Dans un courrier que France 3 Corse ViaStella a pu consulter, les deux députés insulaires saisissent le procureur de la République de Tarascon. Le président et rapporteur de la commission parlementaire dénoncent les nombreux dysfonctionnements révélés par leurs travaux, dont un possible effacement de données émanant d'un logiciel de surveillance.
Jean-Félix Acquaviva et Laurent Marcangeli, respectivement président et rapporteur de la commission parlementaire chargée d'enquêter sur les conditions ayant mené à l'assassinat d'Yvan Colonna par son codétenu, le 2 mars 2022, avaient indiqué, lors de la présentation des conclusions des travaux, s'en réserver la possibilité.
C'est chose faite : dans une lettre datée du 5 juillet - que France 3 Corse ViaStella a pu se procurer -, les deux députés insulaires activent l'article 40 du code de procédure pénale, et portent à la connaissance du procureur de la République de Tarascon, juridiction dont dépend la maison centrale d'Arles, l'existence de faits "pouvant constituer une infraction".
"Dans le cadre des travaux de la commission d'enquête parlementaire précitée, lors d'une audition sous serment le 4 avril 2023, une surveillante de la maison centrale d'Arles a indiqué, à plusieurs reprises en réponse à nos questions précises réitérées, avoir reporté dans le logiciel Genesis des faits importants", écrivent ainsi les deux parlementaires. "Cette dernière affirme avoir notifié dans le logiciel prévu à cet effet le changement d'attitude du détenu Frack Elong Abé [...], qu'elle avait constaté depuis plusieurs semaines avant cette date. Elle déclare par ailleurs que celui-ci "faisait le vide" dans sa cellule."
"Il est de notre devoir de vous signaler ce dysfonctionnement majeur et un possible effacement volontaire de données relevant donc d'une infraction pénale."
Des observations qui n'ont justement pas été constatées par les députés ni dans le logiciel Genesis, dans lequel doivent pourtant normalement figurer tous les événements relatifs à la vie carcérale des détenus, ni dans "l'onglet complémentaire transmis par la direction de l'Administration pénitentiaire", après demandes répétées de la commission parlementaire.
"Il est de notre devoir, estiment Jean-Félix Acquaviva et Laurent Marcangeli, de vous signaler ce dysfonctionnement majeur et un possible effacement volontaire de données relevant donc d'une infraction pénale."
"Si ces agissements venaient à être vérifiés à la suite des investigations menées sous votre autorité, il nous incombe également de vous signaler des faits de non-assistance à personne en danger" ayant entraîné la mort d'Yvan Colonna, insistent les deux députés.
Traitements différenciés et dysfonctionnements de l'administration pénitentiaire
Pour rappel, les conclusions de la commission avaient été présentées fin mai dernier par le président et le rapporteur. Il ressort de ces six mois de travaux, au cours desquels 37 auditions ont été menées et 71 personnes entendues, du directeur de l’administration pénitentiaire d’Arles, à l’ancien Premier ministre Jean Castex et aux ex-gardes des Sceaux Nicole Belloubet et Christiane Taubira, un document de 218 pages.
À l’intérieur sont longuement détaillées les conditions de cette agression mortelle, ainsi que les "responsabilités, les inactions et les erreurs qui ont été commises par les différentes autorités concernées dans la gestion des parcours carcéraux respectifs d’Yvan Colonna et de son agresseur, Franck Elong Abé".
Le rapport pointe notamment les différences de traitement entre les deux détenus, pourtant tous deux soumis au statut de détenus particulièrement signalés (DPS), et de graves dysfonctionnements et défaillances de l'administration pénitentiaire. Parmi celles-ci, notamment, un défaut de vigilance généralisé de l’établissement carcéral, un nombre insuffisant de personnels et un manque de réactivité de ces derniers au moment de l’agression, et une mauvaise gestion, notamment, de l’ancienne directrice, Corinne Puglierini.