Dans l'équitation, les filles occupent le terrain. Plus de 3/4 des licencié(e)s sont des femmes. Surtout des jeunes filles. A cheval en pleine nature, ce sport a de nombreux atouts. Pourquoi séduit-il d'abord les filles ?
Sur les 298700 licenciés de la Fédération Française d'Équitation, 85% de femmes (285700 licenciées). Ils ne sont que 52521 hommes à pratiquer ce sport, (15%). Après 30 ans, la pyramide des âges s'équilibre, et il y a presque autant d'hommes que de femmes à cheval. C'est entre 6 et 26 ans que l'on trouve le plus de licenciées. Plus de 200 000. C'est incontestable, il existe une véritable appétence des jeunes filles pour ce sport. Pourquoi sont-elles attirées ? Pourquoi délaissent-elles ce sport quand elles entrent dans la vie active ?
Un désir profond d'entrer en contact avec le cheval, d'établir un lien...
Il suffit d'écouter les jeunes cavalières pour comprendre que le sport n'est pas la motivation première de ces jeunes filles. Le lien avec le cheval, le plaisir de s'occuper de lui, arrivent en tête. Certaines, comme Eloise, 12 ans, préfèrent prendre soin de lui dans le box que de le monter.Chercher la confidence, le lien et créer la confiance...les adolescentes semblent trouver un réel réconfort avec leur cheval. A l'âge de toutes les transformations, physiques, intellectuelles et hormonales. A l'âge de la confrontation au monde, des premières peurs et des premières solitudes, le cheval joue les confidents, les protecteurs et les médiateurs. Catalyseur d'émotions, il absorbe aussi leurs angoisses. Jana Coréa, journaliste photographe pour Jump'Mag a trouvé auprès des chevaux un véritable apaisement.Je n’aime pas tirer trop fort sur les rennes ou leur donner des coups de cravache. Quand je m’occupe de mon cheval, je me sens plus proche de lui. Cela crée des liens entre nous. Je me confie à lui. Je lui raconte des choses que je ne dis à personnes. J’ai des copines avec qui je parle mais je leur dis pas tout. A mon cheval, je dis tout.
Plus connectées avec leurs émotions, moins fuyantes, les filles avancent en ayant conscience de leurs besoins pour grandir. C'est peut être pour cela qu'elles sont souvent plus mûres que les garçons à l'adolescence. Jana ajoute :J’ai toujours adoré les animaux et les chevaux m’impressionnaient vraiment. Avec le cheval, j'ai trouvé un ami. La confiance est mutuelle. On est obligé d’avoir confiance sinon on y va pas. Cette complicité nous permet d’accomplir énormément de chose.
A l'adolescence on rencontre beaucoup d’étapes difficiles. Cette crises est difficile car on arrive pas à gérer nos émotions. Elles nous submergent. L’équitation nous permet de nous contrôler. En fait elle nous oblige à nous contrôler. Si, on se contrôle pas c'est le conflit. Ingérable. Personne n’aboutit à rien dans la confrontation. Le cheval m’a aidée à canaliser mes émotions et à m'apaiser.
Nous les filles, nous n'avons pas peur de nous confronter aux émotions car pour nous c’est logique. La base de l'équitation, c’est s'occuper du cheval. C’est un mode de communication. Un moment d’intimité entre lui et moi. C'est vrai qu'il y a beaucoup de filles dans mon cours. Beaucoup de copines mais pas uniquement.
Alors pourquoi les garçons sont-ils si peu nombreux à s'inscrire ? qu'est-ce qui les fait fuir ? Ont-ils d'autres attentes ? Alors que sur YouTube les chaînes destinées aux filles et à l'équitation fleurissent.
Les garçons envisagent le cheval comme un mobylette et fuient les contraintes des écuries...
Bouleversés comme les filles à l'adolescence, il semblerait que les garçons n'éprouvent pas les mêmes nécessités relationnelles et surtout ne développent ce besoin, cette empathie, qui permet d'entrer en contact avec cet être imposant. A l'âge où il faut s'affirmer, ils se tournent vers d'autres sports et qui impliquent moins de contraintes. La différence est peut-être là. S'occuper d'un cheval peut être perçu comme une somme d'obligations pour beaucoup adolescents. Pour les jeunes filles, c'est une façon d'entretenir une relation avec un ami protecteur...Emilie, 18 ans et deux frères qui se sont essayés à l'équitation, a perçu la différence d'approche avec eux :
Ce que j'aime dans l'équitation c'est qu'il faut le comprendre pour pouvoir avancer avec lui. Être à l'écoute. C'est tout un langage à travailler à mettre en place. Avec un être humain, il y a les mots et si on s’exprime bien logiquement cela se passe bien. Avec un cheval, il faut construire le langage. Un ami qui apporte du réconfort dans les moments de faiblesses... C'est un cadre que l'on construit. Être régulier et assumer. Avoir de l’engagement. Des objectifs.
