Un pass rail à 49 euros par mois, permettant de prendre tous les TER et Intercités de France, de manière illimitée ? Le gouvernement y travaille pour 2024. Les régions sont pour, mais attendent des garanties financières.
"Oui, mais". Voilà, en substance, la réponse des collectivités à l'annonce par Emmanuel Macron d'un projet de "pass rail", sur le modèle de ce qui existe en Allemagne. Interviewé par Hugo Travers sur Youtube ce lundi 4 octobre, le président de la République a vanté un dispositif qui permet, outre-Rhin depuis le 1er mai, de voyager sur tous les réseaux urbains et dans les trains régionaux pour 49 euros par mois.
Depuis quelques mois déjà, le ministre des Transports, Clément Beaune, travaille sur une version française de ce pass. "Toutes les régions qui sont prêtes à le faire avec l'État, banco", a ajouté Emmanuel Macron, rappelant qu'elles avaient en France la main sur la tarification de leurs TER.
Entre 25 et 40 millions d'euros à trouver en Centre-Val de Loire
Un porte-parole du ministre évoque ainsi auprès de l'AFP "un cycle de discussion avec les régions [...] qui va se formaliser à la fin du mois". L'idée est selon lui d'intégrer "dans un premier temps" les TER, qui dépendent des régions, et les Intercités, qui dépendent de l'Etat. Les transports urbains, financés par les agglomérations, attendront.
Sauf que le projet, séduisant dans l'idée, se complexifie dès que débarque la question pécuniaire. "Le président de la République a souvent de très bonnes idées, mais il faut surtout qu'il arrête d'avoir des idées avec le pognon des collectivités locales", a ainsi réagi sur Franceinfo Franck Dhersin, vice-président des Hauts-de-France chargé des transports.
François Bonneau, président socialiste du Centre-Val de Loire, a fait son calcul : "Si la région est la seule à porter la différence entre le prix du billet SNCF et les 49 euros d'un potentiel pass, j'ai entre 25 et 40 millions d'euros à trouver par an."
"Les moyens d'aller plus loin"
Selon lui, le problème de l'harmonisation entre région, chacune possédant ses propres tarifs et cartes de réduction, est secondaire. "Mettre tout le monde d'accord, ça se fait", assure-t-il. Ici, c'est l'argent qui est le nerf de la guerre :
Nous serons autour de la table du président Macron et du ministre Beaune, pour dire tout ce que les régions font déjà, ce qu'elles sont prêtes à faire en plus, et avec quelles ressources. C'est une décision nationale à prendre : comment on nous donne les moyens d'aller plus loin ?
François Bonneau, président du conseil régional du Centre-Val de Loire
Car la région se targue d'investir déjà fortement dans le rail, et dans le transport collectif en général. Près de 700 millions ont été déboursés pour la livraison de 39 nouvelles rames ferroviaires ces dernières années. Et depuis ce 2 septembre, les transports régionaux sont gratuits pour les 12-25 le week-end, "ça va nous coûter entre 7 et 8 millions d'euros".
Pour François Bonneau, le jeu en vaut la chandelle : "Il faut tout faire pour faciliter le réflexe transports en commun, pour aller vers un système de transports décarboné. La gratuité des bus scolaires a augmenté le nombre de gamins dans les cars, parce que les parents les emmenaient en voiture." Alors, si un billet unique pour amener plus de gens à prendre le train, "oui, oui, il faut le faire", renchérit-il. "Surtout en période de crise du pouvoir d'achat."
Des investissements au long cours
Seulement, en cas de pass, le réseau sera-t-il suffisamment robuste pour absorber une augmentation de la fréquentation ? Car plus de voyageurs, c'est plus de trains à faire circuler, plus de maintenance à prévoir, et des créneaux horaires à trouver pour faire circuler des trains supplémentaires. Ergo, plus d'argent à débourser.
"On poursuit les investissements, toutes ces questions sont au centre du contrat de plan État-région qu'on est en train de discuter", explique François Bonneau. Pour ce qui est de la capacité du réseau, "aucune ligne n'est en situation de saturation aujourd'hui". Autrement dit, des trajets peuvent être ajoutés un peu partout sur le réseau pour augmenter les fréquences de desserte.
Ce jeudi 7 septembre, dans l'émission Télématin sur France 2, Clément Beaune a tenu à rassurer les collectivités : "L'État mettra [la main] à la poche, bien sûr", pour une création à l'été 2024. Reste à savoir ce qui sortira vraiment des réunions entre le gouvernement et les régions à la fin du mois, pour affiner l'annonce d'Emmanuel Macron. Même si, selon le président du Centre-Val de Loire, "sur des sujets de compétence régionale, c'est pas mal de faire la concertation avant l'annonce".