Pas de décision sur la réouverture des cafés et restaurants avant fin mai a annoncé Emmanuel Macron, lors d’une réunion avec les représentants de la profession. Des mesures économiques sont annoncées, selon la profession la crise lui a fait perdre 91% de son chiffre d’affaire.
Sur le vieux port de Bastia, baigné de soleil, les chaises des restaurants sont empilées les unes sur les autres. Les embruns qui se sont déposés sur les vitres des établissements dessinent des motifs informes, parfois presque impressionnistes.
Les toiles des pergolas claquent au vent, certaines sont déchirées et flottent comme des étendards mités. La dernière fois que des clients se sont installés ici pour diner, c’était le samedi 14 mars. Entre deux bouchées, ils assistaient presque incrédules au discours du Premier ministre, qui, la mine grave, leur annonçait la fermeture de tous les commerces non-essentiels, pour lutter contre la propagation du coronavirus.
Pris de court, les patrons de restaurants et de cafés ont tout juste eu le temps de s’organiser. Après le dernier « Coup de feu en cuisine » Il a fallu, à la hâte, vider les stocks, se débarrasser des denrées périssables, mettre les salariés au chômage.
Cauchemar en cuisine
Après 45 jours de fermeture, pour faire face aux charges fixes, loyers, crédits, certains se sont lancés dans la vente à emporter : un menu mis en ligne sur les réseaux sociaux, avec un numéro de téléphone pour passer commande et se faire livrer à domicile.
Quelques centaines d’euros dans le tiroir-caisse à la fin de la journée, juste de quoi conserver un semblant d’activité, mais insuffisant pour espérer sauver une affaire si le travail ne reprend pas très vite. D’autres, s’occupent en effectuant de petits travaux, ceux qui étaient sans cesse différés quand le chiffre d’affaire leur donnait le sourire. Un coup de peinture, le nettoyage des cuisines, rien de très onéreux, l’avenir reste incertain et il serait imprudent d’investir.
Car le début du déconfinement, ne signifie pas que le 11 mai prochain, date envisagée par le gouvernement, nous pourrons à nouveau nous asseoir à la terrasse d’un restaurant ou d’un café. Le président de la République s’est entretenu vendredi avec les principaux représentants de la profession. Emmanuel Macron a dépeint « un virus qui n’aime pas l’art de vivre à la Française », un bon mot du chef de l’Etat, pour décrire toute la symbolique que représente un repas au restaurant : la convivialité, le lien social, mais aussi le savoir-faire de ceux qui confectionnent les plats que nous dégustons. Les restaurateurs et les cafetiers, devront attendre la fin du mois de mai, pour savoir à quelle sauce ils seront mangés, à quelle date ils pourront éventuellement ouvrir et surtout dans quelles conditions.
Décision fin mai
Le Covid-19, se propage par contacts humains, passer un long moment au restaurant n’est donc pas recommandé et pourrait même contribuer à relancer l’épidémie, la fameuse seconde vague, tant redoutée par les scientifiques. Mais au-delà du calendrier, ce sont surtout les conditions d’ouverture qui pour l’instant laissent les professionnels dans l’expectative.
Combien de tables ? Quel espace minimum entre chaque client ? Faudra-t-il du gel hydroalcoolique à l’entrée des établissements afin que les personnes se désinfectent les mains avant de s’installer ? Le personnel devra-t-il porter des masques ? Pour l’instant il y a plus de questions que de réponses, la doctrine est en cours de rédaction dans les différents ministères et la profession s’interroge.
Ce restaurateur de Bastia, joint par nos soins, dit qu’il va attendre les annonces du gouvernement avant de se décider : « En fonction de certains paramètres, je risque de ne pas ouvrir ; si c’est pour faire 20 couverts par jour et avoir plus de frais que de recette, ça ne m’intéresse pas » .
Un autre explique que l’absence de touristes risque de compliquer encore plus la donne. « Notre chiffre d’affaire sera déjà impacté, car forcément on va nous demander de mettre moins de tables, afin de respecter une distance minimum entre les clients, mais si en plus il n’y a pas de touristes, parce que les gens ne seront pas autorisés à voyager ou par ce qu’ils auront peur de venir, plusieurs d’entre nous risquent de disparaitre ».
Ce qui va également passer au « Chinois », cette passoire conique servant au filtrage en cuisine , ce sont les soirées à thèmes. Les musiciens qui entonnent le répertoire de la chanson corse pour égayer le repas des convives. Le DJ, qui mixe les derniers tubes dans les établissements branchés de Porto-Vecchio ou de la rive sud d’Ajaccio. Avec moins de tables autorisés, les cafés et restaurants ne feront sans doute pas appel à ces prestataires cet été et c’est toute une filière, celle du spectacle qui va trinquer.
La restauration va donc apprendre à vivre dans le monde d’après elle aussi. Sous perfusion économique, elle va bénéficier de mesures annoncées par le président de la république, lors de la réunion de vendredi. L’objectif a dit Emmanuel Macron, est de « compenser les coûts fixes, réfléchir à des dispositions pour accompagner les entreprises » a encore indiqué le chef de l’Etat.
C’est son ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, qui a détaillé le programme à la fin de la réunion : accès au fond de soutien pour les entreprises de restauration et plan d’aide spécifique, comme pour les autres secteurs touchés par la crise sanitaire.
Les plans, les annonces et les mesures ne sauveront cependant pas tout le monde, même si personne n’ose le dire. Selon les chiffres de l’Insee, la crise du coronavirus a déjà fait perdre 91% de chiffre d’affaire au secteur de la restauration.
De la crêperie de Balagne, au restaurant 3 étoiles de Bonifacio, combien seront encore là à la fin de la saison ?