Coming out en entreprise : lesbiennes, gays, bi,transgenres, peu de jeunes LGBT+ osent être visibles


Souvent visibles pendant leurs études, les jeunes diplômés LGBT+  sont encore peu nombreux à oser faire leur coming out en intégrant une entreprise, par peur d’être jugés, discriminés. Certains ont franchi le pas et oeuvrent pour l’inclusion. Des "rôles modèles" pour tous les autres.

"Au moment de mon intégration, j’entamais une histoire d’amour avec une femme. Mais je n’en parlais pas au boulot." Cadre dans l’informatique, Agathe, 30 ans, est salariée dans une grande entreprise parisienne, depuis un an et demi. Elle s’assume en tant que lesbienne depuis seulement une année. Mais dans le cadre de son travail elle préfère rester invisible. Et témoigner ici de façon anonyme : "en arrivant, je portais une alliance à l’annulaire gauche, et quand une collègue m'a demandé si j’étais mariée, j’ai répondu que j’étais en couple sans préciser avec qui. Le lundi, devant la machine à café, je racontais mon week end, évoquant toujours des ami.es, mais jamais ma compagne. J’avais beaucoup d’amie.es…" 

 

: “on ne se sent plus seule. On a un sentiment de fierté, d’appartenance, de reconnaissance."

Elle "sort du placard"... Mais avec une poignée de personnes : “ mes premiers échanges avec des collègues très proches se sont hyper bien passés.  Pour eux, c’était un non événement. Je me suis rendue compte que la majorité des gens est ouverte. Et les éventuels détracteurs sont recadrés par d'autres salariés. Aujourd'hui je suis dans un environnement de travail très safe. Jamais je n'ai entendu de remarques homophobes".
Pour Agathe néanmoins, pas question de coming out, au delà de ce petit cercle. 

Crainte d’être freinée dans son parcours professionnel

Une petite voix lui chuchote toujours à l’oreille, l'incitant à rester dans l’ombre : “ dans l’inconscient patriarcal et hétéronormé, la femme est objet et victime de sexisme. Je n’ai pas envie de me prendre des remarques graveleuses car en plus d’être une femme, je suis lesbienne. Avec une sexualité fantasmée. D'ailleurs, quand deux femmes s’embrassent dans la rue, il y a toujours un homme pour proposer un plan à trois. Avec ma compagne, on s’est faites filmées et agressées verbalement de façon violente dans le metro.”

Et la jeune femme ne se sent pas dans un climat de confiance intégral : "je suis jeune, au début de ma carrière, je n’ai pas envie que ce soit un frein possible à mon évolution. Mais je n’ai aucun élément objectif pour le prouver." 
 

Un jeune LGBT+ sur deux visible en entreprise

Seule une personne LGBT+ sur deux est « visible » dans son entourage professionnel, selon le  baromètre autre cercle – Ifop 2020. Et 80 % des jeunes LGBT se déclarent prêts à faire leur coming out dans leur entreprise. Mais un sur deux seulement finit par le faire, selon une étude BCG pour Tetu.

Des chiffres qui justifient l'engagement de l'Autre Cercle. Dans le cadre de la journée mondiale du coming out, cette association qui oeuvre pour l’inclusion des personnes LGBT+ dans le monde de l’entreprise, organise la 2e édition française des Rôles Modèles LGBT+ et Allié·e·s au Travail, en partenariat avec Radio-France et La tribune : "Ces rôles modèles LGBT+ contribuent à faire bouger les lignes et adressent des signaux à toute l’organisation, en démontrant que l’on peut réussir dans sa vie professionnelle, quelles que soient son orientation sexuelle et son identité de genre.", explique Alain Gavand, initiateur et chef de projet de cette édition.
 
Si parmi les rôle modèles LGBT+ 2020, les femmes représentent 40% des lauréat·e·s, contre 25% l’année dernière, il y a encore peu de candidatures dans la catégorie des « Rôles Modèles LGBT+ Jeunes Diplômé·e·s. Selon Alain Gavand, "cela nous montre les craintes des nouvelles générations à se rendre visibles lors de leur premier poste, malgré des aspirations à l’être."

"Les entreprises doivent créer un environnement qui permet à celles et ceux qui le souhaitent d’être visible"
, explique Alain Gavand.Pour le Vice-Président de la Fédération de L'autre cercle & Président du Jury des #RolesModelesLGBT 2020, "lorsque la plupart des salarié·e·s LGBT+ ne sont pas visibles, c’est que demeurent encore des craintes quant à d’éventuelles #discriminations, des #LGBTphobies, ou encore des #stigmatisations."


