Le Haut Commissaire à l'Egalité entre les femmes et les hommes vient de publier son "baromètre sexisme". Entre violences intégrées et hommes peu concernés, les structures d'aide aux femmes et à l'égalité appellent à plus de prévention et d'éducation.
Si on élevait les petits garçons comme on élève les petites filles ? Le Haut Commissaire à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE) vient de sortir son "baromètre sexisme". Les stéréotypes de genre y sont encore très présents. Comme lorsque plus de 30% des hommes de moins de 35 ans considèrent le barbecue comme "une affaire d'homme".
Un autre chiffre marque les esprits : 23% des 25/34 ans ne considèrent pas problématique de gifler une femme pour se faire respecter. Depuis la sortie du baromètre, le 23 janvier 2023, il s'affiche dans de nombreux posts sur les réseaux sociaux. Dans son enquête pour le HCE, Viavoice a interrogé 2500 personnes représentatives de la population.
Dans les associations de lutte contres les violences faites aux femmes, pas d'étonnement : "mais cela nous permet d'avoir des données chiffrées pour rendre objectif ce que l'on voit" affirme Aurélie Latourès, co-directrice du Centre d'Information aux Familles et aux Femmes (CDIFF) en Eure-et-Loir et Indre-et-Loire.
L'éducation, "terreau des violences"
5 ans après le mouvement MeToo, le HCE remarque que : "les 'raids' masculinistes se multiplient en ligne pour réduire les femmes au silence ou les discréditer." Une forme de "retour de bâton", note Marie Roussel-Stadnicki, qui a un nom, le "backlash".
"Une partie des hommes se sent fragilisée, parfois en danger, réagit dans l’agressivité, et peut trouver une voix d’expression politique dans de nouveaux mouvements virilistes et très masculins" détaille le HCE dans son rapport.
L'éducation, "terreau des violences" pour Marie Roussel-Stadnicki, déléguée départementale aux droits des femmes et à l’égalité femme-homme de l’Indre-et-Loire, doit alors devenir une préoccupation centrale. Pour les associations, le budget est parfois un réel problème : "Les collectivités s'engagent encore très peu dans le financement de nos actions" maintient Aurélie Latourès.
"On donne des moyens pour le curatif, mais il manque encore de prévention", affirme-t-elle avant de poursuivre : " On peut augmenter le nombre de places d'hébergement pour les victimes, améliorer leur accueil, mais tant qu'il n'y aura pas assez de prévention, on n'y arrivera pas ".
Coté association, le budget est un réel problème : "Les collectivités s'engagent encore très peu dans le financement de nos actions" maintient Aurélie Latourès.
Education sexuelle et affective à l'école
Dans les classes la loi impose "trois séances d'éducation sexuelle et affective" par an. Une mesure qui est loin d'être complètement appliquée, affirme la déléguée départementale : "seuls 15% des élèves reçoivent l'intégralité". Parmi ses recommandations, le HCE appelle notamment à "instaurer une obligation de résultats pour l’application de la loi sur l’éducation à la sexualité et à la vie affective dans un délai de trois ans."
"On n'a jamais autant parlé des luttes contre les violences, et en même temps on voit une hypersexualisation à travers le porno, et une certaine romantisation de la prostitution chez les jeunes", Marie Roussel-Stadnicki pointe du doigt une ambivalence qui nécessite d'accentuer les interventions.
"Les représentations ont des effets très concrets aujourd'hui" insiste Aurélie Latourès. Selon le HCE, un tiers des femmes interrogées déclarent avoir accepté une relation sexuelle dont elles n’avaient pas envie, face à l’insistance de leur conjoint.
Assez d'argent, mais pas de temps
A l'éducation nationale, la docteure Sylvie Angel est chargée du dispositif d'éducation sexuelle et affective pour l'académie Orléans-Tours. Sur le secteur, 5 formateurs sont chargés de former à leur tour les enseignants, conseillers d'éducation, et l'ensemble des personnes qui interviennent dans le quotidien des élèves.
Le but, c'est qu'ils mettent ensuite en place eux-mêmes des sessions avec leurs élèves. "Nous formons environ 300 personnes par an" détaille Sylvie Angel, depuis une vingtaine d'année.
Le problème selon elle, ne tient pas dans les budgets, qui sont disponibles, mais dans le temps : "une formation nécessite trois jours pendant lesquels ils ne sont pas en classe. C'est aussi un investissement personnel puisque les lois évoluent".
"On n'est pas là pour choquer qui que ce soit"
Dans les collèges de l'académie, elle estime que la loi est plutôt bien respectée, moins au lycée, sans pouvoir chiffrer le nombre d'établissements qui remplissent le contrat.
Lorsque l'on évoque les classes primaires, elle indique qu'aucune équipe n'est formée spécifiquement. En revanche, les professeurs incluent dans leurs cours des notions de respect de l'autre, de consentement notamment.
Les thématiques peuvent faire peur aux familles : "et nous avons besoin d'elles" admet Sylvie Angel. Il faut alors expliquer, informer : "On n'est pas là pour choquer qui que ce soit." Aurélie Latourès, du CDIFF regrette le peu d'actions auprès des plus petits : "On peut tout à fait travailler avec eux, sur les notions de consentement, de genre."
Action globale
Une chose est sûre selon Sylvie Angel : "Il faut que cette sensibilisation s'inscrive dans quelque chose de global, on ne peut pas venir dire aux enfants de se respecter et ne pas poursuivre avec des actions qui ont du sens." Une vision que partage Aurélie Latourès : "les beaux discours c'est bien, mais les enfants apprennent en regardant, si à l'école, à la maison, au sport il voient des stéréotypes, ils risquent de les banaliser".
Aux côtés des enseignants, certaines associations, agréées, peuvent intervenir. Des actions qui laissent parfois une impression de "saupoudrage" : "Quand il nous arrive d'intervenir auprès d'élèves de la 6e jusqu'à la 3e, on voit la différence" explique Aurélie Latourès. Elle estime notamment que l'approche générale des sessions dispensés à l'école est surtout biologique.
"Chacun doit mettre sa pierre à l'édifice, il y a peut être une meilleure communication à établir avec tous les acteurs, pour expliquer dans quelle démarche plus globale ils s'inscrivent" admet quant à elle Sylvie Angel. Pour autant, la route est encore longue, et les conséquences sont sévères : une femme meurt tous les trois jours en France parce qu'elle est une femme.