Alors que le gouvernement a indiqué que le BTP pouvait continuer à travailler durant le confinement, la colère et l'inquiétude monte chez les chefs d'entreprise comme chez les employés. En cause ? L'impossibilité "d'assurer la sécurité" des salariés, dans ce contexte d'épidémie de coronavirus.
"Il y a un moment où il faut savoir être cohérent. Soit on met tout le pays en confinement, soit on continue à nous laisser travailler." Dominique Antoniotti, président de la fédération du BTP de Haute-Corse, ne décolère pas.
"Lundi, on a un ministre de l'Intérieur qui assure qu'il faut se confiner, et que ça coûtera ce que ça coûtera. Et aussitôt après on nous annonce que non, les salariés et entreprises du BTP doivent continuer à travailler malgré le coronavirus." Une position du gouvernement que le secteur, qui emploie près de 12.000 personnes sur l'île, ne comprend pas.
Risques sanitaires
Pire, à en croire Dominique Antoniotti : elle pourrait même les mettre en danger. "Aujourd'hui, les entreprises de BTP n'ont pas les moyens d'assurer la sécurité des employés. Nous n'avons pas de masques, pas de gants, pas de gels. Et ceux qui en avaient ont vu leurs stocks réquisitionnés pour les hôpitaux." Même constat pour François Perinno, président de la fédération du BTP de Corse-du-Sud : "On nous demande d'appliquer des protections qui sont impossibles à mettre en oeuvre dans le bâtiment".
Résultat, les mesures barrières - nécessaire pour lutter contre la propagation du virus et martelé depuis le début de l'épidémie par les autorités sanitaires - ne sont pas respectées sur les chantiers. Et les risques de contamination par le Covid-19 sont importants.
Il faudrait leur demander de faire quoi ? Partir chacun dans son propre fourgon ? Astiquer les outils à chaque fois qu'ils changent de main ? Ce n'est pas sérieux.
"Les employés partent sur les chantiers à deux, trois par fourgonnette. Et une fois sur place, ils travaillent tous ensemble dans des espaces confinés et avec les mêmes outils, détaille Dominique Antoniotti. Il faudrait leur demander de faire quoi ? Partir chacun dans son propre fourgon ? Astiquer les outils à chaque fois qu'ils changent de main ? Ce n'est pas sérieux."
D'autant plus que si un employé venait à être infecté dans le cadre de son emploi, "nous serions responsables au pénal".
Chantiers à l'arrêt
Dans ces conditions, la quasi-totalité de l'activité BTP sur l'île - comme partout en France métropolitaine - est à l'arrêt depuis mardi 17 mars. Certains salariés ont également fait valoir leur droit de retrait. Plus encore, les huissiers de justice étant confinés, impossible de faire des constats de chantiers ; et les fournisseurs de matériaux ayant pour la plupart fermés leurs portes, "nous ne sommes plus approvisionnés", indique Dominique Antoniotti.
"On ne peut pas continuer dans ce cadre-là" assène, catégorique, le président de la fédération du BTP de Haute-Corse. Aujourd'hui, un point reste à éclairicir pour le secteur : le paiement des indemnités de chômage partiel.
Les employés du BTP ne sont pas des sous-hommes, et nous ne sommes pas de la chair à canon. Nous avons le droit d'avoir la même sécurité que tout le monde
Alors que le gouvernement assurait, lundi, la possibilité de mise en place du chômage partielle pour les entreprises, il court depuis deux jours une rumeur, explique François Perinno, "que les celles du BTP ne seraient pas éligibles". Celles-ci espèrent obtenir des réponses rapides à cette question prioritaire, dans un secteur mis à rude épreuve par cette crise sanitaire et économique.
Jeudi, la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, affirmait sur LCI être "scandalisée" par le "manque de civisme" et l'attitude "défaitiste" des entreprises du secteur ayant décidé d'interrompre leurs chantiers. Dominique Antoniotti grince des dents. "Les employés du BTP ne sont pas des sous-hommes, et nous ne sommes pas de la chair à canon. Nous avons le droit d'avoir la même sécurité que tout le monde."
Georges Mela : "Je vous demande de revenir sur le traitement appliqué aujourd'hui au secteur du bâtiment"
Dans un lettre adressée datée du jeudi 19 mars et adressée au ministre de l'Economie, Bruno LeMaire, Georges Mela, maire de Porto-Vecchio, exprime son soutien aux salariés du BTP.
"Les mesures mises en œuvre par le gouvernement portant sur le soutien aux entreprises durant la crise ont été accueillies avec soulagement par le monde économique", écrit Georges Mela, citant notamment "l’évolution des mécanismes de prise en charge du chômage partiel appliqués aux salariés des entreprises directement frappées par les mesures de restriction de leur activité".
Pour autant, "de nombreuses entreprises, dans des secteurs aussi essentiels que le bâtiment, ne sont pas aujourd’hui concernées par cette mesure et sont actuellement encouragées à poursuivre leur activité", regrette-t-il. Une situation incompréhensible pour les professionnels du bâtiments "et les entreprises qui travaillent en lien étroit avec ce secteur d’activité important pour notre pays", que le maire de Porto-Vecchio espère voir évoluer.
"Je vous demande, et j’enjoins mes collègues maires et président d’EPCI de relayer mon propos, de revenir sur le traitement appliqué aujourd’hui au secteur du bâtiment, de lui permettre d’accéder aux mêmes droits accordés aux autres entreprises pour que ses employés puissent bénéficier d’une juste protection, tant du point de vue de leur santé que de leur condition économique".