Une délégation du Mémorial de la Shoah s'est rendue sur l'île cette semaine. Une visite de deux jours afin d'enrichir ses archives. Elle a recueilli des documents, des objets et des témoignages auprès de juifs. Autant d'histoires particulières qui bâtissent la mémoire collective.
Ils s’appelaient Rosalie, Hélène, Ludovic ou Iliana. Tous parents et tous déportés durant la Seconde Guerre mondiale. Cette histoire est celle de la famille d’André Markovics, né en France sous l’occupation allemande et installé en Corse depuis.
Il raconte sa vie à la délégation du mémorial de la Shoah en visite dans l’île. De confession juive, Français d’origine hongroise puis apatride sous le régime de Vichy, ses parents vivaient cachés chez un Allemand résidant à Paris lorsqu’il est venu au monde en 1943.
« Il ne voulait pas prendre mes parents, mais ma mère a tellement insisté pour que mes parents restent à leur disposition de chambre. Et mon père a travaillé dans l’atelier chez ce bottier. Il avait un magasin et un atelier avec des ouvriers. Il a donné une condition à mes parents, de ne pas avoir d’autres enfants. Ils avaient déjà eu deux autres enfants qu’ils avaient placés dans des familles et il ne voulait pas que ma mère tombe enceinte. Et ma mère est quand même tombée enceinte, mais pas d’un enfant, de deux enfants. J’avais un frère jumeau donc on est nés chez cet Allemand », livre-t-il.
« Une signature qui veut dire ‘Nous souffrons’ »
De cette période, restent des objets conservés : des centaines de photos ou même des lettres censurées et envoyées du camp de Drancy à la veille de la déportation. « J’ai une lettre la signature, c’est un mot hongrois sous forme de signature qui veut dire ‘nous souffrons’. C’est le message qu’ils ont voulu passer. C’est le message qu’ils ont voulu passer sous forme de signature parce qu’évidemment, personne ne pouvait savoir ce que ça pouvait dire », continue André Markovics.
Une multitude de documents qui intéressent au plus haut point les documentalistes du mémorial de la Shoah. Chaque photo est numérisée, chaque objet photographié, chaque souvenir rédigé. « C’est exceptionnel. Tant de choses, autant des documents que des photographies, des objets. Les gens n’ont parfois qu’une seule photographie des membres de leur famille qui ont été déportés, ou un papier. Là, c’est incroyable », indique Cécile Fontaine, documentaliste au Mémorial de la Shoah.
Les documents numérisés seront analysés dans les prochains mois. André Markovics songe en faire don au mémorial de la Shoah. « Il faut que je fasse le tri, mais je pense que ce sera mieux au mémorial que chez moi dans une valise au-dessus d’une armoire. Mais on a du mal à se détacher de tout ça. C’est une démarche un peu difficile. Déjà de remettre le nez là-dedans, c’est difficile pour tout le monde et de s’en séparer, c’est quand même un lien qui nous reste », explique-t-il.
Un camp à Asco
C’est la première fois que le mémorial vient en Corse pour une collecte de documents. Durant les deux jours de visite entre Bastia et Ajaccio, ce sont surtout des personnes de confession juive installées en Corse après la guerre qui se sont présentées.
Mais la délégation a aussi découvert l’histoire des juifs corses regroupés dans un camp à Asco sous l’occupation. « On a découvert cette histoire parce que nous avions aussi une dame née en 1926 dont le père a été interné à Asco. Elle nous a raconté cette histoire, elle nous a expliqué qu’un professeur de la région avait fait toute une enquête et donc elle est venue avec ces documents-là, elle n’avait pas de documents particuliers elle. Mais elle avait son témoignage très fort », explique Lior Smadja, responsable de la photothèque du Mémorial de la Shoah.
Une histoire qui viendra enrichir la collection nationale du mémorial de la Shoah.