Journal de bord d'une confinée à Ajaccio : les cloches sont passées

Le confinement généralisé est entré en vigueur en Corse, comme partout en France, mardi 17 mars, à midi. Une de nos journalistes raconte ses journées. Ce lundi, elle profite du passage des cloches... et du chocolat.

Pour lire le chapitre 26 : 

• CHAPITRE 27 : Quelque chose qui cloche…

J’ai une mauvaise nouvelle : l’histoire de Juliette (la tourterelle) a fait un plat. Un œuf au plat. Elle l’a lâché comme ça, sans prévenir, sur le parasol installé sur la terrasse et il est venu s’étaler au milieu des dessins de Rose. On avait le sentiment que tout marchait bien avec Roméo, la preuve, mais patatra… privant du même coup Rose de son histoire de Pâques sur le thème, « j’ai mon œuf , un vrai, un beau ».
  

L’œuf ou la poule ?

Elle s’en veut beaucoup Rose. Du coup, elle fait psy pour tourterelle, et elle parle beaucoup à Juliette. Et Juliette lui répond. On me l’aurait dit, je n’y aurais pas crû, mais j’ai reçu la vidéo (en même temps que la photo de l’œuf au plat). Compensation immédiate, Rose a multiplié par trois le budget « œufs en chocolat » (puis a pris une photo exactement au même endroit). C’est bon pour le moral le chocolat…

Tellement bon que les parents en ont planqué partout, et avec frénésie, cette année, du chocolat, avec comme message subliminal, « ne vous en faites pas les enfants, on va vous aider à les manger, on a besoin de magnésium ». J’ai voyagé dans leurs jardins toute la journée d’hier, via les vidéos postées sur Facebook. Ceux qui n’avaient pas d’espaces verts à faire valoir pour la chasse aux œufs se sont modestement contentés de photos, tous, sauf une famille qui a ouvertement opté pour la vérité du confinement en appartement.

"Les cloches ont changé de technique"

On entend la maman dire à ses enfants, « je crois que les cloches sont passées », et pousser un des garçons à ouvrir la porte d’entrée pour découvrir une séries de chocolat « grand format » (j’ai compté, il y en avait pour les parents aussi). L’apothéose de l’imposture se trouvant résumée dans une phrase lâchée, comme ça, pour faire face à l’air désabusé des petits privés de leur traditionnelle quête frénétique dans le quatre pièces (ou en campagne, chez les grands-parents): « oui, cette année, les cloches ont changé de technique ». Je subodore que la vraie version devait s’approcher du, « on n’a pas réussi à se lever avant vous parce qu’on est crevé (et vous en pleine forme), donc, on n’a pas pu planquer les œufs et donc opté pour le rang d’oignons sur le paillasson ».

Et les sardines ? Je veux dire, c’est bien un poisson, ça pourrait rentrer dans le thème (de ces fêtes de Pâques au bord de la crise de nerfs) ? Je demande, parce que je suis un peu inquiète de la tournure des choses. J’ai reçu par message, la vidéo frénétique d’une ode au confinement que les sociologues voudront bien garder dans leurs archives pour témoigner de l’ambiance qui régnait à cette époque dans les huis clos de nos appartements, version « Vol au dessus d’un nid de coucou » (on reste dans le thème, je vous dis ! Les cloches, les œufs, tout ça !). Je dépose ici la vidéo des faits comme vérité d’un moment qui révèlera sont véritable impact psychologique plus tard.
  

Pondre une idée…

« Le chocolat est notre ennemi, mais fuir devant notre ennemi, c’est lâche ». J’ai piqué cette phrase sur un mur Facebook et j’en ai fait ma devise. Evidemment, je ne monte plus sur la balance, les dommages collatéraux du confinement je les mesurerai plus tard. Je me suis bien dit, « un peu de raison, tout de même, trouve toi une autre occupation que l’introspection du tube digestif ». J’avais conscience de devoir trouver une place entre le « parler aux oiseaux » et le « travailler ma chorégraphie » : j’ai choisi une activité créative. Et les souris ! (pas les cocottes en papier).

J’avais, en effet vu, passer des idées d’ateliers à mettre en place pour les enfants et la grande enfant que je suis a décidé de les expérimenter. Il s’agissait de confectionner une petite animalerie domestique à partir de boites d’œufs (toujours dans le thème, je vous dis !). J’ai donc sorti la peinture, la colle et les ciseaux que je réserve d’ordinaire à mes nièces pour me mettre au travail. J’ai un peu raté mon mélange de couleurs – trop de noir, pas assez de blanc pour un gris clair – mais manier le pinceau m’a détendue une bonne heure et demie. Je suis juste restée dubitative sur mon choix de modèle en plus du résultat : j’avais quand même opté pour des souris confinées dans un gruyère !

 
On n’en sort décidément pas du confinement. Et on risque de ne pas en sortir tout de suite quoi qu’il arrive. Le poisson, c’est aussi le signe du Christ ? Non parce que j’ai décidé de manger telles des hosties ma « petite friture » en chocolat ! Et je risque de communier souvent ces prochains temps… encore plus après l’intervention télévisée, ce soir, de notre président !