Le préfet de Corse Pascal Lelarge a engagé, mardi 15 février, une "procédure de mandatement d'office" pour contraindre la Collectivité de Corse à payer 9,2 millions d'euros à la compagnie maritime Corsica Ferries. Une décision "scandaleuse" pour la majorité territoriale.
C'est officiel : le préfet Pascal Lelarge quitte ses fonctions en Corse. Un départ accueilli avec un certain enthousiasme du côté des nationalistes, tant les conflits avec la Collectivité de Corse, nombreux, auront rythmé les presque vingt mois d'activité sur l'île du représentant de l'Etat.
Dernier en date et pas des moindre : le dossier autour du contentieux entre la CDC et la Corsica Ferries.
Dossier pour lequel le préfet a tenu, jusqu'au dernier moment, à adopter une posture stricte et une main de fer, en lançant ce mardi 15 février - date d'annonce dans de son départ dans le Journal Officiel -, "une procédure de mandatement d'office" pour contraindre la Collectivité à payer les 9,2 millions d'euros restants, correspondants aux intérêts cumulés pour retard de paiement.
Procédure "scandaleuse" pour la majorité territoriale
Une décision préfectorale "scandaleuse" pour Fà Populu Inseme. Sur les réseaux sociaux, le groupe de la majorité territoriale à l'Assemblée de Corse s'emporte : "Alors que la majorité territoriale montre depuis des mois sa volonté de dialogue et a fait des propositions pour éviter le paiement des intérêts, le Préfet Lelarge fait un cadeau juste avant son départ en mandatant d’office 10M€, qui manqueront au budget de la CdC. Un scandalu !"
"Monsieur Lelarge est allé jusqu'au bout contre l'intérêt des Corses", cingle de son côté Jean-Félix Acquaviva, député Femu a Corsica de la seconde circonscription de Haute-Corse. "Mandater sans négocier, pour satisfaire des intérêts privés au détriment de la bonne gestion des deniers publics alors que la négociation était possible, démontre que sur le plan moral ce monsieur ne vaut rien."
Contacté, Pierre Mattei, président de la Corsica Ferries, confirme que la compagnie a reçu le paiement de 86,3 millions d'euros, sans les intérêts, sans souhaiter s'exprimer plus longuement sur le sujet.
Bras de fer entre la préfecture et la Collectivité
Pour rappel, dans cette affaire, la CDC a été définitivement condamnée par le Conseil d'Etat à verser 86,3 millions d'euros à la compagnie maritime, en réparation du préjudice lié au "subventionnement illégal" de sa concurrente, l'ex SNCM [Société nationale Corse méditerranée], sur la période 2007-2013.
Indemnité dont la Collectivité a longtemps refusé de s'acquitter, estimant une responsabilité "politique et juridique totale" de l'Etat dans cette affaire, et réclamant de fait une participation du gouvernement. Une position qui avait intensifié le bras de fer entre la majorité territoriale et le préfet, ce dernier sommant mi-novembre 2021 la CDC de budgéter le montant de l'indemnisation, sans quoi il procéderait "au mandatement d'office de la somme correspondante".
En décembre, l'Etat s'engage par le biais d'une délibération à verser 50 millions d'euros - via le PTIC - à la Collectivité de Corse dans ce dossier, somme qu'elle n'a à ce jour pas encore perçu. Le 10 février, dernier jour du délai de règlement, la CDC paye finalement sa dette à la Corsica Ferries, en piochant pour se faire dans l'enveloppe de continuité territoriale annuellement attribuée par l'Etat. Cela sans abonder pour autant les intérêts réclamés pour défaut de paiement dans les temps, dont la CDC réclame l'annulation.
Pascal Lelarge s'en va, bientôt remplacé par le nouveau préfet Amaury de Saint-Quentin. Mais il est à parier que le souvenir de son action restera pour quelque temps encore dans la mémoire des élus insulaires, et tout particulièrement le camp nationaliste.