A partir de données sur les ventes de pesticides dangereux pour la santé et l'environnement, France 3 a reconstitué une carte de la région montrant les cantons les plus affectés. Sans surprise, la Beauce et le nord de la Touraine sont en première ligne.
Faut-il s'inquiéter des pesticides en région Centre-Val de Loire ? A l'instar du maire de Langouët (Ille-et-Villaine), une soixantaine d'édiles a pris des arrêtés pour interdire l'usage de certains produits phyto-sanitaires à moins de 150 mètres des habitations. Un geste qui n'est que très peu imité en région Centre-Val de Loire, pourtant largement concernée.
Entre la plaine de Beauce et les vastes domaines viticoles du fleuve royal, la région Centre-Val de Loire est en effet en première ligne des régions les plus affectées par l'épandage de pesticides dangereux, comme le montre une carte éditée par le Monde. Pour le vérifier, France 3 a produit, à partir de bases de données publiques, sa propre carte de l'utilisation des substances classifiées comme toxiques (T), très toxiques (T+) et "cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques" (CMR).
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Partant des chiffres des ventes déclarées de substances actives par les distributeurs dans la région, France 3 a calculé pour chaque produit le nombre de traitements correspondant par commune et par canton, en fonction d'une valeur de référence fournie par le ministère de l'agriculture. L'ensemble de ces données brutes a ensuite été rapporté à la surface agricole utile (SAU) des cantons concernés, telle qu'elle apparaît dans le recensement agricole le plus récent, celui de 2010, et ramené aux nouvelles frontières des cantons depuis 2014.
"Il faut que les communes se mobilisent"
Sans surprise, les champs de la Beauce et du Perche et les vignobles tourangeaux (Vouvray, Montlouis, Chinon...) se détachent nettement, tandis que les lieux moins cultivés, comme la forêt de Chambord ou la Sologne, semblent également moins affectés. Au sud du Berry, où l'agriculture intensive laisse la place à la polyculture et au polyélevage, ces produits sont très peu utilisés.C'est le cas d'Argenton-sur-Creuse, l'unique commune de la région à avoir pris un arrêté anti-pesticides. Son maire, Vincent Millan, voit dans cette initiative un geste avant tout symbolique et politique. "L’enjeu n’est ni départemental ni régional", explique-t-il à France 3. "Il est national. Il faut que les communes se mobilisent pour une action de lobbying en contre point de celle des agriculteurs et surtout de la FNSEA." Etant donné le contexte local, c'est également une prise de risque limitée sur le plan électoral.
La FNSEA condamne un "climat d'agri-bashing"
Car ailleurs, ces arrêtés anti-pesticides sont vivement critiqués, y compris par d'autres élus. "Des maires se permettent de prendre des arrêtés sans avoir aucune compétence dans le domaine", lâche Alain Massot, maire de Prudemanche, dans l'Eure-et-Loir. A l'inverse, il a signé un texte interdisant d'uriner à moins de 5 mètres d'une parcelle agricole, pour souligner le "ridicule" de ces décisions qui "condamnent l'agriculture dans bien des régions".
De leur côté, les agriculteurs traversent également une période de tension, voire de crise, que les critiques, assimilées par la FNSEA à "un climat d'agri-bashing", ne font qu'amplifier. Un climat qui a d'ailleurs poussé la FDSEA du Loiret et les Jeunes Agriculteurs à manifester leur mécontentement en plein centre-ville d'Orléans le 26 septembre.
Des agriculteurs dans les rues d'Orléans ce jeudi pour dénoncer “l'agribashing” https://t.co/dLOdXQg2aZ pic.twitter.com/wcpw4Si90X
— France 3 Centre-Val de Loire (@F3Centre) September 26, 2019
"On en a marre d'être pris pour cible et d'être accusés de tous les maux, d'assassins, d'empoisonneurs. On entend des choses terribles", déplorait alors un agriculteur, manifestant notamment contre les "embarras administratifs" imposés par l'Etat et le projet visant à imposer une "Zone de non traitement par des pesticides" en bordure des champs cotoyant des habitations. Pris entre le marteau du marché agro-alimentaire et l'enclume de la loi, les agriculteurs redoutent de plus en plus de voir la situation leur échapper.