La communauté de communes Pasquale Paoli s'est réunie en conseil communautaire, lundi 25 juillet. Une séance particulière, un mois seulement après la publication du rapport de la CRC qui épingle son budget primitif. L'occasion d'échanges d'amabilités et de débats houleux entre majorité et élus de l'opposition.
"C'était encore sportif, aujourd'hui..." L'air un brin soulagé, mais sans se départir de son sourire, Cathy Cognetti, conclut, après plus de deux heures de débats, le conseil communautaire de la communauté de communes Pasquale Paoli, ce lundi 25 juillet. Présidente par intérim de la CCPP, c'est elle qui a animé, cette fois encore, la séance, en l'absence de François Sargentini.
Une session tenue dans un cadre particulier : fin juin, un rapport de la Chambre régionale des comptes (CRC), saisie par le préfet de Haute-Corse, a ainsi épinglé le budget primitif voté par la CCPP. Plus récemment, les gendarmes de la brigade financière ont eux menés des perquisitions au sein des locaux de la communauté de communes à Francardo.
Deux événements largement évoqués au fil des discussions, marquées par plusieurs passes d'armes entre majorité et élus de l'opposition.
L'insoluble problème des déchets
Dans un courrier lu en ouverture de séance, François Sargentini, président de la CCPP, absent de longue date pour raison de santé et donc excusé, encourage les élus et représentants municipaux à voter en faveur de l'augmentation de 30 à 35 euros selon les communes de la redevance d'enlèvement des ordures ménagères (Reom) en 2022, comme suggéré par la CRC dans son rapport.
Au-delà, le président indique faire le souhait, "afin de sortir de l'urgence" dans laquelle se trouve la CCPP, d'échanges "fructueux et apaisés" lors de cette assemblée. Peine perdue pour ce second point : premier à faire feu, dès la fin de lecture du courrier, Jacques Costa, maire de Moltifao.
Pourtant vice-président et membre de la majorité, l'élu reproche une gestion lacunaire de la communauté de communes. En insistant tout particulièrement sur l'épineuse question du ramassage des ordures et déchets ménagers, souvent critiquée parmi les élus et habitants de la CCPP.
Je ne vous demande pas de me faire une église ni une chapelle. Je vous demande juste de ramasser les ordures.
Jacques Costa, maire de Moltifao
"L'an dernier, on avait déjà des problèmes, et ça ne s'améliore toujours pas, déplore Jacques Costa. Ce matin, je pars à 8h30 de Moltifao, et [les poubelles] débordaient de partout. On a des usagers qui viennent à la mairie pour se plaindre : vous imaginez, avec des températures de 45 degrés, les odeurs... Aujourd'hui, nous avons un ramassage par semaine. Il devrait y en avoir trois. Je peux comprendre l'hiver, en période creuse, mais pas en période estivale. Nous sommes fin juillet, et nous ne voyons aucune amélioration, bien au contraire."
Le maire de Moltifao, poursuit, amer : "Je ne vous demande pas de me faire une église ni une chapelle. Je vous demande juste de ramasser les ordures. On ne peut pas continuer comme ça. [...] On devait passer au porte à porte, dans les plaines de Moltifao au mois d'octobre 2020. Nous sommes en juillet 2022, et le porte à porte, ùn ci n'hè indocu."
Cathy Cognetti lui tend, documents à l'appui, les tracés des passages de collecte d'ordure dans les différentes communes. "Avec l'été et la plus forte affluence, nous sommes obligés de refaire les calendriers", admet-t-elle, soulignant aussi un certain manque de main d'œuvre, du fait des arrêts maladies de six agents, "ce pour quoi nous sommes forcés de prendre des intermittents". "S'il y a eu des désagréments sur certaines tournées, on s'en excuse, mais nous avons fait le job", assure la présidente par intérim.
Excédé, Jacques Costa quitte finalement la salle, sous les applaudissements de quelques élus de l'opposition. Parmi ceux-ci, Pierre Olmeta, maire de Bisinchi, qui dénonce deux courriers envoyés par Cathy Cognetti aux maires de la CCPP : le premier, une convocation pour le conseil communautaire, pour un défaut de forme administrative, car signée par François Sargentini plutôt que par Cathy Cognetti, présidente effective de session.
Le second, cette fois "plus grave", une lettre cette fois bien signée par la présidente par intérim, abordant notamment les perquisitions menées mardi 19 juillet par la brigade financière. Feuille en main, il en récite des extraits : "Vous donnez des informations sur un marché qui ferait l'objet de l'attention de la justice, ça, je n'ai rien à dire", entame-t-il. "Puis après, vous dites : 'les raisons exactes qui ont amené le procureur à faire cette enquête seront connues ultérieurement, mais elles ne concernent en rien le contrôle réalisé par la Chambre régionale des comptes. Cette action ne sert qu'à jeter encore une fois le discrédit sur notre intercommunalité'."
Je ne peux pas soutenir quand on me dit qu'il y a une machination du procureur de la République.
Pierre Olmeta, maire de Bisinchi
Des propos qui font tiquer l'élu. "Moi, je vais vous demander des explications claires sur votre écrit : c'est quelle action qui jette le discrédit ? Celle du procureur de la République, qui mène indépendamment les actions qu'il doit mener ? Il faut mesurer les propos. Ou alors vous avez des informations graves, et alors il faut les donner au conseil, mais je ne peux pas soutenir quand on me dit qu'il y a une machination du procureur de la République."
