Coronavirus : familles et associations alertent sur la situation des « prisonniers politiques » corses

Prisons surpeuplées, difficultés à adopter les gestes barrières en détention, manque de matériel de protection et promiscuité : la situation des détenus en temps de crise sanitaire inquiète. Les proches des prisonniers dits politiques tirent la sonnette d’alarme.

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La prison en temps de Covid 19 ? « C’est la merde, résume un détenu corse incarcéré sur le Continent. Toutes les activités sont annulées, mais on nous envoie en promenade tous ensemble le matin et l’après-midi. Donc si quelqu’un a le virus, on l’attrape tous ». 

Même chose pour l’accès au téléphone dans une très grande maison d’arrêt de France : « Ils nous laissent aller aux cabines (installées dans les unités et non en cellule, n.d.l.r.) mais les gens passent les uns après les autres à la file. Donc si quelqu’un est malade et touche l’appareil, tout le monde chope le virus », explique un autre prisonnier insulaire en prison en région parisienne. 
  


« Si l’épidémie arrive en prison, on est foutus »

« On nous distribue des kits d’hygiène pour faire bien, se désole le prisonnier. Mais il y a seulement du papier toilette, du shampooing, un rasoir et du dentifrice. Bref, ça ne sert à rien. Si l’épidémie arrive en prison, on est foutus ». La situation des prisonniers pendant le confinement inquiète bien au-delà de ces témoignages isolés.

Et les autorités sont alertées depuis des semaines sur les innombrables difficultés : promiscuité, manque de matériel, manque de place et de produits d’hygiène, ou encore la quasi-impossibilité de faire respecter les gestes barrières. Dès l’annonce du confinement, des associations et des proches de prisonniers corses dits politiques ont alerté sur la situation de ces détenus dont ils réclament l’amnistie, ou à tout le moins le rapprochement à la prison de Borgo. 
 



Libérer les prisonniers à mi-peine? 

Le 20 mars, l’associu Sulidarità interpellait les élus corses sur la situation en publiant un communiqué sur les réseaux sociaux : « Il est impensable pour nous que les prisonniers politiques Corses soient encore incarcérés aujourd'hui au vu du contexte politique que la Corse connaît depuis près de 6 années mais surtout lorsqu'une épidémie vient mettre en péril leur santé et inquiéter leurs proches qui sont dans l'incapacité de les visiter du fait de la suspension des parloirs. La France, en cette période de pandémie et de choix cruciaux pour l'avenir, se grandirait à prendre en compte le problème politique corse et en libérant les prisonniers politiques dont presque tous ont effectué au moins la moitié de leur peine, si ce n'est plus. »
 
 

Adrien Matarise, Julien Muselli et Ghjilormu Garelli « particulièrement en danger »

Le 3 avril, les familles des jeunes Ghjilormu Garelli, Adrien Matarise et Julien Muselli (en détention préventive dans des établissements pénitentiaires parisiens et mis en examen pour des faits relevant de la justice anti-terroriste), soutenues par l’association A Fianc’à noi, ont pris également position dans un communiqué. 

Selon elles, « Ghjilormu, Adrien et Julien sont particulièrement en danger dans ces établissements dont l’insalubrité classique est régulièrement dénoncée par quantité d’organisations françaises et internationales ». Au péril de voir se propager le virus en prison, s’ajoute une situation sanitaire déplorable et notamment une « absence totale de désinfection des cellules, parties communes, sanitaires, lieux de promenade, téléphones et de toutes sortes d’objets pouvant être vecteurs de la maladie ».
 
Les familles ont annoncé avoir saisis tous les responsables politiques corses, toutes tendances confondues, pour leur demander de se mobiliser sur la situation. Pour l’heure, aucune suite favorable n’a été donnée à ces demandes. 
 


Plus de parloirs mais… la télé gratuite

Depuis l’annonce du confinement, plusieurs mesures ont tout de même été prises pour retarder la diffusion du coronavirus dans les prisons françaises. Tout d’abord, l’accès aux prisons est désormais interdit à toutes les personnes extérieures. En clair, cela signifie une suppression totale des parloirs, les familles et les proches des détenus ne sont plus autorisés à leur rendre visite jusqu’à nouvel ordre.

L’annonce a provoqué des émeutes dans de nombreuses prisons de France. Et la tension risque de s’accroitre avec la durée du confinement. Car les détenus ont vu la quasi totalité de leurs activités suspendues : plus de cours, plus d’interventions extérieures, salles de sport, bibliothèques et espaces confinés interdits. Ne sont maintenues que les promenades (en groupe, donc pas toujours propices à l’éloignement).

Pour compenser, la télévision est désormais gratuite en cellule et un bon de 40 euros par mois a été offert aux prisonniers pour pouvoir utiliser le téléphone et garder un lien avec leurs familles. Pas forcément suffisant pour calmer les esprits, et encore moins rassurer les prisonniers, très inquiets pour leur santé.
 



Surpopulation carcérale

Alors comment protéger la population carcérale en temps de pandémie? La question est délicate et la réponse du ministère de la Justice ne semble pas satisfaire - loin s’en faut - les premiers concernés. 

Premier problème : la surpopulation carcérale. Au 1er janvier 2020, 70 651 personnes étaient détenues dans les prisons françaises, pour 61 080 places opérationnelles selon les chiffres de la direction de l’administration pénitentiaire. La surpopulation touche en particulier les maisons d’arrêt (où sont incarcérées les personnes en attente de jugement et celles condamnées à moins de deux ans de prison) qui enregistrent un taux d’occupation de 138%. 

Impossible dans ces conditions de réserver une cellule par prisonnier et les détenus se retrouvent souvent à trois dans 9m2 avec en guise de lit un matelas par terre Les toilettes se trouvant au même endroit, on imagine aisément que les normes d’hygiène ne sont pas précisément celles recommandées pour éviter la propagation du virus. 
 


8000 prisonniers de moins en un mois

Pour faire baisser la population carcérale, la ministre de la Justice Nicole Belloubet a pris des mesures, et autorisé la libération anticipée des prisonniers en fin de peine. Ainsi, les détenus à qui il reste deux mois de prison seront confinés à domicile ; et ceux à qui il reste six mois de prison pourront voir leur peine commuée en travail d’intérêt général.

En un mois, le nombre de détenus dans les prisons françaises a diminué de 8000. Toutefois, ces élargissements anticipés ne peuvent s’appliquer aux personnes ayant été condamnées ou se trouvant en détention préventive dans des dossiers anti-terroristes. Les prisonniers corses dits politiques sont donc exclus, de fait, du dispositif. 

Des modalités fortement reprouvées le 25 mars par le Cullettivu Patriotti.
Dans un communiqué, le collectif explique avoir "déjà interpellé publiquement les autorités représentatives de la Corse, la Collectivité Territoriale de Corse, et avec elles toutes les forces et organisations de notre pays pour se saisir concrètement de ce dossier".

Lire le communiqué du Cullettivu Patriotti (1)

"Il n'est pas question d'accepter cette distinction d'Etat qui maintiendrait dans des conditions affligeantes des personnes dont l'engagement est incontestablement politique et pour lesquelles une grande majorité de voix s'est exprimée en Corse - depuis des années - pour leur élargissement". Car pour eux, au delà de du collectif, "c'est la Corse avec toutes ses composantes, qui doit parler d'une seule voix pour exiger de l'Etat francais" la libération des prisonniers dits politiques. 

Lire le communiqué du Cullettivu Patriotti (2)

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