Les syndicats de la SNCM ont suspendu mardi le mouvement de grève, entamé le 26 mars après avoir obtenu des garanties de l'actionnaire principal Transdev sur l'avenir de la compagnie maritime marseillaise, a-t-on appris de sources concordantes.
"Le groupe Transdev a garanti par courrier à l'Etat qu'il n'enclencherait aucune procédure collective devant le tribunal" de commerce, a indiqué à l'AFP Pierre Maupoint de Vandeul, délégué CFE-CGC des officiers, à l'issue d'une assemblée générale commune des organisations syndicales.
Dans cette lettre, le PDG Jean-Marc Janaillac se montre rassurant. "Je peux vous indiquer qu'à notre connaissance, rien dans la situation financière actuelle de l'entreprise ne justifie qu'un tel processus soit mis en oeuvre", écrit-il.
Après un conflit de près de dix jours début janvier, les syndicats avaient décidé de lancer un nouveau mouvement face aux "menaces graves et imminentes" pesant sur l'opérateur historique des lignes Corse-continent.
Au fil des conseils de surveillance, Transdev (66% du capital), filiale de la Caisse des dépôts (CDC) et de Veolia Environnement, a affiché son hostilité croissante vis-à-vis du plan de redressement de la société, qu'il estime "fragile".
Le PDG de Veolia Environnement, Antoine Frérot, a même défendu le recours "à la protection du tribunal" de commerce.
"On écarte le pire et les mauvaises intentions du patron voyou de Veolia", a commenté Frédéric Alpozzo, représentant CGT (majoritaire) des marins SNCM.
Les syndicats ont également obtenu la tenue d'une table ronde sur "l'évolution de l'actionnariat", ainsi qu'une réunion avec le ministre des Transports, en présence du cabinet du Premier ministre Manuel Valls, "dans les trois semaines à venir".
"Dès à présent, l'Etat se mobilise pour trouver d'ici la fin de l'année un actionnariat industriel portant le redressement de l'entreprise sur les bases de son plan long terme", avec la désignation d'"un responsable interministériel" chargé du dossier, annonce Frédéric Cuvillier dans une lettre aux syndicats.
Transdev a reçu lundi les responsables du groupe norvégien Siem Industries "pour engager des négociations" sur une reprise de sa participation, "avec la volonté d'aboutir dans les meilleurs délais", assure M. Janaillac.
Un conseil de surveillance se tiendra par ailleurs le 14 avril concernant la commande de quatre bateaux au chantier naval STX de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique).
"L'Etat confirme que des solutions de financement seront apportées par la Caisse des dépôts et la Banque publique d'investissement dès le 4 avril, en amont du conseil, ce qui est de très bon augure", a précisé M. Alpozzo.
"Il reprend la main et fixe un calendrier précis dans un cadre sécurisé", s'est félicité le représentant CFE-CGC.
Dernier point salué par la CGT, l'entrée en vigueur en juin du décret dit "Etat d'accueil", un texte anti-dumping social visant à lutter contre la "distorsion
de concurrence" créée, selon la SNCM, par la compagnie privée Corsica Ferries, aux navires battant pavillon italien et aux équipages multinationaux.
"Jusqu'au bout du bout, Frédéric Cuvillier a travaillé pour sortir la SNCM de ce conflit" en obtenant des assurances du patron de Transdev, a-t-on souligné au ministère.
La direction de la compagnie a salué la fin du mouvement. "Notre entreprise n'est jamais aussi forte que quand elle navigue. Je suis donc satisfait que l'Etat ait entendu notre appel et que nous puissions reprendre notre activité pour tous nos clients", a réagi le président du directoire, Marc Dufour, dans une déclaration transmise à l'AFP.
Des personnels très inquiets et de nouvelles "torpilles" en provenance de Bruxelles
"En échos à leurs inquiétudes -écrit le journaliste Alain Verdi dans son blog personnel Pericoloso Sporgersi- la Direction de la compagnie publie un communiqué, le dimanche 30 Mars, sous forme d’appel aux autorités gouvernementales.
Alors que les personnels de la SNCM s’inquiètent pour leur avenir et celui de leur compagnie, l’État fait le mort en cette dernière ligne droite des municipales.
En fait, l’intersyndicale (à l’exception du syndicat nationaliste STC) attend des assurances du gouvernement, qui alterne promesses et reniements.
Mais la “réponse” pourrait venir de Bruxelles.
La Commission Européenne a plusieurs “torpilles” dans sa besace. La prochaine, sur la privatisation de la SNCM, pourrait être tirée au milieu de la semaine.
Si cette information venait à être confirmée, elle permettrait au gouvernement de jouer les innocents: “ce n’est pas moi, c’est l’Europe”.
Un air joué plusieurs fois, dans plusieurs dossiers, mais c’est dans les vieux pots que l’on fait les meilleurs soupes.
Si c’est le cas, on pourra dire que l’intersyndicale a été baladée de bout en bout.
Dès le 14 Mars, le journal Le Marin posait la question: le gouvernement gagne -t-il du temps jusqu’aux municipales ?
Dans ce contexte politique agité - interroge Alain Verdi- la SNCM fait-elle partie des préoccupations gouvernementales, a-t-elle jamais fait partie de ses préoccupations?
Nous devrions être fixés dans la semaine.
La dissolution du gouvernement, intervenue le lundi 31 Mars, peut-elle changer quelque chose au dossier? Rien n’est moins sur. Les raisons sont multiples.
D’abord, la tendance générale ne semble pas à un bouleversement des grandes orientations.
Ensuite, la composition du nouveau gouvernement ne devrait être connue que mercredi 2 Avril.
Ces deux éléments se conjuguent. Le ministre des transports, Frédéric Cuvillier est un proche de François Hollande.Il pourrait conserver son ministère et avec lui, son cabinet très hostile à une relance de la SNCM.
De plus, une nouvelle intervention de la Commission Européenne dans ce dossier, pourrait intervenir avant l’annonce de la composition du nouveau gouvernement, ou en même temps. Si cette annonce s’avère et qu’elle est “agressive”, le nouvel exécutif se verrait d’entrée forcer la main".