Pierre Olmeta reprend, cette fois sur la question des ordures ménagères. "Moi je suis d'accord avec monsieur Costa, on ne peut pas continuer comme cela. On va dans le mur depuis trois ans avec des augmentations régulières. Le président nous demande de voter 30 euros supplémentaires, mais au nom de quoi ? Nous dire le président écrit, il faut lui faire plaisir, ce n'est pas une bonne réponse." Cette augmentation annuelle, note-t-il, devrait également être suivie par une autre l'an prochain, à hauteur cette fois d'une centaine d'euros.
Assis à sa droite, Christian Moracchini, maire de Valle-di-Rostino, l'annonce calmement : "Moi, je ne voterai pas ce point, parce que je pense à mes administrés. Cette augmentation, elle est inéluctable, je suis d'accord, mais on ne peut pas faire d'augmentation sans service rendu. Moi, j'ai des administrés qui sont dans la précarité. 30 euros, ils pourront sûrement les payer cette année, mais l'augmentation de l'année prochaine ils ne pourront pas la payer, ce n'est pas possible."
Lui souhaite se "tourner vers l'avenir" : "il y a des discussions entre l'Etat les membres du conseil exécutif. Il faut en profiter pour prendre rendez-vous avec monsieur le Préfet, et scinder cette communauté de communes en deux, voire en trois". "Même quatre", suggère-t-on au fond de la salle. Le maire de Valle-di-Rostino appelle également à "récupérer certaines compétences", notamment l'eau et l'assainissement, "parce que si en 2026, la compétence eau et assainissement arrive sur l'autel des communes, c'est la mort de nos villages".
"Justement, répond Cathy Cognetti, ce rapport de CRC peut aussi nous servir à démontrer que structurellement, on ne peut pas fonctionner comme cela".
"Il ne vous aura fallu qu'à peine deux ans pour nous emmener droit dans le mur"
Un point de crispation évacué fait aussitôt place à un autre : temps de travail des agents de collecte de la CCPP, déséquilibre du budget, appel au passage à la taxe d'ordures ménagères pour remplacer la redevance... Tant de sujets polémiques au sein de l'assemblée, et de réponses de la présidence jugées insuffisantes qui motivent le maire d'Alzi, Simon Venturini, à appeler à la démission du duo François Sargentini - Cathy Cognetti.
"Il ne vous aura fallu qu'à peine deux ans pour nous emmener droit dans le mur", peste-t-il. "Je vois que vous n'avez pas digéré de ne pas être reconduit comme vice-président [Simon Venturini était vice-président sous la précédente mandature de Paulu-Santu Parigi, ndlr]", assène Cathy Cognetti en réponse.
"Vous êtes à côté de la plaque. Ce n'est pas contre moi que vous vous êtes présentés en 2020. Vous êtes incompétente. Je vous ai pratiqué quand vous étiez conseillère départementale, poursuit Simon Venturini, je connais vos limites. Vous ne connaissez pas les miennes."
"Je vais éviter de faire étalage de vos compétences", tranche Cathy Cognetti. Un règlement de compte qui clôture, à peu de choses près, ces discussions musclées, et sonne l'entame de l'énoncé de l'ordre du jour, plus d'une heure et quart après l'ouverture de séancedu conseil communautaire.
L'augmentation de la Reom adoptée
Le premier rapport, portant sur une décision modificative du budget général suivant les préconisations de la CRC, est adopté, au même titre que le report à octobre 2022 du vote de l'augmentation de la redevance d'ordures ménagères pour l'an prochain. "Je ne vois pas vraiment ce qui va changer en deux mois et demi", souffle Pierre Olmeta. La réintégration au sein du budget des flux professionnels avec les arrêts maladies, et de la Reom des professionnels, oubliée dans son rapport par la CRC, glisse Cathy Cognetti. "Ce qui augmente la recette totale de 100.000 euros", précise-t-elle.
Les trois rapports suivants, y compris celui sur la hausse de la Reom pour les particuliers, sont également adoptés. Les deux derniers points, ne nécessitant finalement pas de délibération, sont eux annulés.
Nous attendons les retours mais nous sommes vraiment confiants sur la suite à donner à cette affaire, et sur la suite tout court pour nous.
Cathy Cognetti, présidente par intérim de la CCPP
Une petite victoire pour la majorité. "C'est difficile, quand vous ne représentez que depuis cinq mois le président, indique Cathy Cognetti. Mais on a une bonne équipe de travail. La perquisition nous a certes tous affectés, elle concerne d'ailleurs un seul marché public et non pas plusieurs comme cela a pu être dit dans la presse. Nous attendons les retours mais nous sommes vraiment confiants sur la suite à donner à cette affaire, et sur la suite tout court pour nous."
Au sein de l'opposition, où certains ont espéré un temps une annulation du vote faute de votants suffisants - un souhait qui ne s'est pas réalisé, le quorum étant bien atteint -, on souffle malgré tout aussi sa satisfaction. "On voit bien que la majorité se réduit au fur et à mesure des conseils communautaires. Là, on a un élu de la majorité qui est même parti en début de séance, c'est un signe fort", se félicite Pierre Olmeta.
Une assurance : entre les démêlés judiciaires, déboires financiers et élus d'oppositions : le calme ne semble pas près de revenir au sein de la communauté de communes Pasquale Paoli.