Une salariée autorisée à s’exprimer, mais assistée

Parmi les entreprises qui ont signé la Charte d’engagement LGBT+ de l’Autre Cercle, Aviva France  affiche sur son site : " Aviva France s’est ainsi engagé à pérenniser un environnement de bienveillance et une égalité de traitement pour les personnes LGBT+."  

Nous avons considéré ne pas pouvoir interviewer librement une jeune lesbienne que nous avons contactée dans cette entreprise. Un responsable de la direction “Relations Medias & Réputation” nous a expliqué que, "selon le process de l’entreprise, un membre du service de presse assiste aux entretiens. "
Nous avons alors décliné cette interview dans ces conditions, qui d'un point de vue journalistique, ne permettaient pas selon nous, un témoignage libre de cette jeune femme. Voici la réponse du responsable médias : "cela n’enlève en rien la spontanéité du ou de la porte-parole ; au contraire l’expérience nous prouve que cela les met en confiance et que cela améliore la qualité de l’entretien. La liberté d’expression n’est pas le sujet, puisqu’elle peut vous dire ou ne pas vous dire ce qu’elle souhaite. La diversité non plus. Il n’y a aucun symbole ici, juste des process internes.”

Certes, dans la plupart des grandes entreprises françaises, les salariés interviewés au titre de leur appartenance à une société commerciale sont accompagnés par un membre du service de communication. Mais il s'agit en général de questions sur leur travail au sein de cette société. Notre demande concernait les difficultés éventuelles que rencontrent certains jeunes LGBT pour s'afficher dans leurs premiers postes. Il s'agissait donc bien d'évoquer les possibles freins ou obstacles à la parole d'un.e jeune dans son environnement. Demander à un témoin de parler devant un représentant officiel de la direction ne nous semblait pas relever de l'aide à l'expression libre. Faire son coming out, gérer sa parole, son image revet une dimension personnelle très forte. Les exemples sont nombreux de filles et de garçons qui même dans une ambiance très inclusive n'osent pas se lancer. Pour des raisons qui leur appartiennent. D'où l'importance de pouvoir faire parler une lesbienne et de partager son histoire, ses anecdotes au besoin intimes, et sa visibilité réelle et heureuse dans son entreprise avec d'autres jeunes. C'est la notion même de l'exemplarité. Ceci montre combien il est difficile mais nécessaire de faire évoluer sur des thèmatiques personnelles, encore délicates à aborder, notre culture collective.

 

" certains sont encore étudiants ou ont fini leurs études il y a peu de temps. D’autres, ont  la quarantaine : “tous sont très tolérants. l’acceptent. je me suis sentie à l’aise et je n’ai  jamais été victime homophobie."

Être soi même pour être efficace

Ironie de son histoire, Adeline vise une carrière diplomatique. Un milieu où règne la discrétion : “si je deviens diplomate,  certes je devrais être discrète, mais pas forcément le cacher à tout le monde." Et cette discrétion étant  imposée à tout le monde, Adeline ne la vivrait pas comme une discrimination. Pour elle, le fait de se sentir bien au travail conditionne sa  performance professionnelle : “ Si j'étais amenée à cacher mon identité, je changerais  de travail. Car je ne peux pas être efficace si je ne suis pas moi même. "
C’est cette motivation qui a conduit Alexandre Toureh à sortir de l’invisibilité dans le cadre de son travail en entreprise.  

 

"on sort du cocon universitaire où on a le droit droit de se chercher, d’expérimenter. Je  l’ai fait par crainte, d'être catalogué comme une personne qui dérange, qui n'est pas productif. On a envie de faire carrière et on a peur que quelque chose vienne entraver cette carrière. "

Mais le jeune diplômé vit mal cette invisibilité : "à force de mentir, de faire attention à ce qu'on dit. On ferme des portes et s'ouvre moins avec ses collègues. Cela crée de la distance et on s'intègre moins bien. C'est important de pouvoir être soi au travail. On est plus performant, plus impliqué, Sinon on est juste un objet dans une chaîne. "

Un réseau de rencontre entre jeunes et entreprises LGBT friendly

En arrivant en France, il n’a jamais dissimulé son homosexualité. Et va même plus loin. Il s'engage en faveur de l’inclusion des jeunes LGBT+. Il crée “LGBT Talents”. Son objectif : créer des rencontres entre de jeunes talents et des entreprises LGBT friendly :  "des entreprises qui ont des vrais engagements dans la diversité, et accomplissent des actions tangibles, et pas seulement du pinkwashing. En organisant ces rencontres, on permet aux jeunes d’identifier facilement les entreprises inclusives, un lieu de travail où on ne soit pas obligé de mentir sur ses week-end, et qui véhicule nos valeurs”. 
 
