Ce 21 juin 2023, 77 des 200 Enseignants du Secondaire Affectés dans le Supérieur de l’Université de Rennes ont symboliquement démissionné de toutes leurs tâches administratives pour exiger d’avoir les mêmes droits et les mêmes salaires que leurs collègues.
On les appelle ESAS pour Enseignants du Secondaire Affectés dans le Supérieur. En clair, ce sont donc des professeurs, agrégés ou certifiés qui exercent dans les facultés ou les universités. Ils enseignent aux élèves jusqu’aux masters, corrigent leurs copies, suivent les stages… comme les maîtres de conférences ou les professeurs d’université, mais ils n’ont pas, et loin s’en faut, le même salaire, alors la colère monte.
Gilles Choisy est de ceux- là. Agrégé de physique, il enseigne à l’IUT de Génie civil et développement durable de Rennes. Il fait partie du Collectif 384, référence au nombre d’heures d’enseignement de chaque professeur.
"Normalement, témoigne-t-il, il est prévu que nous assurions 384 heures de cours par an dans nos établissements. C’est le contrat. Par contre, nous n’avons pas à effectuer de tâches administratives. Mais dans la réalité, depuis des années, on fait les emplois du temps et tout un tas de formalités. Pendant longtemps, cela se passait en bonne intelligence, on faisait ça quasi bénévolement pour que les enseignants-chercheurs puissent eux se concentrer sur leurs recherches.
Et les emplois du temps, raconte le professeur, "quand il y a 400 étudiants, des dizaines de vacataires, des semaines qui changent tout le temps, c’est quelque chose ! Mais on le faisait parce qu’il fallait que la boutique tourne. C’était un contrat gagnant-gagnant."
Des oubliés !
Et puis, Pap Ndiaye, le ministre de l'Éducation nationale et Sylvie Retailleau, la ministre de l'Enseignement supérieur et de la recherche ont décidé d’augmenter les enseignants."Dans le cadre de la réforme de l’éducation, des revalorisations ont été accordées aux professeurs du primaire, du secondaire, de l’université… mais nous, on a été oubliés !"
Nous sommes invisibles ! On se demande parfois si la ministre est au courant de notre existence."
Fabien Chartier, Collectif 384
"Nous sommes des enseignants du secondaire dans le supérieur, c’est comme si on avait le cul entre deux chaises, s’agace Fabien Chartier, membre lui aussi du Collectif 384, nous sommes invisibles ! On se demande parfois si la ministre est au courant de notre existence."
Quantité négligeable
"Quand on entend que pas un professeur ne sera en dessous de 2 000 euros, on dit, si, à la fac ! renchérit Gilles Choisy. À la rentrée, nous serons moins payés à l’université qu’au lycée ou qu’au collège. On enseigne à des étudiants en master et nous sommes moins rémunérés que si on avait des sixièmes en face de nous. C’est une situation ubuesque."
Au lycée, les agrégés sont les rois, à l’université, on est quantité négligeable.
Gilles Choisy, Collectif 384
Les ESAS font pourtant tourner l’Université. Ils sont quelques 13 000 en France. 200 à l’Université de Rennes 1 (qui compte les IUT de Lannion, de Saint-Brieuc ou Saint-Malo), une centaine à Rennes 2. Nous sommes 20% des enseignants et nous assurons 40% des enseignements.
Les ESAS en ont appelé au rectorat, aux députés, aux ministres, en vain ! Ce 21 juin au matin, 77 ESAS rennais, prenant la suite de leurs collègues de Rouen, Bordeaux ou Montpellier, ont donc annoncé qu’ils n’effectueraient plus aucune des tâches administratives pour lesquelles ils ne sont pas payés. En plein Parcoursup, cela pourrait générer une sacrée pagaille… et peut-être donc enfin une réaction politique.