Journal de bord d'une confinée à Ajaccio : Bonne excuse, et cetera

Depuis la mi-mars, et l'instauration du confinement dans le pays, l'une de nos journalistes raconte ses journées. Ce samedi, sa mère a trouvé une bonne excuse pour tenter de se passer du masque. 

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Retrouvez le chapitre 37 :  

  • Chapitre 38 : Bonne excuse, et cetera


J’ai monté des courses chez ma mère, hier, dans l’après-midi. Deux, trois choses qu’elle avait oubliées de mettre sur la liste l’avant-veille. Je devais repasser chez elle, de toute façon.

Mon frère m’avait alertée : elle avait un problème dans la réception des mails sur sa tablette. J’avoue que lorsqu’il m’a dit « tu peux la récupérer (la tablette) et on essaie de résoudre le souci ensemble » (il avait déjà essayé sans succès au téléphone avec la reine mère), j’avais clairement avancé que mon degrés zéro de patience était atteint et, en rajouter à l’énervement de ce confinement, certainement pas une bonne idée.

D’autant que les problèmes (toujours insolubles) de ma mère avec son monde connecté (oui, son téléphone aussi) sont répétitifs. Mon frère n’avait pas insisté (c’était la veille du jour où j’ai pleuré). Puis j’en ai parlé avec Nicolas. Il était d’accord pour gérer. D’où le retour chez ma mère deux jours après.
 

Ecoute et grandes oreilles…

Cette fois-ci, au lieu de repartir après m’être entretenue avec elle sur le palier, je suis restée. J’ai ôté mes chaussures, à peine entrée, pour filer directement sur le balcon sans rien toucher et m’assoir sur le mobilier d’extérieur. Au pire, l’aération des jours suivants suffirait.

J’avais amené ma bouteille de coca et me suis installée avec, d’un côté la mer, et de l’autre ma mère. Je me rendais compte quelle patience il avait dû falloir à mon frère pour tenter de « dépanner » maman par téléphone (mon frère a une patience sans borne). Il avait dégrossi le travail, je n’avais qu’à poursuivre et tout cela n’était finalement que peu de choses. Plus besoin de repartir avec la tablette. En fait, au-delà de la logistique, j’avais surtout très envie de passer un petit moment avec celle qui subit cet enfermement sans broncher (mais pas sans marcher une heure chaque jour).

 

C’est là qu’elle m’a dit, « j’ai essayé le masque, ce matin ». Je lui avais monté, il y a une dizaine de jours, un masque de protection (un chinois) que l’on m’avait donné. Je lui ai dit, « tu sais, on n’essaie pas un masque, on le met quand on en a besoin, il a une durée de vie limitée dans sa protection ». Elle a balayé mon objection d’un, « oh, mais je l’ai mis juste comme ça !», qui ne souffrait d’aucune contestation. J’ai souri. De la suite encore plus.

Elle m’a dit, « ça me gêne ». J’avais envie de lui répondre, « combien je te comprends, c’est horrible ce truc que l’on doit mettre sur son visage et qui empêche de respirer, surtout la claustrophobe que je suis », mais j’ai juste tenté de lui avancer qu’elle avait dû mal le mettre. Je me suis lancée dans une explication concernant la languette rigide qu’il faut plier pour que le masque tienne bien sur le nez, elle a rétorqué, « ce n’est pas ça, c’est au niveau des oreilles que ça me gêne ».

J’ai imaginé le fil venant lui « lacérer » l’accroche des deux organes, mais j’étais loin d’attendre l’explication suivante. « Je dois avoir de trop grandes oreilles », m’a-t-elle dit avec quand même un petit sourire, se doutant que j’allais la charrier un peu.

En fait, heureusement que j’étais bien assise, parce la surenchère valait également son pesant de cacahuètes : ses proéminences avaient dû grandir - elle avait lu que c’était possible – parce que, jeune, c’est certain, elle avait de petites oreilles, sa mère le lui avait assez répété durant des années. Deux choses me sont venues à l’esprit qui m’ont faites sourire tour à tour. D’abord, « c’est quoi cette ruse de sioux pour éviter de mettre un masque ?! ». Puis, juste après, j’ai repensé à Rose et à cette réflexion lâchée un jour comme ça, sans prévenir, « les chaussures me font mal, mes pieds ont poussé ».

Là aussi, très sérieusement, il paraît que le phénomène est possible après une grossesse. J’avoue que je n’ai jamais vérifié l’information concernant cette mutation du squelette. Il n’empêche, les deux pensées mises bout à bout m’ont beaucoup réjouie !

 


Chantage affectif…

Là, je me suis dit, « on n’est pas sorti de l’auberge pour la reprise, ce 11 mai va être mémorable ! ». J’ai même décider de piquer l’excuse à ma mère, « je ne peux pas mettre de masque, mes oreilles ont poussé ». Je vais encore me faire gronder si ma mère lit ce papier. Elle va me dire une nouvelle fois, « pour quoi tu me fais passer ! ».

Mais elle le dit toujours tendrement, elle fait preuve de beaucoup d’autodérision au final sous son air très distingué. On a déjà ri ensemble de son explication. D’ailleurs, quand j’ai commencé à me moquer, elle gloussait déjà. Elle a autant envie de le mettre que moi, ce masque. Ce confinement aura au moins permis de révéler un point de ressemblance avec ma mère, parce que, pour le reste (je veux dire physiquement), c’est plutôt rater (à part peut-être dans ma manière de tousser, mais je ne vous montrerais pas, c’est de mauvais ton en plein Covid-19).

En partant de chez ma mère, j’avais le sourire jusqu’aux oreilles (que j’ai aussi grande – c’est-à-dire pas trop - que les siennes). Mais je repensais aussi au déconfinement. Et à l’anecdote que m’avait rapportée quelques jours plus tôt un copain pharmacien. Il avait reçu le matin même un coup de fil d’un habitant de son village qui lui réclamait des masques. On connait le lien de proximité que crée le village et les obligations qui s’y rattache. Malheureusement, impossible pour lui d’accéder à la demande du dit concitoyen, les seuls masques dispos étant réservés aux soignants. Mon copain était fou, parce que, derrière, le « chantage affectif » s’est soldé par une phrase sans ombrage, « bon, ben d’accord, tu monteras me voir à la Toussaint alors ».

Je pense que je vais suggérer à ma mère de proposer son masque qui fait mal aux oreilles au monsieur du village de mon copain pharmacien. Et comme a dit ce dernier qui en entend des vertes et des pas mûres dans son officine depuis, « je pense qu’on n’est pas sorti de l’auberge, le 11 mai ! »

 
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