La commission d'enquête parlementaire chargée de faire la lumière sur l'assassinat d'Yvan Colonna poursuit ses auditions. Ce jeudi, les députés entendaient notamment les inspecteurs généraux de la justice. En juillet dernier, ces derniers avaient produit un rapport qui pointait du doigt de graves dysfonctionnements. Rapport qui avait entraîné des poursuites disciplinaires contre l'ancienne directrice de la prison d'Arles ainsi qu'un agent.
Dixième audition en trois semaines. Ce jeudi 26 janvier, quatre représentants de l’inspection générale de la Justice ont été entendus par les députés de la commission d’enquête sur l’assassinat d’Yvan Colonna.
L’audition, qui a duré deux heures, a été ponctuée de moments importants. Pour Jean-Louis Daumas qui a réalisé le rapport publié en juillet : “l’assassinat d’Yvan Colonna, c’est la conjonction de trois facteurs.”
Les quelques fois où il manifeste un peu d’attention inquiète, c’est lorsqu’à deux reprises, il se tourne vers la porte de la salle pour voir si quelqu’un va entrer.
Jean-Louis Daumas, inspecteur général de la Justice
Le premier est le défaut de surveillance de l’agent pénitentiaire. Il lui est reproché une absence de 20 minutes, toujours inexpliquée à ce jour. Deuxième carence du point de vue de l’inspecteur : la défaillance du système de video surveillance. Ce dernier aurait ainsi dû pallier l’absence de l’agent.
De plus, selon Jean-Louis Daumas, le manque de formation aurait été tel que Franck Elong Abe, mis en examen pour l’assassinat d’Yvan Colonna, avait compris que les caméras ne représentaient pas de danger pour lui durant les faits. “Les quelques fois où il manifeste un peu d’attention inquiète, c’est ce qu’on voit sur l’écran, c’est lorsqu’à deux reprises, il se tourne vers la porte de la salle pour voir si quelqu’un va entrer. La porte est fermée et il est alerté deux fois”, explique l’inspecteur général de la Justice.
En dossier sans aucun élément lié à la dangerosité de l’accusé
Enfin, troisième et dernier facteur, le non-placement de Franck Elong Abé en quartier d’évaluation de la radicalisation (QER) malgré les quatre demandes formulées de manière unanime par une commission. L’inspecteur général de la Justice n’a pas eu de réponse de la directrice de l’établissement sur ce point.
En revanche, concernant le niveau de dangerosité de Franck Elong Abé, malgré une consultation de son dossier, il avoue être surpris et ne pas avoir trouvé d’éléments en ce sens. “Dans l’examen de toutes les pièces que l’on nous a données et des 63 auditions auxquelles nous avons procédé, rien ne nous permettait de dire que cet homme était en haut du spectre. À titre personnel, je vais même vous dire, pour avoir un peu travaillé avec ce type de public, je ne le pensais pas”, souligne Jean-Louis Daumas.
"Soit des choses n'ont pas été transmises, soit il y a dissimulation"
Selon nos informations, Laurent Nunez aurait confirmé que Franck Elong Abé était considéré comme “le haut du spectre du terrorisme islamiste” lors d’une audition à huis clos qui s’est tenue ce jeudi matin. Les propos de l’ancien coordonnateur national de la lutte contre le terrorisme rejoignent ceux qu’avaient tenu, mercredi et également à huis clos, le directeur de la direction générale de la sécurité intérieure, Nicolas Lerner.
Alors, comment la directrice de la prison et l’administration pénitentiaire pouvaient-elles ignorer cette information ? Jean-Félix Acquaviva, député de la 2e circonscription de Haute-Corse, se dit effaré. “Soit c’est la réalité, des choses n’ont pas été transmises, et là on est au-delà du dysfonctionnement concernant un profil qui visiblement est une exception au niveau du nombre d’incidents dans son parcours carcéral, une exception au niveau de son extrême dangerosité, et une exception aussi sur la gestion clémente dont il a fait état dans son emploi en auxiliaire mais aussi en son non-transfert de QER... Soit il y a dissimulation de tout ou partie des acteurs”, livre-t-il.
La semaine prochaine, le parquet national antiterroriste sera interrogé pour la première fois.