"Psychologie low-cost", procédure "trop lourde" pour le patient : le dispositif Mon Psy mis en place par le gouvernement divise

La plateforme en ligne "Mon Psy" a été lancée par le gouvernement ce mardi 5 avril. Objectif : permettre à certains patients de se faire rembourser jusqu'à huit séances chez un psychologue. Chez les professionnels, le dispositif divise.

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Emmanuel Macron l’avait promis en septembre 2021 à l’issue des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie. Depuis ce mardi 5 avril, toutes personnes de plus de 3 ans peut bénéficier de huit séances chez un psychologue remboursées par la Sécurité sociale. Un dispositif en réponse à des chiffres pour le moins préoccupants : selon une enquête de Santé publique France en date de septembre 2021, 23% des français montrent des signes d'un état anxieux, 15% des signes d'un état dépressif et 10% ont eu des pensées suicidaires au cours de cette année-là. 

Afin d'en bénéficier, le patient doit prendre rendez-vous chez son médecin traitant afin d'être orienté vers un psychologue "partenaire". La liste est disponible en ligne sur la plateforme monpsy.sante.gouv.fr et suivant les cas, le patient doit (ou non) avancer les frais, qui sont de 40 euros pour l'entretien d'évaluation puis de 30 euros pour les séances de suivi. 

Aider les patients à moindre coût

Nathalie Jakob est psychologue depuis 16 ans à Savonnières, à moins d'une quinzaine de kilomètres à l'ouest de Tours. Le jour même de la mise en ligne du dispositif, elle recevait déjà deux patients venus sur prescription de leur médecin traitant. "L'un d'entre eux parce qu'il pensait qu'il n'en avait pas besoin, puis le médecin ne l'a pas orienté vers un psychologue car il connaissait peut-être sa situation financière. Même chose chez mon autre patiente". Pour l'instant, elle dégage du temps pour recevoir chaque jour entre sept et huit patients désirant se faire rembourser ces soins.

Le fait qu'on puisse rendre accessibles ces soins aux revenus plus modestes, c'est la raison pour laquelle j'ai voulu y participer

Nathalie Jakob, psychologue à Savonnières

Il y a tout de même un hic : le prix de la consultation. Si, comme expliqué plus haut, les patients sont remboursés à hauteur de 40 puis 30 euros, cela revient à des séances bien moins rémunératrices pour les professionnels. "D'habitude je suis à 45 euros la consultation [plus généralement en France, une consultation coûte entre 50 et 60 euros, ndlr]. Ils devraient laisser un peu de dépassement : rembourser 30 euros et faire payer au patient les 15 euros restants", estime-t-elle.

Même son de cloche du côté de Philippe Rémy, psychologue clinicien à Tours, également membre du réseau. "Je trouve que c'est positif et que ça correspond à un besoin réel. Mais si les tarifs étaient un peu plus en adéquation, ça serait parfait". Pour autant, il revendique son inscription à la plateforme. "Il y a une première reconnaissance de la nécessité d'accompagner les personnes atteintes de troubles modérés et du diplôme universitaire de psychologue". Selon lui le site Internet est déjà "un bon début" et sera forcément amené à évoluer. Sur le papier, le processus ressemble donc à une bonne idée. Et pourtant, il divise énormément au sein de la profession.

"C'est de la psychologie low-cost"

Difficile pour l'heure de savoir combien de psychologues ont pris part au projet. Les syndicats en dénombrent "entre 600 et 700" quand la plateforme elle-même assure qu'il y en a "plus de 1 000", ce qui correspondrait aux estimations annoncées par Olivier Véran sur Franceinfo. Dans les deux cas, le chiffre paraît peu significatif quand on sait qu'on compte environ 80 000 psychologues en France.

C'est de la psychologie low-cost. Ce dispositif entraine chez le patient le fait de se justifier auprès du médecin avant de venir chez le psy et ça peut être un point de blocage. 

Cyril Marbois, correspondant pour le syndicat des psychologues en Centre-Val de Loire.

Autre mesure décriée au sein de la profession : les situations prises en charge par le dispositif "excluent une part de la population". Effectivement, "seuls" les dépressions, troubles anxieux et alimentaires ainsi que les problèmes d'addiction sont pris en compte. Dans d'autres cas, le patient est renvoyé vers un psychiatre, auquel cas le remboursement dépend directement de la mutuelle.

Quelles solutions restent-ils ? Pour Cyril Marbois, il faudrait "faire en sorte que les situations prises en charge ne soient pas aussi restrictives". Il évoque aussi le manque de moyens humains mis dans les Centres Médico Sociaux (CMS), des lieux ouverts gratuitement à toutes les personnes rencontrant des difficultés personnelles ou familiales "où aujourd'hui on a un délai d'attente beaucoup trop important". Enfin, il regrette que "les professionnels de terrain" ne soient pas davantage sollicités dans ce projet, puisque seule la Fédération Française des Psychologues et de la Psychologie participe aux négociations.

Une plateforme amenée à évoluer

"Nous avons considéré que cette plateforme proposait une avancée pour les usagers, mais elle pose un certain nombre de questions et de réserves, nous ne l'avons ni soutenue ni réfutée". Le président honoraire de la Fédération Française des Psychologues et de Psychologie Benoit Schneider se montre moins critique que certains de ses confrères. Il reconnait les avancées réalisées, notamment en matière d'accès aux soins psychologiques, mais admet en même temps que ces consultations "sont très mal payées".

De plus, il perçoit déjà les premières limites du dispositif : les huit séances remboursées chaque année ne seront selon lui "pas toujours suffisantes pour déterminer le besoin réel du patient. Puis s'il veut une reconduction l'année suivante, il est obligé de repasser par le médecin et par un psychiatre. En tout point, c'est trop lourd comme procédure !" Les débats sont donc houleux au sein de la profession quant aux conditions de mise en place du dispositif, mais il apparaît évidemment qu'il s'agit déjà d'un premier pas au profit des principaux concernés : les patients.

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