Annonces de Gabriel Attal pour les collégiens : "l'école n'est pas une garderie", estiment les syndicats

Les mesures récemment annoncées par le Premier ministre pour endiguer les faits de violence chez les jeunes ont suscité de nombreuses réactions. En Corse, les syndicats enseignants évoquent des "effets d'annonce".

Des collégiens scolarisés tous les jours de la semaine de 8 heures à 18 heures, des éventuelles sanctions aux examens pour les élèves perturbateurs avec une mention dans leur dossier Parcoursup, un recours à l'internat pour les élèves "décrocheurs" et ceux qui auraient de mauvaises fréquentations.

Ce sont les principales mesures présentées par Gabriel Attal le 18 avril dernier à Viry-Châtillon, ville où Shemseddine, un adolescent de 15 ans, a été battu à mort par des jeunes à proximité de son collège.

Martelant que la violence "s'invite trop souvent" à l'école, le Premier ministre a déclaré que "la journée, la place est à l'école, à travailler et à apprendre". Objectif selon l'ancien ministre de l'Éducation nationale : "garder les enfants pour les occuper plutôt qu'ils soient dans certains cas livrés à eux-mêmes".

"Garder les collégiens 10 heures dans un établissement, pour quoi faire finalement ?", s'interroge Pierre-Dominique Ramacciotti, secrétaire académique du Snalc en Corse. L'école, ce n'est pas une garderie, pas du gardiennage. Je pense que ces jeunes ont aussi besoin d'être en dehors des établissements. L'école n’est pas là pour répondre au manque éducatif qui peut exister peut-être dans certaines familles. Comme d'habitude ça a l'air plutôt d’être des effets d'annonce. On annonce cela et on pense qu'on va résoudre les problèmes de violence dans certains quartiers qu'avec l'école. Or, le problème ne vient pas de l'école. Elle est plutôt le réceptacle de tous ces problèmes." 

"Ce sont des annonces, une fois de plus, qui donnent à penser qu'il n'y a pas de prise de conscience réelle de l'état actuel de la société, de la jeunesse et de l'Éducation nationale par là même", réagit de son côté Jeanne Julien, déléguée STC Educazione.

"Des mesures pas adaptées"

Déjà expérimentée dans certains établissements, cette mesure ne s'appliquera dans un premier temps qu'aux collèges REP+ (Réseau d'éducation prioritaire) avant d'être "étendue progressivement", dixit le Premier ministre.

"Il y a un discours qui tourne autour de deux notions : autorité et sanction, indique Nathalie Marcellesi, membre du bureau académique du Snes. Qui va s'occuper de ces élèves-là, sur une longue plage horaire comme celle-ci ? Les plus perturbateurs sont déjà ceux qui ne viennent pas volontiers au collège. C'est donc toujours dans la demi-mesure. Le Premier ministre veut prendre le mal à la racine et  on va donc enfermer les élèves pendant 10 heures dans un établissement et les parquer dans un internat en pensant que ça va régler le problème."

Ces nouveaux horaires seront "proposés" aux parents d'élèves mais ne seront pas obligatoires. Les élèves n'auront pas dix heures de cours a proprement parlé. 

"Ceux qui le souhaiteront pourront arriver dès 8h, avant leurs cours, pour prendre un petit-déjeuner au collège parce qu’on sait que l’on apprend mieux, que l’on est en meilleure forme pendant la journée quand on a le ventre plein plutôt que le ventre vide", a indiqué le chef du gouvernement sur Tik Tok. Après les cours, les collégiens pourront notamment faire des "activités d'aide aux devoirs" ou "des activités sportives et culturelles, du théâtre par exemple".

Quid de la mise en place d'un tel dispositif dans l'île ?

"Concernant l'organisation en Corse, les problématiques seraient les mêmes que sur le continent, répond Pierre-Dominique Ramacciotti du Snalc. Il n’y a qu’un établissement Rep+ en Corse, le collège Saint-Joseph à Bastia, une petite structure avec des petits effectifs. Je pense qu'il est préférable de donner sur le temps scolaire habituel les moyens de travailler, qu’il y ait plus de professeurs, plus d’heures pour les faire travailler, et que les dotations horaires globales soient abondées pour aider ces élèves-là, plutôt que les garder enfermés dans l'établissement pour éviter qu'ils ne fassent des bêtises avant et après."

"À mon sens, ces mesures ne sont pas adaptées à la société dans son ensemble, ni à la Corse ni ailleurs", tranche la représentante du STC, Jeanne Julien.

Un internat "pour trouver un cadre"

Au sujet des sanctions qui pourraient pénaliser des élèves perturbateurs pour le brevet ou le bac avec une inscription dans le dossier Parcoursup, la déléguée du Snes y voit "là aussi des effets d'annonce".

"On le constate tous les jours sur le terrain, expose Nathalie Marcellesi : des élèves décrocheurs, il y en a de plus en plus parce qu'il y a des inégalités qui augmentent. Mais ils ne redoublent plus car, jusqu'à présent, ce sont les parents qui ont le dernier mot sur le passage ou pas."

"Il faut remettre un peu l'autorité au centre de l'enseignement, souligne Pierre-Dominique Ramacciotti. Mais derrière, il faut peut-être régler les problèmes en amont. Comme je le disais précédemment, l'école est le réceptacle de tout ça, c'est une microsociété avec les mêmes problèmes. Mais ce n'est pas l'école qui crée ces problèmes-là. Au contraire, dans la République, elle apparaît comme le dernier rempart et un peu comme le dernier pompier. Il faut peut-être donner les moyens de travailler, avoir plus d'heures, des enseignants mieux formés et mieux payés plutôt que de dire on va sanctionner."

"Ce qui me gêne beaucoup avec cette idée de collège jusqu'à 18 heures et d'internat, c'est qu'on a l'impression que ces structures sont là pour remplacer le milieu familial, pour y faire une sorte de garderie, déplore Jeanne Julien du STC. Ce qui m’inquiète, c'est de savoir s'ils mettront des moyens ou s’il s’agit encore de mesures avec de la poudre aux yeux."

Ce lundi 22 avril, Gabriel Attal était dans un lycée de Nice afin de lancer l'expérimentation des "internats éducatifs". Destiné à être généralisé, ce dispositif vise à proposer aux parents dont l'enfant "commence à avoir de mauvaises fréquentations", dixit le Premier ministre, d'être envoyé en internat "pour retrouver un cadre". 

Le reportage de Solange Graziani et Enzo Giugliano : 

durée de la vidéo : 00h02mn40s
. ©S. Graziani - E. Giugliano - C. Réveillaud

"Il y a dans notre pays des dizaines de milliers de places en internat qui sont désespérément vides, a déclaré Gabriel Attal. J’y vois une opportunité pour couper rapidement et efficacement un jeune de ses mauvaises fréquentations."

Pour l'heure, le dispositif est actuellement testé dans l'établissement niçois sur une période de vacances scolaires. Si cette expérimentation était jugée concluante par les autorités, elle pourrait être déployée partout sur le territoire, y compris pendant le temps scolaire. Cependant, tous les détails restent encore à définir. 

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