A cette occasion, Alexandre rencontre des équipes d’IBM, et décide de leur envoyer son CV, et de s'afficher immédiatement : 
"j’indique avoir créé l’association LGBT Talents. Je fais mon coming out sur mon CV ! ".  Alexandre est embauché, comme consultant en transformation digitale chez IBM. 


Des clients homophobobes  

"Je n’ai rencontré aucun souci au sein d’IBM. En France et dans le monde entier, cette entreprise est un modèle en matière d’inclusion, grâce à un réseau LGBT créé depuis 20 ans. Un réseau sponsorisé par des membres du comex. C’est même une des premières entreprises avec un process de suivi des transitions des personnes transgenres."

Mais, Alexandre a tout de même dû faire face à de l’homophobie, de la part des clients d'IBM avec lesquels il travaille, dans d’autres entreprises : " j’ai entendu des propos très désobligeants, très homophobes à mon égard ou non."
Alexandre n’hésite pas à remettre ses interlocuteurs à leur place : "Je leur ai dit que je ne trouvais pas ces termes acceptables Je leur ai expliqué que je n’aimais pas qu’on me traite ainsi.  Dans ces cas, conseille-t-il,  il ne faut pas hésiter à contacter la direction de l'entreprise."

Malgré l'évolution des mentalités, l'homophobie au travail frappe encore trop dans le monde de l'entreprise. Selon une Etude IFOP pour l’Autre Cercle : 32 % des jeunes LGBT + ont déjà été victimes de moqueries au travail.Contre 12 % des 50 ans et plus.
 

  
Pour Alexandre Toureh, “etre visible, faire son coming out, cela demande toujours du courage car on prend toujours un risque : "moins de promotion, être écarté.e, ne pas avoir tous les bénéfices. Mais ces risques sont de plus en plus minimes. Mon conseil à un jeune qui va entrer dans le monde du travail est de faire des recherches. Il y a beaucoup d’entreprises qui sont très visibles et font énormément d’actions. Posez des questions sur les réseaux. "

Quand on se rend à un entretien d’embauche, "il ne faut pas hésiter à poser des questions ciblées, explique -t-il : "est ce que vous avez un  réseau LGBT ou une personne dédiée à la diversité ?", "quels sont vos objectifs dans ces domaines ?", et il ne faut  pas hésiter à prendre contact  avec  l’Autre cercle, association engagée dans l’inclusion LGBT au sein des entreprises. "
 
"Avec nos éditions Rôles Modèles LGBT+ & Allié·e·s au travail, la puissance d’une politique d’inclusion des personnes LGBT+ pourra dorénavant se mesurer à l’aune de sa capacité à faire émerger des rôles modèles LGBT+. Cela constitue un réel indicateur ! Une organisation d’une certaine taille qui ne parviendrait pas à révéler de tels rôles modèles doit s’interroger ", conclut Alain Gavand.


La 2nde édition des Rôles Modèles LGBT+ et Allié·e·s au Travail dévoile les lauréats aujourd'hui, lors d'une cérémonie virtuelle.
 

Dans le cadre de la journée mondiale du Coming Out, la 2nde édition des Rôles Modèles LGBT+ et Allié·e·s au Travail...

Publiée par L'autre cercle sur Lundi 12 octobre 2020

France Télévisions à l’honneur


Cette édition 2020 des Rôles Modèles LGBT+ et Allié.e.s, met à l’honneur des salariés de France Télévisions, signataire de la charte d’engagement LGBT de l’Autre Cercle.
 
Il s’agit de deux des co-fondateurs, très engagés, de “France.tv pour tout.te.s”, une association qui oeuvre pour l’inclusion au sein du groupe. Elle veille à une meilleure représentation des personnes LGBT+ dans les contenus d’information et de programmes. Son action recueille aussi un grand écho auprès des téléspectateurs et internautes. 
 


A la barre des réseaux sociaux de l’association, Daniel Ielli est un relais infatigable. Il est aussi à l’origine d’une tribune : “ajoutons du noir aux couleurs de l’arc-en-ciel” publiée lors des émeutes aux Etats Unis, qui ont suivi la mort de Georges Floyd, et le grand mouvement connu sous le nom de #Black Lives Matter. 

Jean-Baptiste Marteau, lui, met son image de présentateur joker de France télévisions au service de la cause LGBT+. Papa d’une petite fille, il s’est notamment engagé en faveur du congé de paternité.

 


Les deux journalistes de France.tv pour Tout.e.s sont ainsi honorés comme l’avait été, l’an dernier, Frédérique-Marie Lamouret, co-présidente de l’association, lors de la première édition des Rôles Modèles. 

Retrouvez  la liste des lauréats de cette édition 2020 des Rôles Modèles LGBT+ et Allié.e.s, sur le site de l'Autre Cercle







 

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