L’audition de Volodymyr Zelensky, le Président Ukrainien, au Parlement Français ce mercredi 23 Mars restera un temps fort de cette législature. Le Président du Sénat, Gérard Larcher parlait de « moment historique » pour les deux assemblées. Un sentiment très partagé par de nombreux parlementaires venus l’écouter.
Volodymyr Zelensky, le Président de l’Ukraine en guerre continue son tour du monde virtuel. Ce mercredi 23 mars, il s’est exprimé devant les représentants des deux chambres du parlement français. Un exercice que le chef de ce pays assiégé depuis un mois par les Russes, multiplie pour demander plus d’aide aux pays occidentaux et à l’OTAN, afin de défendre son pays face à un Vladimir Poutine dont on ignore encore tous les desseins, et qui maintient l’Europe sous pression.
Une Europe, qui très rapidement a réagi, pour aider les populations civiles, premières victimes des combats, mis en place des sanctions financières pour étrangler l’économie de la Russie et prévenir sa population de ce que l’armée faisait en son nom, en fermant magasins et entreprises, et enfin en aidant l’Ukraine à s’équiper de matériels de guerre moderne pour riposter et garder son territoire.
Soutenue très largement par les Etats-Unis, partenaire de l’Otan et la Grande Bretagne, le Président Zelensky relance ses partenaires par le biais de ses interventions en direct, pour obtenir plus « d’aide et de soutien », comme il l’a fait à Paris.
Alors que s’ouvrait jeudi 24 Mars, un nouveau sommet extraordinaire de l’OTAN à Bruxelles, qui accueillait également le G7 et le sommet européen, en présence de Joe Biden, le Président des Etats-Unis et du premier Ministre britannique Boris Johnson, cette intervention ne devait rien au hasard.
La France, qui assure la Présidence de l’Union Européenne en la personne du chef de l’Etat Emmanuel Macron, doit jouer un rôle prépondérant dans ces négociations très sensibles.
Le Président ukrainien dans son discours a notamment insisté sur le devoir qu’avaient les entreprises françaises à quitter la Russie. Une mesure « qui divise quelque peu la classe politique française avant la présidentielle »comme le souligne le Monde.
Un moment très fort et historique
Nicolas Forissier député LR de l’Indre, ancien ministre, assistait depuis les bancs de l’opposition parlementaire à cet événement. « C’est la première fois, dans l’histoire de notre parlement qu’on a un Président d’un Etat ami en guerre, agressé, qui s’exprime devant le parlement français, assemblée et Sénat réunis, par les moyens modernes de communication, et bien sûr que c’est un moment très fort et émouvant aussi », nous a-t-il déclaré.
Le député reconnaît le courage du peuple ukrainien, première victime de cette guerre « incompréhensible pour nous » souligne-t-il. Le discours de leur Président a été un moment fort et bref, allant à l’essentiel. « On n’est pas uniquement dans un combat pour la défense du pays et du peuple ukrainien, c’est aussi un combat pour la défense de nos valeurs essentielles de démocratie, de liberté, d’égalité de fraternité. C’est ce qu’a dit très clairement le Président Zelensky », explique le député de l’Indre, reprenant les termes de Volodimir Zelensky .
Concernant la demande de cesser toute activité économique en Russie, Nicolas Forissier explique « il faut bien être conscient que ce n’est pas si facile que ça pour certaines entreprises. Il y en a déjà beaucoup qui ont fait le geste, mais pour certaines entreprises comme Renault, qui ont beaucoup d’intérêts financiers dans le pays, ça ne peut pas se faire comme ça d’un claquement de doigts. ».
Le risque c’est la nationalisation par la Russie des avoirs de ces entreprises, qui pourraient être cédées dans un deuxième temps aux chinois, et cela peut avoir beaucoup de conséquences économiques, y compris pour nous-mêmes.
Nicolas Forrissier, député LR de l’Indre
En clair il faut parfois un peu de temps pour juger de la meilleure façon d’agir. Mais sur le fond, Nicolas Forissier estime qu’il faut continuer à exercer des sanctions. « Je pense qu’il faut qu’on resserre le nœud et qu’on continue à faire monter la pression. Les Russes d’ailleurs réagissent, vous avez vu qu’ils ont demandé que le règlement des matières premières se fasse en roubles, pour remonter le cours de leur monnaie. Je pense qu’il nous faut continuer pour alerter le peuple russe, mais il faut qu’on soit conscient que cela aura des conséquences sur notre vie quotidienne, on se dirige vers des hausses des prix qui sont déjà en œuvre, et qu’on devra assumer ».
