Depuis 20 ans, Philippe Lentz est l’unique médecin de l’île de Porquerolles dans le Var. Un métier qui l’accapare nuit et jour surtout pendant la période estivale. Face à la crise sanitaire du Coronavirus, comment gère-t-il la situation ?
Philippe Lentz ajoute d’un ton posé qu’il a malgré tout évacué par bateau-taxi une personne atteinte du Covid-19, ensuite hospitalisée à Toulon. Cinq autres cas avec des symptômes moins graves sont restés confinés sur l’île.
Je suis juste un maillon de la chaîne entre les patients, les pompiers et le Samu, je fais ce que je peux.
Agé de 60 ans, il est le médecin de 350 âmes et depuis le début de l’épidémie il gère 3 fois plus d’appels téléphoniques que d’habitude. Et surtout il consacre de plus en plus de temps à gérer l’intendance une fois que la personne est hospitalisée. Une charge de travail qui va au-delà de la facette médicale du simple médecin. Il se comporte comme le médecin d’une grande famille.
En ce moment avec l’épidémie, je reste dormir 2 nuits par semaine sur l’île. J’ai l’impression que ça rassure les habitants.
Habituellement, à cette période de l’année, le praticien prend la dernière navette maritime de 17H30 pour rentrer chez lui, dans sa maison principale de “l’autre côté” sur le continent et profiter de sa famille...
La problématique de l’île, c’est l’évacuation des malades bien que le Docteur Lentz soit très aguerri à l’exercice, surtout pendant les 4 mois d’été avec l’affluence touristique. Il a d’ailleurs mis en place une procédure de rapatriement de blessés sur le continent et sait qu’il peut compter sur les hélicoptères du Samu et de la Marine Nationale ainsi que sur la collaboration des pompiers. Une aide précieuse sur l’île.
Sur une île, tout se complique...
Ainsi, un peu à la manière d’un médecin de campagne, Philippe Lentz est à la fois pharmacien, ostéopathe, kinésithérapeute… et vétérinaire. Lorsqu’il y a hospitalisation sur le continent, il organise aussi une chaîne de solidarité, contacte les adjoints à la Mairie de Hyères, informe des médecins qui habitent sur l’île pour anticiper les gardes éventuelles d’enfants ou de personnes âgées par exemple.
Être médecin sur une île est un vrai sacerdoce. Non seulement en tant que praticien, on a le sens du devoir mais en plus on a un rapport très étroit avec les villageois. Je ne peux pas les abandonner comme ça et rentrer tranquillement chez moi.
L’été, vous savez, c’est bien plus stressant pour moi que cette crise sanitaire, car dans une même journée, je dois faire face à une piqûre d’oursin, deux arrêts cardiaques... une noyade ou d'autres pépins. J’ai l’impression de faire un combat de boxe. J’ai déjà craqué mais je suis toujours là. Je crois que j’ai ce métier dans le sang, un point c’est tout ! Après, j’ai une procédure à suivre en cas d’urgence et d’évacuation. Si rien ne coince dans le processus, c’est gagné.
Philippe a les nerfs solides. Il a fait ses armes en Nouvelle-Calédonie et son amour pour la mer et la planche à voile l’ont attiré, même s’il ne trouve jamais le temps de pratiquer, à exercer la médecine sur l’île de Porquerolles.
Je suis trés fier de faire ce métier et d’exercer sur une île. Je suis amoureux de Porquerolles mais l’été c’est vraiment pesant. J’y ai laissé ma santé.
L’été, l’île atteint des pics d’affluence touristique. Jusqu’à 10 000 visiteurs par jour avec bateaux de plaisance et navettes. Pendant les 10 premières d’années d’activité Philippe Lentz était d’astreinte 90 jours et 90 nuits sur cette île provençale. Il vivait d’ailleurs dans la maison de fonction attenante au cabinet. Mais depuis 5 ans, il s’est libéré de cette charge en se faisant remplacer par un interne en médecine la moitié de la semaine.
Même si je suis marié à la médecine. Je ne suis pas Dieu…
Le jour d’après...
Ce qui inquiète ce médecin, c’est la manière dont va être gérée le déconfinement, surtout sur cette île extrêmement touristique : Comment va-t-on gérer les flux ? Il s’attèle à écrire un courrier aux autorités (préfecture, mairie de Toulon) afin de donner sa vision pour gérer au mieux l’après-crise et les touristes en provenance du continent qui arriveraient par les navettes ou par bateau.
Il pense qu’il faudra prévoir un médecin à l’embarcadère de la Tour Fondue avec la mise en place des contrôles systématiques des passagers qui prendront les navettes (prise de température, attestation sérologique, tests de dépistage etc..).
On ne pourra plus accéder à Porquerolles aussi facilement. On devra continuer à vivre avec ce virus en filtrant et en régulant les flux...
Cette crise sanitaire va probablement obliger les autorités à prendre des dispositions pour continuer à sauvegarder l’authenticité de l’île.
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