Le tribunal de commerce de Marseille devrait se prononcer mercredi sur trois offres de reprise de la compagnie maritime SNCM, en redressement judiciaire depuis novembre 2014, mais deux nouveaux acteurs - le groupe Stef et un consortium d'entreprises corses- se sont manifestés récemment.
Il y a une semaine, le groupe Stef, maison-mère d'une autre compagnie maritime, La Méridionale (CMN), a écrit au président du tribunal de commerce pour lui demander de repousser sa décision, laissant clairement entendre qu'il pourrait à son tour déposer une offre de reprise.
Puis un consortium composé de huit grandes entreprises corses s'est porté candidat au rachat de la SNCM, dans une lettre d'intention adressée le 5 juin au tribunal. Ce groupement d'entreprises dit proposer "une offre alternative sérieuse".
Berrebi déplore l’absence de réponse de la CMN à sa proposition de subdélégation
Le 27 mai, lors d'une audience, le tribunal avait examiné les offres - "améliorées" à sa demande- déposées par trois candidats: le groupe corse Rocca, l'ex-directeur du port de Marseille Christian Garin, et Baja Ferries, dirigé par Daniel Berrebi qui dans un communiqué déplore l’absence de réponse de la CMN à sa proposition de contrat de subdélégation.
Lire le communiqué de Baja Ferries
Au cours de l'audience à huis clos, le procureur de la République de Marseille Brice Robin avait requis en faveur de l'offre présentée par Daniel Berrebi. Tout en ménageant l'offre concurrente du groupe corse Rocca, il avait en revanche clairement écarté celle de Christian Garin. Le juge-commissaire avait de son côté estimé que l'offre de Rocca était la meilleure, selon des représentants du personnel présents à l'audience.
"Bouc émissaire"
Depuis, les cartes ont été rebattues une ènième fois. Déjà, devant le tribunal de commerce, la direction de La Méridionale avait demandé que soit lancé un nouvel appel d'offres.
La Méridionale qui dessert au départ de Marseille les ports d'Ajaccio, Bastia et Propriano en Corse et Porto Torres en Sardaigne, partage avec la SNCM le contrat de délégation de service public (DSP) entre la Corse et le continent.
Ce méga-contrat portait à l'origine sur 570 millions d'euros –57 millions par an de 2014 à 2024-- mais le tribunal administratif de Bastia, à la suite d'une plainte d'un concurrent, Corsica Ferries, l'a annulé à compter d'octobre 2016.
Avenir incertain pour les personnels
Pour y remédier, un schéma se dégage: tenue de reprendre la partie de la DSP incombant à la SNCM après sa "disparition", La Méridionale "sous-déléguerait" au repreneur ces activités, dans l'attente de la négociation d'un nouveau contrat.C'est précisément ce point que soulève le groupe Stef dans son courrier au président du tribunal de commerce de Marseille: Stef estime que sa compagnie maritime "devient un élément incontournable, et potentiellement le bouc émissaire désigné à l'avance d'une éventuelle liquidation annoncée de son partenaire si aucun projet ne devait aboutir".
Aussi, le groupe de logistique envisage de déposer une offre et "se propose de reprendre 600 navigants en CDI et 200 sédentaires. Le prix proposé sera entre 15 et 20 millions d'euros".
"Il faut savoir si cette intervention du groupe Stef, à l'affût depuis vingt ans, ne vise pas la liquidation pure et simple (de la SNCM) après la saison ?", s'interroge la CFE-CGC dans un communiqué. "La recherche de véritables repreneurs avec une taille et des garanties industrielles suffisantes doit se poursuivre", estime encore Maurice Perrin, délégué CFE-CGC.
Sur les 1.500 CDI environ que compte aujourd'hui la compagnie, les offres de Baja Ferries, Rocca et Christian Garin proposent de sauver 900 postes dans le meilleur des cas.
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"Le bricolage continue" estime le STC dans un communiqué
"Deux nouvelles offres, la première émane du groupe STEF- TFE propriétaire de la CMN qui semble se réveiller aujourd’hui en faisant fi des mois et des semaines qui se sont écoulés jusqu’à ce jour.Nous ne sommes pas dupes, cette offre est plus motivée par une volonté de déstabilisation de la SNCM, que par une réelle volonté d’assoir un Service Public de qualité entre la Corse et le Continent.
La deuxième offre est elle, tout aussi surprenante. Elle émane d’un consortium économique insulaire, ce même groupement d’entrepreneurs revendiquent 60% du marché fret entre la Corse et le Continent en opposition aux 40% déjà annoncés par le candidat repreneur Rocca.
La démonstration est donc faite, que les intérêts privés d’ici ou d’ailleurs, n’ont que pour seule logique l’opposition entre eux et l’hégémonie.
Ce comportement où le monde économique insulaire se livre à la curée de la dépouille de la SNCM, en dit long sur les motivations des uns et des autres.
Les chefs d’entreprise de Corse seraient bien plus inspirés dans le secteur qui est le leur de contribuer ardemment au développement économique et social de l’île, en engageant une réelle politique de redistribution de la richesse par l’emploi et le travail.
Pour conclure, comment juger l’inertie du monde politique Corse, où tout tremble et rien ne bouge, et qui de par son immobilisme, favorise la bipolarisation et les tensions futures en Corse et entre Corses.
Nous les invitons à leur tour, à se ressaisir et à prendre leurs responsabilités en sifflant la fin de la récréation, et en mettant en place un instrument public au service de l’ensemble des Corses et de la Corse. Celui-ci, tournerait ainsi le dos aux intérêts particuliers, et permettrait d’assoir définitivement le Service Public que sont en droit d’attendre les usagers et la Corse"