Les économies européennes seront durablement touchées
Nadia Essayan, Députée Modem du Cher, qui s’est impliquée très récemment dans l’accueil d’ukrainiens en Berry a vu elle en différé l’intervention du Président ukrainien. Elle était en Indonésie, pour siéger, en tant que Présidente de la délégation française, à l’assemblée générale de l’Union interparlementaire, l’UIP.
Arrêtons-nous un instant sur cette institution, peu connue du grand public. L’IUP est l’organisation mondiale des parlements nationaux. Lorsqu’elle a été fondée il y a maintenant plus de 130 ans pour encourager le dialogue et la coopération entre les nations, c’était la première organisation politique multilatérale à voir le jour. Aujourd’hui elle représente 178 parlements membres et 14 organismes parlementaires régionaux.
Elle se réunit deux fois par an, et travaille en commission. Ses missions sont très nombreuses, notamment autour des Droits de l’Homme, qui sont un des fondements de sa création.
La guerre en Ukraine s’est invitée à l’ordre du jour de cette réunion où 110 pays étaient présents.
L’idée d’exclure la Russie de l’IUP a été repoussée, parce qu’il faut préserver des espaces de dialogue pour éviter le pire, et aussi parce que de nombreux autres pays pourraient alors être exclus et l’IUP n’aurait plus ce caractère d’ « ONU des parlementaires »
Nadia Essayan, député Modem du Cher
Cependant une résolution a finalement été adopté, et ce n’était pas à l’unanimité nous précise-t-elle, proche de celle de l’ONU sur plusieurs points : condamnation totale des actes d’agressions de la Russie envers l’Ukraine, appel au soutien à la population civile, ceux qui restent et ceux qui sont réfugiés. Et sanctions dissuasives mais aussi appel à la paix et à explorer toutes les voies pour y parvenir.
Concernant l’intervention du président ukrainien, la députée note : « le Président Zelensky, dans sa tournée des parlements européens durcit le ton pour montrer la force de ses soutiens face à la Russie, en cas de négociations. C’est pour moi davantage une menace qu’une réelle possibilité de fermer toutes les entreprises étrangères en Russie ».
En effet la demande du Président est plus facile à dire qu’à faire dans de nombreux cas. « Parmi les plus importantes entreprises qu’il cite, nombreuses sont celles qui ont des contrats sur plusieurs années et des salariés qu’ils ne peuvent pas mettre à la porte du jour au lendemain » explique-t-elle « certains analystes disent que cela peut provoquer la faillite de celles qui ont d’énormes parts de marché, notamment si elles ont des compensations très fortes à verser du fait de leur départ. Par contre il est possible qu’elles mettent en sourdine leur présence et leur activité, ce qui laisserait le temps de voir ce qui va arriver ».
Une analyse économique proche de celle défendue par Nicolas Forissier. Concernant l’attitude à avoir face à Vladimir Poutine, Nadia Essayan estime que « l’urgence est de retrouver le chemin de la médiation comme tentent de le faire plusieurs Etats, dont la France, ainsi que les nombreux parlementaires de très nombreux pays ».
Enfin elle note que « jusqu’à présent, la Russie est en guerre avec l’Ukraine, mais pas avec les pays européens. La France et l’Union européenne qui, pour la première fois a parlé d’une seule voix, se sont beaucoup engagés envers l’Ukraine à tous les niveaux, militaire et humanitaire, et ont pris d’importantes sanctions qui vont fortement impacter la Russie, mais aussi nos économies européennes ».
Un tournant dans la guerre russo-ukrainienne ?
Alors, que la Russie a dévoilé un bilan officiel pour la première fois [l‘Etat major russe a reconnu la mort de 1 351 de ses soldats], ce vendredi 25 mars, l'armée russe a affirmé avoir atteint les objectifs initiaux de l'opération militaire qu'elle mène dans ce pays depuis le 24 février. L'adjoint au chef de l'état-major russe, Sergueï Roudskoï, a annoncé que les troupes russes allaient désormais se concentrer sur la "libération" de l'est de l'Ukraine. "Les capacités de combat des forces ukrainiennes ont été réduites de manière importante, ce qui permet (...) de concentrer le gros des efforts sur l'objectif principal : la libération du Donbass",a-t-il déclaré.