Ce mercredi 9 mars, sur les réseaux sociaux, l'hebdomadaire Arritti a annoncé être de nouveau autorisé à publier ses annonces légales. Une publication qui lui était interdite depuis le 15 février dernier suite à une décision de l'ancien préfet, Pascal Lelarge.
Avec plus de 2700 numéros à son actif, Arritti est l'un des plus anciens hebdomadaires de Corse. Fondé en décembre 1966 par Max Simeoni, le journal d'opinion autonomiste cumule 56 ans de parution, l'ensemble assuré par des rédacteurs bénévoles.
Si durant quelques temps, l'organe de presse s'est vu retirer son habilitation à publier des annonces légales, il a annoncé, ce mercredi 9 mars, être de nouveau réhabilité sur décision de la préfecture de Corse-du-Sud.
Une des dernières décisions du préfet Lelarge
Les prémices de l'affaire remontent au 31 décembre, retracent les responsables de publication dans un communiqué. "La Préfecture de Corse du Sud a demandé des justifications complémentaires quant à la diffusion d’Arritti le 31 décembre 2021 à 16 heures … pour un arrêté préfectoral à prendre avant le 31 décembre à minuit. Et cela alors que le dossier était dans les services de la Préfecture depuis le 15 novembre et n’avait fait l’objet d’aucune réserve", soupirent les responsables dans un communiqué.
Une décision d'autant plus étonnante que le même problème ne se pose pas en Haute-Corse, où la préfecture a accepté l'habilitation du titre sans demander de justifications complémentaires. Début janvier, assurent l'équipe d'Arritti, des justificatifs sont présentés à la préfecture d'Ajaccio, "puis complétés encore courant janvier en réponse à de nouvelles demandes". "Depuis le 24 janvier, le dossier est resté en attente d’une décision définitive qui est tombée le 15 février 2022, jour du départ du Préfet Lelarge : la Préfecture de Corse du Sud a définitivement refusé d’habiliter Arritti pour la publication des annonces légales en 2022."
Coup dur pour les finances du journal
Un coup dur pour le journal, quand ces annonces légales représentent une source de revenue non-négligeable, de l'ordre de vingt mille euros sur son chiffre d'affaires annuel. Plus qu'un trou dans les caisses, cette décision, assure le communiqué, menace tout simplement " la continuité de parution" d'Arritti.
Et un " acte politique grave", estime le député de la seconde circonscription de Haute-Corse Jean-Félix Acquaviva, dans un tweet, dans un contexte de tension avec la majorité territoriale, avec le mandatement d'office engagé par la préfecture dans le dossier du contentieux avec la Corsica Ferries, pour le règlement des 9,2 millions d'euros d'intérêts non-versés à la compagnie maritime.
Les messages ne viennent pas uniquement du côté des nationalistes.
Dans un tweet, le maire de Bonifacio, Jean-Charles Orsucci, a fait savoir qu'il apportait tout son soutien à Arriti, et qu'il proposera en conseil municipal que sa commune apporte une aide financière exceptionnelle au journal.
Un niveau de diffusion insuffisant selon la préfecture
Contactée, la préfecture de Corse-du-Sud écarte l'idée de toute dimension politique, et indique que " pour être habilité à la publication d’annonces légales, il faut justifier d’un certain niveau de diffusion." Or, sur la base des éléments fournis par le journal, " les services ont considéré que le niveau de diffusion n’était pas atteint en Corse-du-Sud, d’où la demande de justificatifs complémentaires", précisant que " le contradictoire avec le journal est à ce jour toujours ouvert, et contrairement à ce qui est dit, il n’y a pour l’instant pas de rejet définitif."
Un argument qui n'en est pas un pour Fabienne Giovannini, rédactrice en chef d'Arritti. " La diffusion, c'est un prétexte. Elle était bonne l'année dernière, l'année d'avant, et celle d'avant encore. Cela fait des années que malgré la montée en charge des réseaux sociaux et la difficulté que rencontre la presse écrite, nous gardons une diffusion stable. Donc je ne vois pas pourquoi cette année cela poserait problème, et précisément en Corse-du-Sud mais pas en Haute-Corse."
Pas question pour le journal de baisser les bras pour autant : l'équipe indique avoir décidé de continuer sa parution. " Pour nous, ça va être très difficile, on ne le cache pas. Mais Arritti a l'habitude de la lutte, poursuit Fabienne Giovannini. Nous sommes aux côtés de toutes les luttes du peuple Corse depuis maintenant 56 ans. On va se retrousser les manches et on va rester debout. Mais on ne se taira pas en tous cas, ça, c'est sûr."
Dossier trop léger ou cadeau d'adieu du préfet Lelarge, la direction de l'hebdomadaire a d'ores et déjà annoncé qu'elle usera de tous les recours possibles pour récupérer l'habilitation à publier les annonces légales.
Communiqué de la préfecture
Mercredi 23 février, la préfecture de Corse a publié un communiqué de presse. Un texte dans lequel elle explique pourquoi elle n'a pour l'instant pas renouvelé l'habilitation des annonces légales pour l'hebdomadaire : "Une première analyse des éléments transmis par le journal ne permettait pas de justifier du minimum de diffusion payante correspondant à une vente effective au public requis en Corse du Sud, fixé à 800 exemplaires par l'annexe du décret n° 2019-1216 du 21 novembre 2019 relatif aux annonces judiciaires et légales. La préfecture a alors demandé des précisions complémentaires, en particulier afin de distinguer les ventes en Corse-du-Sud de celles de la Haute-Corse, le chiffre communiqué étant global pour l’ensemble de la Corse (1400 exemplaires). Des éléments nouveaux ont depuis été transmis par le journal, notamment sur le nombre d'exemplaires vendus à la criée dans la rue, dans les bars-restaurants ou devant les supermarchés. Ces chiffres étant toujours en cours d'examen, l’habilitation n’est donc pas renouvelée à ce stade. Toutefois, aucune décision de refus d’habilitation n’a été prise."