Découvrez le portrait de Chantal Gomez créatrice de chapeau, Stéphanie Lormois, Maître artisan d’art en broderie, Julie Troncin, maroquinière et Isha, créatrice de mode. Ces quatre femmes ont su élever leur activité au rang d’œuvre d’art. Inspirantes...
Chantal Gomez est la papesse des chapeaux. Cette modiste-styliste d’exception a couru les défilés et les podiums parisiens. Ses chapeaux étourdissants ont magnifié les tenues de grands couturiers.
Revenue dans la région Centre-Val de Loire, à Joué les Tours elle avait suspendu ses outils. C’était sans compter avec le virus qui tient au corps. Comme une urgence. Une nécessité.
Du 100% made in France, fait main et sur mesure
Pour se renouveler, Chantal Gomez s’est rendue dans le département de l’Aude. C’est là qu’elle a déniché sa botte secrète. Montcapel, le dernier fabricant français de feutre haut de gamme.
Dans son atelier, elle moule, façonne à la main et garni ses cônes de feutre et ses galons de gros grains fabriqués à Lyon."Il y a plusieurs types de garnitures. Du gros-grain, c’est une garniture classique. On peut jouer sur les couleurs. Et le parti de cette saison, c’est de créer des garnitures atypiques qu’on ne trouvera pas ailleurs et qui seront également uniques. Cela peut aller de la peinture à la broderie et même de la broderie perles."
Sur sa table de travail, de nombreux modèles de chapeaux de feutre. Du fait main et du sur-mesure en cours d’élaboration.
À la grande époque, les femmes portaient beaucoup de chapeaux. Ça revient à la mode. Dans l’esprit mariages et même dans les rues.
Chantal Gomez, modiste
Quand on lui demande combien de chapeaux elle a créés depuis ses années parisiennes, Chantal Gomez marque un temps de réflexion."Entre mes chapeaux faits main et sur mesure, entre mes collections dessinées ou créées pour des créateurs, des marques de prêt-à-porter, des mariages ou des défilés, je pense que je suis à plus de 3000.". Et l’aventure se poursuit.
170 heures de broderie juste pour une robe
Stéphanie Lormois, Maître artisan d’art s’est piquée à la broderie il y a une vingtaine d’années. Et c’est désormais sa marque de fabrication. Elle signe ses robes. Les clientes en redemandent. Des tenues étourdissantes et renversantes. Pour nous accueillir, cette jeune femme porte l’une de ses créations.
"J’y ai appliqué la broderie Glazig au fil de soie, essentiellement fait à la main et à l’aiguille. Et puis vous avez aussi des perles et des paillettes faites au crochet de Lunéville. Le tissu est de l’organza froissé par-dessus un petit coton léger pour éviter d’avoir trop chaud." C’est véritablement l’élégance à la française.
Les robes de Stéphanie Lormois subliment le corps des femmes. Dans son showroom, elle nous présente d’autres créations.
"Là, c’est une robe de mariée qui a été conçue dans un caftan brodé au crochet de Lunéville, fil d’or et paillettes. Ici vous avez une petite ganse. C’est une petite broderie faite à la main avec l’aiguille de la frivolité. J’utilise une grande aiguille. Je tire dessus et ça fait des petites fleurs. C’est posé sur une jupe en tulle avec par-dessus plusieurs couches sur un satin. 120 heures de travail au bas mot…"
Depuis son plus jeune âge, Stéphanie Lormois aime crayonner. Le dessin lui colle à la peau. Son atelier et son séjour sont peuplés de ses tableaux. Une artiste accomplie qui a travaillé il y a une vingtaine d’années pour Claude Montana, Thierry Mügler ou Yves-Saint-Laurent.
Dans son atelier, difficile de faire le tour de toutes ses créations. Et elle est catégorique :
Il n’y a pas de limite dans la créativité. Même sur des choses qui ne sont pas portables. Ça sublime tellement sur un podium et ça fait tout de suite son effet.
Stéphanie Lormois, Maître d'art
Par son savoir-faire, Stéphanie Lormois représente bien cette élégance à la française.
Faire du luxe avec du rebut requiert un réel savoir-faire
Ses parents ébénistes ont longtemps dissuadé Julie Troncin de faire de la maroquinerie son métier. Peine perdue. C’était son destin. Après avoir choisi des chemins de traverse, l’évidence l’a rattrapée.
