L'Assemblée de Corse a adopté à la majorité une proposition d'écriture constitutionnelle pour un statut d'autonomie de la Corse au sein de la République. Le processus avant une possible application de cette mesure sur l'île reste néanmoins encore long, et la partie n'est pas gagnée.
Le 27 mars dernier, l'Assemblée de Corse adoptait à la large majorité l'écriture constitutionnelle prévoyant une autonomie de la Corse. Un pas de plus vers la création d'un nouveau statut pour l'île... Mais le chemin avant sa possible mise en place reste encore long, et gradué de diverses étapes institutionnelles.
Examen par le Parlement
La première : l'examen de la proposition d'écriture constitutionnelle adoptée par l'ADC par le président de la République. Ce dernier se saisira de celle-ci pour établir son propre texte. Une rencontre avec les élus insulaires pourrait se tenir dans ce cadre.
Une fois le texte décidé, Emmanuel Macron présentera lui-même le projet de révision constitutionnelle au Parlement. Dans le meilleur des cas, le projet de loi pourrait être débattu avant l'été au Sénat puis à l'Assemblée nationale.
Problème, le texte validé par les élus insulaires ne fait pas l'unanimité. La droite, groupe le plus fourni au Sénat, a déjà fait part de son hostilité à cette réforme constitutionnelle. Or, pour être adopté, le document devra être adopté dans les mêmes termes par les deux assemblées parlementaires. Dans le cas contraire, il sera de nouveau examiné, ce qui pourrait représenter une difficulté supplémentaire.
Pour la délégation insulaire, il s'agit donc de trouver les arguments pour convaincre les parlementaires. Si le texte venait à être validé par le Sénat et l'Assemblée nationale en premier examen, le Congrès pourrait alors être réuni dès septembre. Il faudra alors que le projet obtienne l'approbation à la majorité des 3/5e des suffrages exprimés.
Référendum régional
En cas d'adoption du texte, les Corses seraient alors consultés à travers un référendum régional. Une étape jugée essentielle par le gouvernement comme les élus de l'Assemblée de Corse.
Un pareil vote s'est déjà tenu par le passé concernant l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie. Trois référendums successifs avaient été organisés, et les seuls les habitants du territoire avaient été sollicités, autour d'une question : "Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ?". Le non l'avait emporté au troisième scrutin à 96,50% des suffrages exprimés, pour une participation de 43,87%.
Cette date de consultation populaire sur le texte n’est à ce jour pas fixée.
Loi organique
Un vote positif des Corses pour la mise en œuvre d'un statut d'autonomie au sein de la République pour l'île enclencherait la dernière étape et pas des moindres : l'établissement une loi organique. Un travail qui n'interviendra au plus tôt, pas avant la fin de l'année 2024 ou le début de l'année 2025.
C'est cette loi organique qui définira véritablement le contenu du statut d'autonomie de l'île. Définies à l’article 46 de la Constitution, ces lois se situent au-dessus des lois ordinaires, mais sous les lois constitutionnelles dans la hiérarchie des normes.
Elles n’interviennent que dans les domaines et pour les objets limitativement énumérés par la Constitution, et visent à préciser ou compléter les dispositions constitutionnelles concernant l’organisation et le fonctionnement des pouvoirs publics.
L'adoption d'une loi organique ne se fait pas du jour au lendemain : il s'écoule un délai d'au moins six semaines entre le dépôt d’un projet ou d’une proposition de loi organique et son examen en séance publique devant la première assemblée saisie, et quatre semaines pour la seconde assemblée saisie.
En cas de recours à la procédure accélérée, un délai minimal de quinze jours s’applique à un texte de nature organique entre son dépôt et son examen en séance publique dans la première assemblée saisie. Un délai minimal qui n'existe pas pour les autres textes législatifs, indique le site vie-publique.
Lors de la procédure parlementaire, en cas de désaccord du Sénat, la loi organique doit être adoptée par l’Assemblée nationale à la majorité absolue. Le texte une fois adopté est automatiquement transmis au Conseil constitutionnel, chargé de juger s'il est ou non conforme à la Constitution.
C'est seulement après la décision et l'aval du Conseil constitutionnel qu'une loi organique peut être promulguée. À la suite de quoi, enfin, le nouveau statut d'autonomie, tel qu'il a été voté par les élus de l'Assemblée territoriale, ou tel qu'il s'est trouvé modifié au cours de son chemin législatif, pourra être appliqué en Corse.