Claude Chossat est renvoyé devant la cour d’assises d’Aix-en-Provence pour le meurtre de Richard Casanova en 2008 à Porto-Vecchio. Un crime qu’il a toujours attribué à Francis Mariani, pilier du grand banditisme, dont Chossat était le chauffeur.
Ses yeux parcourent le courrier adressé par le juge d’instruction de la juridiction interrégionale spécialisée (Jirs) de Marseille à son avocat. Quelques lignes à l’encre noire sur une feuille format A4 à en-tête du ministère de la justice.
La missive convoque son passé d’ancien garde du corps de Francis Mariani, mort dans l’explosion d’une grange à Aléria en Janvier 2009.
Du 28 Octobre au 8 Novembre prochain, Claude Chossat comparaît devant la cour d’assises d’Aix-en-Provence, pour un crime qu’il dit ne pas avoir commis.
Assis sur un banc, dans un parc baigné de soleil, l’homme s’exprime d’une voix douce et posée. Il nous reçoit quelque part en France, un lieu de passage, le temps de quelques confidences avant de repartir, l’ombre de son ancienne vie aux trousses. Pour le meurtre de Richard Casanova, il risque la réclusion criminelle à perpétuité.
L’engrenage
C’était il y a 11 ans. A l’époque il vit dangereusement dans le sillage de Francis Mariani, baron de la brise de mer. Le gang, fondé au début des années 80 est décimé par une guerre interne qui dévore ses membres les uns après les autres.Les balles pleuvent, les intérêts financiers, les haines recuites, l’honneur bafoué, les jalousies servent de mobile. Ce 23 Avril 2008, le duo Mariani - Chossat est à Porto-Vecchio. Dans ses confidences à la justice, le repenti narre leur présence ce jour-là : « Nous étions en repérage, Francis Mariani voulait enlever un proche de Jean-Luc Germani pour le faire parler, pour qu’il lui dise où se trouvait Germani. »
Entre les deux hommes c’est une guerre au finish qui se joue. Francis Mariani est persuadé que c’est Jean-Luc Germani qui a tenté de le tuer en 2007, explique encore Chossat.
Mais cette épopée va faire une victime collatérale : Richard Casanova, foudroyé par une salve de fusil d’assaut tiré depuis un muret derrière lequel Francis Mariani s’était caché, selon la version de Claude Chossat.
Casanova, arrivé de manière fortuite n’était pas n’importe qui. C’était le beau-frère de Jean-Luc Germani. Dans la nébuleuse du grand banditisme Corse, Casanova occupait une place à part. Au fil du temps, il avait tissé un puissant relationnel dans le monde des affaires.
L’ADN de Chossat
Sur la scène de crime, les enquêteurs de la police judiciaire vont très vite repérer le poste de tir. Un muret caché par des arbustes qui donne sur un parking. Le tireur se serait servi d’une grosse pierre posée au pied du mur sur laquelle il serait monté pour tirer. Sur cette pierre, la police scientifique va isoler l’ADN de Claude Chossat.En garde à vue, puis devant les juges d’instruction Chossat reconnaît avoir manipulé cette pierre. « J’ai installé un poste d’observation pour surveiller l’homme que nous devions enlever, dit-il. Je ne savais pas qu’il servirait de poste de tir. Quand les coups de feu ont claqué je n’étais pas présent j’étais dans une voiture. »
Pour la justice, Claude Chossat est coauteur de l’assassinat de Richard Casanova. Impossible de confronter sa version des faits avec celle de Francis Mariani, mort 8 mois après l’assassinat.
Claude Chossat, repenti du grand banditisme sans en avoir le statut officiel espérait un autre épilogue judiciaire. En échange de ses confidences sur les coulisses du banditisme Corse, il dit avoir passé un accord avec les magistrats de la Jirs de Marseille, la juridiction interrégionale spécialisée, en charge de la lutte contre le crime organisé.
« On m’avait dit de ne pas m’inquiéter, qu’en échange de ma collaboration avec la justice, les poursuites dans le dossier Casanova seraient atténuées », raconte Chossat, amer.
Une version contestée par Claude Choquet ancien magistrat à la Jirs de Marseille. « Je n’ai pas pu donner cette assurance, c’est exclu, explique-t-il. Ces engagements seraient irréalisables. »
Sans accord écrit, Claude Chossat sait qu’il ne pourra se prévaloir de propos tenus dans le huis-clos d’un cabinet d’instruction. Lui, le repenti, sera un justiciable ordinaire, sommé de s’expliquer dans un dossier balayé par le dernier souffle de la brise de mer.