Pour des raisons de confidentialité stricte, cette jeune femme ne peut révéler pour quel grand nom du luxe de la maroquinerie, elle forme les salariés. Dommage.
Quand elle peut se libérer de cette activité chronophage, Julie Trocnin retrouve avec délectation son atelier. Comme une gamine, elle farfouille avec gourmandise ses chutes de peaux.
"C’est mon bac de cuirs précieux. J’essaie de trier un minimum par espèces. On va avoir du croco, des pattes d’autruche, des saumons, des alligators. Et mon petit chouchou, c’est juste ce petit bout. C’est du galuchat. C’est du requin roussette ou de la raie. C’est une peau qui est magnifique."
Cette jeune femme parle de ses chutes de cuirs comme de véritables trésors.
"Principalement, c’est de l’achat au kilo auprès de revendeurs. Souvent, des maisons de luxe qui se débarrassent de parties qui ne leur semblent pas potentiellement exploitables. Je rachète ces chutes de façon à continuer à exploiter la matière. On peut faire du défaut, une qualité. Et le défaut devient une particularité et non seulement un problème. C’est ça qui est intéressant", explique-t-elle.
Vous l’avez compris. Julie Troncin se situe d’emblée dans une démarche vertueuse et le recyclage à tous crins.
"Prenez par exemple cette dorsale du galuchat. Une peau issue de la pêche. Tout ce qui est tanné est issu de l’agroalimentaire. On n’élève pas une bête pour sa peau. On utilise le déchet qui ressort de l’agroalimentaire pour en faire un cuir. Donc, on transforme un déchet en matière noble."
Elle pratique ardemment du surcyclage. Autrement dit, un recyclage par le haut. Épuiser toutes les possibilités d’un produit. L’essorer. Pas de perte. Pas de gâchis. C’est ainsi que cette jeune femme parvient à réaliser de petites séries. Du fait main. Du haut de gamme. Des petits bijoux. Des petites pièces de maroquinerie en cuir précieux.
"Des cuirs peu recouverts qui vont patiner et vieillir dans leur profondeur. On va avoir toutes les imperfections et toutes les marques de la vie de la peau qui vont apparaître au fur et à mesure." Difficile de ne pas reconnaître dans cette description, le chic extrême.
Ses peintures sur vêtements, une œuvre d’art à même la peau
Il fallait y penser. Et surtout, le faire. Isha est une artiste inclassable, insaisissable et plurielle. Ses créations nous en mettent plein la vue. Pour nous recevoir, Isha porte l’une de ses robes peintes. Une pure merveille de beauté et de créativité. Ce n’est pas un support publicitaire mais une œuvre d’art, unique. Un tableau vivant."Ces robes ont toutes été peintes pour les Journées européennes des métiers d’art. Je ne couds pas. Je ne fabrique pas. Je fais de l’ennoblissement textile. Je peins sur des vêtements ça change des toiles. J’essaie de donner une seconde vie à des robes qui sont toutes de seconde main que je chine. Ce ne sont que des pièces uniques, forcément."
Des visages de femmes. Très expressives. Sensuelles. Songeuses. Écorchées. Cabossées. Rêveuses aussi. Elles se ressemblent et sont toutes différentes. Elles portent toutes un prénom. Il y a Fanny. Séména. Tully. Ancolie.
"Mais c’est plus que le prénom. J’envisage la robe comme un tout." Isha privilégie deux couleurs. Le noir et le blanc. Et ce n’est pas dû au hasard.
Graphiquement le noir et le blanc rendent extrêmement bien. C’est ce qui fonctionne le mieux pour moi. J’ai fait de la bande dessinée. J’ai fait beaucoup de dessins à l’encre de Chine…
Isha, artiste
Le manga et les comics ont baigné son parcours. Isha récupère de vieux draps, des chiffons de grand-mère. Elle commence par un dessin préparatoire.
"Soit je dessine directement sur la pièce. Si j’ai un côté fou-fou spontané, on y va directement. Je dessine sur la pièce. Je peins d’abord les visages et une fois que le personnage est terminé, je vais dans ma cour. J’étale le vêtement sur une bâche. Et là je trempe le ponceau dans ma peinture et j’y vais à la Jackson Pollock. Une peinture qui laisse une place au hasard…"
Tatoueuse professionnelle également, Isha trouve dans cette activité une autre source d’inspiration. Cette artiste conjugue avec harmonie, la peinture sur vêtements et le tatouage. Deux passions. L’une à fleur de peau. L’autre, dans la peau. C’est Isha.