Pour le millier d'enseignants vacataires que comptent les campus de Lorient-Vannes-Pontivy, les heures travaillées en septembre seront payées avec un trimestre de retard. Le délai est aussi long à l'Université de Rennes. Une configuration difficile en ces temps de vie chère. Mais les administrations assurent ne pas pouvoir réduire les délais.
Ekaterina enseigne le russe à la faculté de Lettres et de Sciences sociales, à Lorient, depuis cinq ans. Pour ce travail, elle gagne 34 euros net par heure d'enseignement. "Depuis tout ce temps, ça n'a pas changé : nous commençons nos cours fin septembre, et nous sommes rémunérés fin janvier."
Un retard systématique au premier semestre, qui lui fait se serrer la ceinture pendant de longs mois. Ce paiement différé n'est pas nouveau, et il s'applique dans de nombreuses universités. Mais en ces temps d'inflation, il devient très problématique.
Des retards sans explications claires
À Rennes, une autre enseignante vacataire, en faculté des sciences pharmaceutiques, confirme le délai de trois, voire quatre mois avant d'être payé. "On m'a fait comprendre que c'était la procédure habituelle pour les premiers mois après la rentrée. Ce serait un problème de crédit qui ne serait pas débloqué avant la fin de l'année." Eloïse (prénom d'emprunt, car la personne souhaite conserver l'anonymat) enseigne les sciences pharmaceutiques, 20h par mois à l'Université, et touche pour cela environ 1500 euros brut. Mais les rémunérations de septembre, octobre et novembre ne sont jamais versées avant le mois de janvier, en plusieurs fois. "Ça a toujours été comme ça, depuis dix ans."
Les vacataires ne peuvent enseigner plus de 900 heures par an à l'Université, de septembre à fin avril, et ils doivent justifier d'une autre activité, qui doit leur apporter la majeure partie de leur revenu.
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"C'est une rémunération dont j'ai vraiment besoin"
De son côté, Ekaterina enseigne aussi le russe dans un lycée, ce qui constitue son activité principale. "Je ne peux pas travailler plus d'heures au lycée où j'enseigne, parce qu'avec la situation géopolitique, il n'y a pas assez d'élèves désireux d'apprendre le russe. Donc mon travail à l'université, ce n'est pas seulement un complément de salaire, c'est une rémunération dont j'ai vraiment besoin."
L'Université s'estime contrainte par le ministère des Finances
Contactée, l'administration de l'Université de Bretagne Sud reconnaît des reports :"les premières mises en paye n'interviennent pas avant fin novembre, ou en décembre." Mais la présidente de l'Université, Virginie Dupont estime ne pas pouvoir y remédier. "Il y a un décalage minimum de deux mois lié au principe de "paye à façon", qui est appliqué dans la fonction publique" explique la Présidente, estimant que les retards supplémentaires de paiement seraient liés à des justificatifs manquants de la part des vacataires. "Les dates de mise en paiement sont imposées, chaque mois, par la direction générale des Finances publiques, il y a un calendrier pour cela", justifie-elle.
Plusieurs mois pour procéder au paiement
D'après le dossier de paie d'un enseignant vacataire que nous avons pu consulter, le retard dépasse les deux mois annoncés. Pour une soixantaine d'heures de travail effectuées en octobre, le paiement n'est validé que le 22 novembre suivant, soit un mois et demi plus tard. Sur le total des heures effectuées, l'Université annonce qu'elle rémunérera 4h en décembre et 16h seront mises en paiement sur la paye de janvier 2025. Le reste sera versé en février.
Un délai extrêmement long qui n'est pas sans conséquences sur les enseignants. Au-delà de leur situation personnelle, les préoccupations financières peuvent aussi affecter leur état d'esprit, et à terme la qualité de leur enseignement ou leur motivation. Une mission de l'Inspection générale de l'Enseignement supérieur et de la recherche doit établir, dans les prochains mois, des préconisations pour améliorer la façon dont les vacataires sont rémunérés.