeux de poursuite d'études.
Le dispositif pallie une nouveauté de la très critiquée plateforme Parcoursup : sélectionner une filière non-sélective n'y était plus obligatoire. Bruno Etienne est chef du service académique d’information et d’orientation d'Orléans-Tours. C'est lui qui réunit la commission qui travaille sur les dossiers de ces élèves à l'avenir devenu incertain. Elle est chargée de leur proposer une alternative de formation.
Ceux qui examinent
"La commission a une composition variable selon les académies. Chez nous, en plus des recteurs, on a fait le choix d’intégrer des représentants de tous les types de formations supérieures." Ce qui veut dire, chers futurs bacheliers, que vos futurs chefs d'établissement vous regardent ! Présidents d'université, d'IUT, proviseurs de classes préparatoires, d'établissements privés proposant des BTS, on en passe. En composition plénière, cela fait 35 personnes.
Mais ceux qui se penchent sur les dossiers sont eux, une dizaine. Et ils les examinent au cas par cas. "Les élèves sont immédiatement informés qu’on a bien reçu leur demande, et ils sont contactés par les services d’orientation, qui leurs proposent un entretien pour les aider à formuler des vœux pour la phase complémentaire de Parcoursup, qui va commencer le 26 juin" explique Bruno Etienne. A cette date, les refusés de la plateforme pourront en effet retenter leur chance là où il reste de la place.
"Sur les propositions qu'on a faites pour l'instant, nous n’avons pas eu de refus. On fait des propositions qui sont quand même en rapport avec le dossier ! On ne force pas la main aux élèves. Certains écrivent en majuscule dans leur dossier : "PAS DE FAC !!!". On ne leur propose pas d’université pour l’instant…"
Quels dossiers sur la table ?
Sur 29 197 bacheliers dans l'académie, 236 ont saisi la CAAES. "Statistiquement, c’est marginal, mais ce n’est pas marginal au niveau des situations individuelles, qui ont toutes de l’importance et qu’on doit étudier."
Selon le conseiller du recteur, deux cas de figure émergent majoritairement. 90% des dossiers sont des élèves principalement issus de baccalauréats professionnels ou technologiques. N'ayant pas "vocation à aller en licence à l'Université", ils ont candidaté dans des BTS et des DUT sans y être acceptés. Ils sont principalement invités à faire des voeux de phase complémentaire.
Deuxième cas : les lycéens de filières générales n'ayant à priori pas sélecionné de licence. "C'est surtout ceux-là qu'on épluche en détail. Très souvent, dans le dossier Parcoursup, ils ont indiqué que s’ils n’étaient pas admis sur les formations sélectives, ils voulaient bien envisager une licence à l’université", expose Bruno Etienne. Pour eux, certaines places sont préemptées dans les licences dont on sait qu'elles accepteront in fine toutes les demandes.
"A côté de ça, il y a encore une autre sous-commission, dite "de recours". La loi du 8 mars 2018 la prévoit pour des cas très particuliers. Des étudiants en situation de handicap, ou dont l’état de santé nécessite des soins de proximité, des étudiants qui ont une situation familiale particulière et des sportifs de haut niveau. Là, s’ils n’ont pas obtenu de proposition, ils peuvent faire un recours." Ici, sur une douzaine de cas présentés, huit ont obtenu satisfaction.
Bacs pro, quartiers sensibles : nos lycéens sont-ils discriminés ?
On en arrive aux questions qui fâchent, qui remontent à la source des critiques faites à Parcoursup. Ces "recalés" le sont-ils à cause d'un dossier scolaire moins bon, ou de certaines formes de discriminations, qui auraient été rendues possibles par l'algorythme de la plateforme ?
Bruno Etienne y répond sans manières. "Soyons clairs, statistiquement, ce sont tout de même les moins bons dossiers. Il y a quelques exceptions, comme des élèves d'un très bon niveau qui font des demandes dans des classes préparatoires parisiennes et qui sont refusés, qui vont très bien réussir dans nos universités."
Quid du nombre de bacs professionnels et vac technologiques que l'on reçoit à la commission ? "Les élèves de Bac pro et de Bac technologique ont eu au contraire des facilités d’accès, affirme le conseiller du recteur. Les recteurs avait pour mission de fixer des seuils minimaux d’acceptation de ces bacheliers en BTS et en DUT, des seuils ambitieux. On peut toujours accuser certaines commissions de ne pas favoriser certains types de bac, mais là justement ces seuils sont la réponse."
Quid des élèves discriminés en fonction de leur origine géographique, par des commissions qui estiment qu'un 15 de moyenne n'a pas la même valeur partout ? Sur ce point, Bruno Etienne s'en tient au constat dans sa propre académie : "Ce sont des pratiques qui, très honnêtement, n'existent pas chez nous."
L'étape suivante
Qu'attend-on à la CAAES ? Le 26 juin. Que va-t-il se passer après, alors que les places vacantes seront de nouveau sur le marché ? "Aujourd’hui de toute façon, on n’a pas de places vacantes dans les BTS et les DUT de l’académie, à part dans le privé. Les licences n’ont pas encore fait le plein. Là, il faut qu’on attende la phase complémentaire."
Autre ligne d'horizon : le 7 juillet. "Il y aura alors des élèves toujours en attente. Ça commencera à faire tard, et ça veut dire qu’ils ne remontent plus dans les classements. Pour eux, il y a un risque. La CAAES fera avec eux le même travail qu’avec ceux qui ont été refusés. Et on a vocation à faire ce travail là jusqu’à la fin du mois de septembre.
Malgré toute la houle provoquée par le dispositif Parcousup, Bruno Etienne se veut rasssurant. "Il y a toutes les chances que ça se finisse bien, je veux adresser un message optimiste. On aura peut-être des difficultés en STAPS, c’est vrai. Pour le reste, les facultés vont finir par prendre les bacheliers de l’académie.
Un nouvel engorgement des facs ?
2015 : "Pourquoi les universités sont pleines à craquer ?"2016 : "Facs surchargées"
2017 : "Pourquoi l'université est débordée"
Avec Parcoursup, l'Université sera-t-elle de nouveau la variable d'ajustement ?
"C’est toujours difficile à organiser, mais les moyens sont là, veut tempérer Bruno Etienne. Le ministère a fait des efforts considérables envers les universités qui ont fait des demandes d’augmentation de leurs capacités. Ça s’est traduit pas des maîtres de conférence en plus, des moyens financiers aussi bien à Orléans qu’à Tours. Un effort a été fait sur les filières en tension, en psychologie à Tours par exemple. Nos universités ont vraiment joué le jeu."