Les garçons ne viennent pas souvent à cause des préjugés et des stéréotypes. Pour eux, ce n'est pas un sport. Il n'y a pas d'affrontement. Il faut obtenir, négocier. Donner de l'affection et prendre le temps de s'occuper de l'autre. Souvent les garçons bâclent davantage. C’est n'est pas juste taper dans un ballon et repartir.
Cheval miroir, il ne juge pas.
A l'âge des préjugés et comparaison dans la cour de récréation, le cheval joue les médiateurs. Il est miroir. Il n'est pas possible de lui mentir, de se mentir. Et puis il apprend l'échec, la chute... Et rend humble. Cet être doué d'empathie pèse 500 kilos. A la fin c'est lui qui décide.L'on y passe beaucoup de temps... Les centres équestres sont aussi une famille. Que l'on se choisit. Beaucoup plus qu'un sport, un mode de vie. Cecile Verbrugge, maman,de trois enfants, a repris le cheval pour se rapprocher d'eux :
Passer du temps est nécessaire pour comprendre le cheval. C’est très chronophage. La relation trouve sa force sans l'absence de jugement. Le cheval ou le poney ne dit pas : "ça c’est bien, ça c’est mal. Tu devrais faire ça. Il est indispensable de donner de soi pour construire. Le matérialisme ne sert à rien. De ce point de vue, taper dans un ballon c’est sans doute plus facile. On se remet moins en question. Ce qui est indispensable à cheval. Et à cet âge les garçons le font moins facilement. Je l'ai constaté chez mes garçons. Pour eux, c’est une contrainte, car impossible de dire : je ne m’en occupe pas aujourd’hui parce que j’ai pas envie. Cet engagement peut faire peur. A l'évidence dans notre environnement culturel moins à une fille.
Les jeunes cavalières sont devenues une cible marketing
Bottes à paillettes, vestes cintrées, bombes avec des strass, les fabricants d'équipements sportifs ont bien compris le potentiel de ce marché féminin. Ils renouvellent leurs collections et abandonnent peu à peu les vestes austères et les bombes noires uniformes. Des gilets qui se gonflent en cas de choc comme des air bags. Des matériaux légers et techniques. Tout est fait pour rassurer et séduire, même si les chutes restent un des principal motif d'abandon. Les réseaux sociaux se sont aussi emparés de cette activité. Les chaînes Youtube fleurissent pour pallier le manque de diffusion de ce sport sur les médias.
Amélie Mourouval est Directrice des Magazines de Georgette Mag. Elle surfe sur cet engouement féminin.
Nous notre spécificité c’est de donner la parole aux femmes aussi bien sur leur cheval que chez elles. On parle de tout ce qui concerne l'équitation mais aussi de "lifestyle". On est un média global, avec un site et une présence sur les réseaux sociaux, qui les accompagne tout au long de leur vie de cavalière. On parle à des jeunes comme à des plus âgées 14/35 ans. Il y avait une demande : les femmes ont envie de s’approprier ce sport et de se retrouver dans un média. C’est ce qu’on essaie de faire. On a aussi des influenceuses qui travaillent avec nous et ça marche très bien. Avec de très bons retours. Notre communauté ne cesse d’augmenter. 1, 3 millions vues par mois. On a 91000 abonnés. Ce qui nous place dans les leaders de ce type de média équestre actuellement.
Après 30 ans, les femmes désertent...
Après 30 ans, il y a un rééquilibrage de la pyramide d'âges. Et il y a presque autant d'hommes que de femmes. En compétition de haut niveau, les hommes sont même plus nombreux que les femmes. Pourquoi abandonnent-elles autant ce sport. Sûrement pour des raisons physiques, financières et culturelles. Cela s'amorce souvent à la fin de l'adolescence, à l'âge des soirées et des premiers flirts. Jessica Gordon, directrice du Salon du Cheval et ancienne championne a connu ces moments de bascule.En attendant, les garçons sont de moins en moins nombreux à s'inscrire. Alors la FFE tente de mettre en avant d'autres disciplines pour les attirer. Des disciplines plus musclées comme le Horse-Ball ou le Reining.C’est nous les femmes qui sommes enceintes; beaucoup de cavalières et de sportives ont interrompu leur carrière pour des enfants. C’est très dur ensuite de se remettre dans le haut niveau car la concurrence est rude. Le corps a changé et puis il y a les enfants. Chez nous en France c’est culturel, c’est la maman qui s’en charge. Cette inégalité, il faut faire avec et ce n'est pas facile de conjuguer vie de compétitrice pro et d'emmener son bébé sur un terrain de concours.
Après la grossesse, le corps a changé... on a perdu du souffle et sa condition physique . Le cheval, c’est physique. C’est très dur de se remettre dans le rythme.
Ce qu’il faudrait faire ? Changer sa manière de s’organiser peut-être. Accepter que son corps change.