Dans le cadre de l’exercice du contrôle de légalité, le préfet de Corse a jugé irrecevable la modification du règlement intérieur de l’Assemblée. Notion de peuple corse et usage de la langue corse sont pour Pascal Lelarge "contraires à la Constitution".
Est-ce un ultime « cadeau » d’adieu de Pascal Lelarge au Conseil exécutif de Corse ? Ce mercredi, on a appris que le préfet de Corse a jugé irrecevable la modification du règlement intérieur de l’Assemblée de Corse. Voté le 16 décembre dernier dans l’hémicycle du cours Grandval, le texte portant sur la révision de ce règlement ne semble pas convenir du côté de la préfecture de région.
C’est ce qu’il ressort d’une lettre que Pascal Lelarge a adressée le 18 février à la présidente de l’Assemblée de Corse, Marie-Antoinette Maupertuis. Une date postérieure à l’annonce du départ du préfet et à la désignation de son successeur, Amaury de Saint-Quentin. Ce dernier prendra ses fonctions début mars dans l’île.
Dans ce courrier que France 3 Corse a pu consulter, Pascal Lelarge expose que "dans le cadre de l’exercice du contrôle de légalité qui [lui] incombe, [il] a examiné les modifications adoptées".
"Au terme de mon contrôle, je vous rappelle que bien qu’il soit reconnu un pouvoir réglementaire autonome au règlement intérieur, il ne peut contenir des inscriptions dérogeant aux règles de fonctionnement des assemblées délibérantes ou contraires aux principes généraux du droit."
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"Peuple corse"
Pour Pascal Lelarge, l’article 1er dans lequel il est écrit que « l’assemblée et le conseil exécutif sont garants du peuple corse » est irrecevable. "Au-delà de l’expression « peuple corse » qui fera l’objet d’un développement ultérieur, cette formulation apparaît en dehors du champ du règlement intérieur d’une assemblée, dans la mesure où elle porte aussi sur l’exécutif, qui n’est pas concerné par ce texte. […] Or, un règlement intérieur ne peut comporter que des mesures concernant le fonctionnement interne de l’institution concernée."
Quant au vocable « peuple corse » - qui ne figurait pas dans le règlement intérieur initial adopté le 22 juillet dernier -, le préfet "note qu’il est contraire à la notion de République une et indivisible inscrite à l’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958". En d’autres termes, sa notion n’est pas reconnue par l’État.
Pour appuyer son propos, Pascal Lelarge évoque une décision du Conseil Constitutionnel datant de 1991 qui "avait censuré la référence à un « peuple corse » en se fondant sur l’article 1er de la Constitution". "Il en résulte que la notion de peuple corse utilisée est contraire à la décision du Conseil constitutionnel", écrit-il.
"La langue de la République est le français"
L’autre formulation qu’il juge irrecevable fait également partie de l’article 1er du règlement de l’Assemblée de Corse. Elle aussi ne figurait pas dans la première version de juillet. Elle concerne l’usage du corse et du français dans l’hémicycle. "Il est précisé que les langues corse et française sont reconnues comme langue de débat", écrit le préfet.
Là encore, le représentant de l’État invoque deux articles de la Constitution. L’un rappelle que "la langue de la République est le français" et que "les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France ». L’autre stipule que « la langue française est la langue de l’enseignement, du travail, des échanges et des services publics".
Pour Pascal Lelarge, "ces dispositions concluent au caractère obligatoire de l’usage du français par les personnes morales de droit public, dont les collectivités". Le préfet prend l’exemple du règlement intérieur de l’assemblée de la Polynésie française. En 2006, le Conseil d’État avait censuré par un arrêt un article qui permettait à ses membres de s’exprimer dans une autre langue que le français en séance plénière.
En guise de conclusion, le préfet de Corse "précise que ce courrier vaut recours gracieux et de ce fait suspend les délais contentieux". En clair, il est demandé à l'Assemblée de Corse de modifier son règlement intérieur.
Cette lettre s’inscrit dans un contexte très tendu entre le représentant de l’État et le Conseil exécutif de Corse. Le 17 février, Gilles Simeoni avait d’ailleurs tenu une conférence de presse durant laquelle il avait vivement critiqué les agissements du préfet dans le cadre du mandatement d'office.
Daté du 18 février - soit le lendemain de cette conférence -, le courrier de Pascal Lelarge risque aussi d'alimenter les débats de la session de l'Assemblée de Corse qui s'ouvre ce jeudi.