Le cimetière marin d’Ajaccio date du XIXe siècle. À travers les tombes, les mausolées ou les chapelles l’histoire de la ville se dessine. Un lieu où se trouvent aussi de petits trésors d'architecture.
En 1983, c’est en grande pompe que Tino Rossi rejoint sa dernière demeure au cimetière marin d’Ajaccio. Ses proches, quelques personnalités et une foule d’anonymes sont présents pour lui rendre hommage. 35 ans plus tard, exit les milliers de fleurs. Il ne subsiste qu’une seule rose et des souvenirs.
Claude Giansily est historien de l’art. Il fait découvrir les petites et les grandes histoires du cimetière. À quelques mètres de Tino Rossi, repose une autre grande voix d’Ajaccio, le ténor Gaston Micheletti. « C’est un ténor très réputé pendant l’entre-deux guerre. Il a un peu montré la voie à Tino Rossi. Il repose ici et on peut voir sur son caveau son portrait par le sculpteur ajaccien Pierre Dionisi, premier Grand Prix de Rome et une palme qui symbolise les honneurs qu’il a reçu durant sa longue et brillante carrière à l’opéra-comique », indique l’historien d’art.
Sur une photo du début du XXe siècle, les chapelles les plus importantes bordent les axes principaux du cimetière. Le plan a été pensé par Jérôme Maglioli, l'architecte de la ville. « Il conçoit ce plan en forme de portes à double battant ouvertes en direction du ciel. Un premier cimetière est construit au début des années 1830 car la ville d’Ajaccio, comme toutes les villes de France, a l’obligation de mettre un terme aux inhumations qui se pratiquaient dans le centre des églises. Les communes ont l’obligation de créer des cimetières municipaux », précise Claude Giansily.
Marqueurs sociaux
Les sépultures vont alors devenir de véritables marqueurs sociaux pour illustrer la réussite des familles patriciennes. Le cimetière compte quelques véritables chefs-d'œuvre d'architecture et de décoration. Exemple avec la chapelle des Colonna d’Ornano. « Il y a les flambeaux renversés, les urnes, les couronnes de fleurs et on a surtout avec cette porte dont les battants semblent se refermer, toute la symbolique de la dureté de la mort et sur le départ vers une autre vie », indique l’historien d’art.
Les travaux n'ont été achevés qu'en 1880, sur ce terrain difficile, envahi de cannes, d'où le cimetière tire son nom « U Canicciu ». En 1934, ce sera déjà l'extension avec le « nouveau » cimetière. Un site qui sera quelques années plus tard le théâtre d'un bombardement allemand.
Légende urbaine
Pendant longtemps une légende urbaine circule : les Allemands se seraient trompés. Au lieu de bombarder la ville d’Ajaccio, soumise au couvre-feu, ils auraient bombardé le cimetière parce qu’ils auraient vu des lumières. Le véritable objectif était juste au-dessus, une grande place où se trouvait un dépôt de munitions italien.
En 1948, le général De Gaule vient rendre hommage à Fred Scamaroni. Torturé, le résistant s'était donné la mort en 1943 dans sa cellule de la citadelle, pour ne pas parler. « En 1945, la municipalité […] a accepté de céder ce rond-point pour que soit édifié le tombeau de Fred Scamaroni », explique Jean-Noël Aïqui, historien et fondateur du musée de la Résistance.
Si le nouveau cimetière est marqué par l'histoire, on y constate un nombre restreint de nouvelles constructions prestigieuses, dans l'esprit du siècle précédent. Quelques rares sculpteurs reçoivent des commandes et se laissent guider par leur inspiration.
Ancien et nouveau cimetières contiennent de nombreuses constructions remarquables. Mais les plus belles chapelles sont à l'extérieur en bord de route à quelques centaines de mètres, sur des parcelles privées. Ces mausolées font peut-être partie des plus beaux joyaux de l'art funéraire de l'île.