Le ralentissement dramatique de l'économie et la crise sociale liées à la pandémie de Covid ont entraîné une explosion du nombre de recours à l'aide alimentaire en Corse. Les associations tentent d'y faire face, en comptant sur la générosité des particuliers et des entreprises insulaires.
C'est malheureusement une conséquence attendue de la crise économique et sociale liée à la pandémie de Covid-19 : les associations insulaires proposant de l'aide alimentaire ont constaté au cours des mois précédents une augmentation dramatique des recours, à la faveur des pertes d'emploi et des fins de droit.
Une situation qui devrait continuer de se dégrader dans les mois à venir selon Hyacinthe Choury, secrétaire général de la fédération de Corse du Secours Populaire.
"Nous commençons à voir arriver les fins de droits, les gens qui se retrouvent au RSA, explique-t-il. Cela devrait continuer d'augmenter au cours des prochains mois."
Un volume de recours en constante augmentation, alors que les 450 bénévoles de la fédération de Corse ont déjà dû faire face à une véritable explosion des demandes d'aide alimentaire au moment du premier confinement. "Lors du premier confinement, les recours ont augmenté de plus de 30% à Ajaccio, et plus de 40% à Bastia."
"Les gens qui travaillaient à la tâche, dans des emplois précaires se sont subitement retrouvés sans travail. D'autres ont dû faire face à une importante baisse de leur activité."
Même constat de la part de Vanina Leca, présidente de l'association Hors-Norme. Alors que sa structure, créée en 2019, proposait initialement de l'aide aux personnes en situation de handicap, elle a commencé lors du premier confinement à apporter une aide alimentaire à des personnes démunies.
"Sur cette période, entre 600 et 1 000 foyers à Ajaccio et dans la périphérie ont fait appel à cette aide", explique-t-elle.
La Corse, région de France la plus touchée par la crise
Un nombre très important de demandes pour une petite structure comme Hors Norme : à la faveur du premier confinement, le nombre de bénévoles au sein de l'association est ainsi passé de 3 à 85.
"Ce sont des gens qui se sont retrouvés dans des situations très difficiles à cause de la pandémie, comme des personnes âgées isolées qui ne peuvent plus compter sur leur entourage pour les aider", explique-t-elle.
Des personnes âgées isolées, des retraités ne bénéficiant pas d'une retraite suffisante, mais également des jeunes : la pandémie a rebattu les cartes, ainsi que les profils des personnes ayant recours à l'aide alimentaire. "A cause du Covid, nous avons également affaire à des jeunes, qui parvenaient auparavant à boucler les fins de mois avec des petits travaux, confirme Hyacinthe Choury. Jusqu'à présent, ils ne venaient pas demander de l'aide."
Une nouvelle donne qui ne surprend pas, alors que la Corse est la région de France la plus touchée par l'impact de la crise sanitaire : d'après un récent rapport de l'INSEE, sur l'année 2020, le nombre de demandeurs d'emploi dans l'île a ainsi augmenté de 14,7 %, contre 4,4% au niveau national.
Les associations sont en première ligne face au ralentissement brutal de l'activité économique : selon un rapport de la Fondation Abbé Pierre paru au début du mois de février, les banques alimentaires en France ont ainsi accueilli au 30 juin 2020 entre 20 à 25 % de bénéficiaires supplémentaires.
Mais, en dépit du travail de communication effectué par les associations, il reste cependant difficile pour certaines personnes en difficulté de sauter le pas et demander de l'aide : "Il y a une gêne, les gens n'osent pas demander, opine Hyacinthe Choury. C'est très difficile de devoir être dépendant de l'aide des autres."
Une difficulté que l'association Hors Norme semble être parvenue à surmonter grâce à son modèle de portage, selon Vanina Leca :
"Nous laissons les courses devant le domicile, et nous essayons d'éviter les contacts pour protéger les personnes que nous aidons. Cet anonymat a sans doute aidé certains, qui auraient été réticents à l'idée de demander de l'aide."
Plus de solidarité
Une gêne que les associations essaient tant bien que mal de dissiper, en rejetant la notion d'association "caritative". "Le Secours Populaire propose de la solidarité humaine, pas caritative, rappelle Hyacinthe Choury. Les gens ne viennent pas faire l'aumône : ils sont comme nous, nous aurions pu être à leur place."
Un point de vue partagé par Vanina Leca : "Certaines personnes me disent qu'elles me sont redevables, c'est faux. Nous pouvons tous avoir besoin d'aide, à un moment donné."
Seule lueur d'espoir, la mobilisation sans précédent d'entreprises et de particuliers en Corse : "Nous avons constaté une très nette augmentation des dons non sollicités, explique le président de la fédération de Corse du Secours Populaire. Si leur montant individuel baisse, leur nombre a explosé. Particuliers et entreprises se mobilisent pour aider les associations."
Une tendance constatée sur l'ensemble du territoire national : au premier semestre 2020, les dons aux associations et aux fondations ont ainsi bondi de près de 22% par rapport à l'année précédente. Le Secours populaire, avec l'Institut Pasteur et la Fondation Abbé Pierre, fait partie des principaux bénéficiaires de cette générosité en hausse.
Selon Hyacinthe Choury, les aides exceptionnelles de l'Etat ont également permis d'absorber la hausse du nombre de demandeurs d'aide. "Sans cela, nous n'aurions sans doute pas pu faire face à la demande."
Pour sa part, l'association Hors Norme affirme avoir bénéficier de dons "spontanés" de denrées alimentaires, de vêtements et des plats préparés de la part de plusieurs entreprises insulaires.
Traiteurs, grossistes ou enseignes de la grande distribution ont ainsi permis à l'association de faire face à cette demande en augmentation.
Une mobilisation louable, et nécessaire, alors que le nombre de foyers en difficulté ne devrait pas baisser dans les mois à venir, malgré une légère embellie à la faveur de l'été et du déconfinement.