Hélène Gerhards a été mise en examen pour onze chefs d'inculpation, dont "trafic d'influence", "détournement de fonds publics" et "association de malfaiteurs". Elle est soupçonnée d'avoir des liens avec un proche supposé de la bande du "petit bar". L'ancienne juge d'instruction à Ajaccio a été placée en détention provisoire.
Hélène Gerhards, qui a été juge d'instruction en Corse, à Ajaccio, entre 2010 et 2016, a été mise en examen dans la nuit du vendredi 5 au samedi 6 avril pour onze infractions, parmi lesquelles :
- Faux en écriture publique ou authentique par un dépositaire de l'autorité publique
- Détournement de fonds publics par une personne dépositaire de l’autorité publique
- Trafic d'influence passif et actif
- Association de malfaiteurs en vue de préparer un crime ou un délit puni de 10 ans
- Recours aux services d'une personne exerçant un travail dissimulé en bande organisée
Les faits reprochés se seraient produits entre 2008 et 2022.
Détention provisoire
Hélène Gerhards a été placée en détention provisoire ce samedi.
Suite à son incarcération, ses avocats Yann Le Bras et Caty Richard ont réagi : "De cette très longue journée et nuit au tribunal, et alors que nous pouvons enfin avoir accès à l’œuvre d’un acharnement de 3 années, nous avons d’ores et déjà trouvé des éléments qui remettent en cause cette thèse de l’accusation."
Et d'ajouter : "D’autres solutions procédurales étaient possibles, mais il a été choisi la voie de la violence institutionnelle. Pour ses conseils, c’est l’échec absolu d’une innocente incarcérée."
"Relation de proximité"
Dans un communiqué de presse publié vendredi, Damien Martinelli, procureur de la République de Nice, avait lui souligné que, "à la lumière d’interceptions téléphoniques, il apparaissait que cette magistrate, affectée après la Corse au parquet de Toulouse, paraissait dans une relation de proximité avec un individu très défavorablement connu des services de police, au sujet notamment de travaux dans une villa dont elle était occupante située sur la rive sud d’Ajaccio. Outre le cadre de ces travaux, les conversations permettaient de s’interroger sur les éventuelles contraintes susceptibles de peser sur certains prestataires intervenants".
Le procureur avait évoqué la possibilité d'une "grande proximité faite notamment de services réciproques".
Les investigations, conduites par à l’office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF) de la direction nationale de la police judiciaire (DNPJ), en co-saisine avec le service interdépartemental de la police judiciaire d’Ajaccio et la section de recherches d’Ajaccio de la gendarmerie nationale, ont mis en évidence "que la magistrate aurait pu, outre des conseils juridiques, rechercher et communiquer des informations concernant des procédures en cours ou des données issues de fichiers".
120 000 euros
De surcroît, toujours selon le parquet de Nice, "dans plusieurs des fonctions occupées, la qualité de juge d’instruction aurait pu être utilisée pour établir de fausses ordonnances de commission d’expert et de fausses ordonnances de taxe en désignant fictivement des proches afin d’obtenir indirectement et indûment le versement de sommes au titre des frais de justice pour la réalisation d’expertises fictives, ce en matière informatique et en traduction.
Outre la possible implication d’un ex-conjoint, il apparaissait également que l’identité et les comptes bancaires de jeunes filles au pair présentes au domicile auraient pu être utilisés dans le cadre du détournement de fonds publics reposant sur ces faux.
Au total, le montant global des détournements pourrait être évalué à plus de 120 000 €".
"Trouble exceptionnel et persistant"
Interpellée et placée en garde à vue mercredi 3 avril, Hélène Gerhards a d'abord contesté "toute infraction et tout manquement à ses obligations professionnelles. Elle reconnaissait ensuite uniquement une consultation illicite de données au profit d’un individu défavorablement connu".
Le procureur de la République avait demandé un placement en détention provisoire. Parmi les raisons invoquées, "la nécessité de mettre fin au trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public provoqué par la gravité de l’infraction, les circonstances de sa commission et l’importance du préjudice causé".
"Opération de destruction"
Jeudi soir, les avocats de la magistrate dénonçaient, dans un communiqué de presse adressé à l'AFP, "un éventuel règlement de comptes au sein de la magistrature", "une opération de destruction dans laquelle l'autorité judiciaire se permet tous les coups".
Maîtres Caty Richard et Yann Le Bras pointaient du doigt, à ce titre, des "fuites" dans les médias, "mettant étrangement en exergue" le lien entre leur cliente et "l'actuel garde des Sceaux". Enfin, les deux avocats soulignent l'existence d'un "possible conflit d'intérêts", alors que "cette enquête semble initiée" par "un ancien supérieur hiérarchique".
Le point avec Maia Graziani :