La Cour des Comptes a tâclé le gouvernement sur sa politique de réduction des pesticides agricoles, qui est selon elle "très en deçà des objectifs" en 2018, malgré un budget considérable consacré à ce dossier par l'Etat.
"En dépit de ces actions et de la mobilisation de fonds publics pouvant être estimés, pour 2018, à environ 400 millions d'euros (dont 71 millions prélevés sur la redevance pour pollutions diffuses), plusieurs travaux d'évaluation ont dressé un bilan réservé de l'action menée. La Cour constate, pour sa part, que les effets des plans Écophyto demeurent très en deçà des objectifs fixés", indique-t-elle dans un référé datant de novembre 2019 et rendu public mardi.
Plus 21 % de consommation des pesticides en France en 2018
La consommation de produits phytosanitaires en agriculture a augmenté de 21% en France en 2018, selon un bilan en janvier du Plan Ecophyto 2, chapeauté par quatre ministères: Agriculture, Santé, Recherche et Transition écologique.Depuis le Grenelle de l'environnement fin 2007, qui avait fixé un objectif de réduction de 50% de l'usage des pesticides de synthèse en 10 ans, les deux plans successifs mis en oeuvre, Ecophyto 1 et 2, ont abouti à des échecs. En avril, le gouvernement a donc tenté pour la troisième fois de désintoxiquer l'agriculture des excès de la chimie en lançant un plan Ecophyto 2+.
"Dix ans après, les objectifs fixés ne sont pas atteints", souligne la Cour des Comptes, qui estime que "plusieurs leviers peuvent favoriser l'évolution des pratiques agricoles". Elle demande également plus de transparence au niveau de la dépense des fonds publics, et de la consommation de ces produits en France.
La Cour recommande ainsi de "publier et rendre accessibles au public, chaque année, les données et les analyses rendant compte de la politique menée, des substances actives émises et de leurs effets sur la santé humaine et sur l'environnement, notamment sous forme de cartographies".
Heureusement qu'on n'a pas attendu la Cour des Comptes pour voir ces préconisations, a ironisé le ministre de l'Agriculture Didier Guillaume mardi soir
lors d'un débat sur le contrat de solutions, une démarche qui réunit le syndicat majoritaire, la FNSEA, et 42 partenaires pour réduire l'utilisation des produits phytosanitaires de synthèse. "Le problème, ce n'est pas de faire des constats - les constats, il y a assez de monde pour les faire - mais ce qu'il faut faire pour avancer", a ajouté le ministre.
Nouvelles données courant avril
Dans sa réponse aux critiques de la Cour, datée du 3 février, le Premier ministre Edouard Philippe reconnaît en effet que les objectifs ne sont pas atteints mais liste toutes les mesures déjà engagées par le gouvernement pour y remédier, notamment dans la loi Egalim (issue des états-généraux de l'alimentation) d'octobre 2018."Dès 2020, le calendrier de mise à disposition des données de ventes sera accéléré. Les services statistiques des ministères concernés seront mobilisés pour améliorer les systèmes d'information et bases de données public existantes", assure-t-il en promettant de nouvelles données chiffrées provisoires "courant avril" 2020 surles ventes de produits phytosanitaires en 2019, issues des déclarations des distributeurs de ces produits.
"L'objectif du gouvernement est d'améliorer la lisibilité, de permettre une vision pluri-annuelle sur les financements mobilisés dans le cadre d'Ecophyto et de simplifier les circuits de financements", indique M. Philippe qui s'engage à le faire dès 2020.
Dans la négociation de la future Politique agricole commune (PAC) avec les autres pays membres, "la France porte un objectif de moindre dépendance vis-à-vis des intrants (notamment les produits phytosanitaires), sur la base d'objectifs de réduction quantifiés au niveau européen, intégrés dans la règlementation sur les produits phytosanitaires et dans la future PAC", répond également le Premier ministre. Par ailleurs, M. Philippe rappelle que "les quantités de produits phytopharmaceutiques les plus préoccupants pour la santé et l'environnement ont diminué, entre 2009-2011 et 2016-2018, de 15% pour les produits dits +CMR 1+ et de 9% pour les produitsdits +CMR 2+ (en moyenne triennale)". Les CMR sont considérés comme cancérogènes, mutagènes, et toxiques pour la reproduction.