La "précarité de la mobilité" s'aggrave dans la région Centre-Val de Loire comme partout en France, selon le 3e Baromètre de Wimoov. Le nombre de Français dans cette situation de précarité est passé de 13,5 millions en 2021 à 15 millions de personnes en 2023. Que veut dire ce concept et qui concerne-t-il ?
En avril 2021, la députée européenne Leïla Chaibi proposait d’inscrire dans la législation européenne le concept de "précarité mobilité" en lui donnant la définition suivante : une personne est considérée comme étant en situation de précarité mobilité quand :
- elle a des difficultés à se déplacer pour subvenir à ses besoins essentiels
- et/ou que les déplacements grèvent une bonne partie de son budget.
La précarité dans la mobilité génère d’autres formes de précarités. Cela creuse davantage les fractures sociales et territoriales et entraîne un recroquevillement des personnes sur elles-mêmes. Les déplacements le plus souvent affectés sont les visites à un proche, les rendez-vous médicaux et les activités de loisirs. Cela peut même parfois limiter la possibilité d'avoir un emploi.
En 2023, plus d'un habitant sur cinq (soit 22% de la population) était en situation de précarité de mobilité dans la région Centre-Val de Loire. Un constat alarmant qui a empiré depuis la dernière enquête de Wimoov, en partenariat avec l'État et le ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires, en 2021.
Les facteurs de cette aggravation sont nombreux. Augmentation des prix de l'énergie, des carburants, des distances de plus en plus importantes à parcourir et absence d'alternatives à la voiture, notamment dans les milieux ruraux, sont pointées du doigt. Pourtant, des dispositifs concernant les transports en commun ont été mis en place.
La gratuité des transports plébiscitée
À Bourges, la gratuité des bus de l'agglomération a fait exploser les chiffres de la fréquentation.
+ 82% de fréquentation sur la ligne 1 et 93% sur la ligne 2 entre septembre 2024 et juin 2024. Dans la région, les billets de train sont totalement gratuits pour les moins de 26 ans tous les week-ends. "Tous les jours, j'ai des gens qui me disent merci pour ça", assure Philippe Fournié, vice-président (PS) chargé des transports à la région Centre-Val de Loire. La mise en place de la gratuité des transports scolaires mis en place en 2017 est aussi une fierté pour l'élu régional. "Pour les familles rurales, c'est un bien de pouvoir d'achat de 13 millions d'euros par an", poursuit Philippe Fournié.
Au niveau national, cette situation de précarité concerne 19,5% des 12 000 personnes ayant répondu à l'enquête. Dans la région, c'est 2,5 points de plus et les trois indicateurs sont en hausse par rapport à 2021.
Malgré ces aides mises en places, par la région ou les départements, les situations de précarité, de mobilité se multiplient. "Nous avons environ 1500 contacts quotidiens avec les personnes en situation de précarité. Nous proposons de l'accueil, de l'hébergement, des soins et d'accompagnement vers l'emploi ou la réussite scolaire", indique Jean-Noël Guillaume, le directeur d'Imanis de la région Centre-Val de Loire.
Des difficultés accrues en ruralité
Sur ces difficultés de mobilité, il y a bien deux zones différentes à distinguer. "Ceux qui habitent en métropole, à Orléans par exemple, peuvent se déplacer comme ils le veulent par le bus, les vélos en location et le tramway. Dès lors que l'on quitte la métropole, les problèmes d'interconnexions entre les différents moyens de transport apparaissent", poursuit le directeur d'Imanis. Des services de qualité, mais dont la récurrence et la régularité des lignes ne sont pas optimales.
Il faut que l'on ait des politiques au long cours, pluriannuelles, parce que les associations en ont besoin pour vivre.
Philippe Fournié, vice-président chargé des transports à la région Centre-Val de Loire
Pour répondre à ces problèmes, d'autres services sont mis en place localement entre des institutions et des associations. C'est notamment le cas à Montargis avec le service "vrooum" qui permet "à des personnes en recherche d'emploi ou venant d'en décrocher un, de bénéficier d'un véhicule mis à disposition pour un euro par jour". Dans ce modèle, six voitures sont mises à disposition dans la ville du Loiret depuis trois ans. Des modèles également expérimentés à Pithiviers et Gien.
"Mettre les doigts dans le cambouis"
Des solutions locales, qui ne sont pas encore partagées et utilisés dans le reste du territoire.
Je ne conteste pas le résultat de cette étude. Je conteste le fait que le gouvernement fasse faire des études pour dire aux autres, voilà de ce que vous devez faire.
Philippe Fournié, le vice-président chargé des transports à la région Centre-Val de Loire.
"On ne les a pas attendus pour faire des choses. Maintenant, il faut qu'il mette les doigts dans le cambouis, et qu'il participe aux financements", poursuit Philippe Fournié, le vice-président chargé des transports à la région Centre-Val de Loire.
Des dispositifs qui n'empêchent pas les personnes interrogées, dans le cadre de l'étude, de lâcher leurs voitures individuelles. Une dépendance à la voiture particulièrement marquée par une donnée. Dans l’hypothèse où le prix du carburant augmenterait de 50 %, la proportion d’automobilistes qui ne changeraient pas leurs pratiques s’élève à 40 %, nettement au-dessus de la moyenne des autres régions (+9 pts) et progresse de 10 pts par rapport au précédent baromètre en 2021.
Diminuer l'utilisation de la voiture individuelle ou l'utiliser autrement
Pour autant, selon l'élu régional, "la voiture individuelle ne disparaîtra pas dans 30 ans. Ça sera une voiture différente, plus collective". Dans ce cadre, dans les endroits où la région a les compétences pour agir sur ces questions, plusieurs dispositifs de transports à la demande sont expérimentés, dont des voitures électriques en autopartage pour 6€ la demi-journée.
La région investira aussi dans les solutions de mobilité en libre-service dans les agglomérations qui n'ont pas encore développé ces services. "Au printemps 2026, dans les gares intermédiaires, il y aura un service de location de vélo à assistance électrique dans la région", conclut Philippe Fournié.