Journal de bord d'une confinée à Ajaccio : parlons religion

Le confinement généralisé est entré en vigueur en Corse, comme partout en France, mardi 17 mars, à midi. Une de nos journalistes raconte ses journées de confinement. Ce dimanche, elle s'arrête sur la religion, les cérémonies actuellement célébrées en comité restreint, et son rapport à la foi.

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Pour retrouver le chapitre 11 : 
  • CHAPITRE 10 : Chemin de Croix…


Il y a forcément quelqu’un, là haut, qui se dit, « pour pas qu’ils aient aussi l’idée de renvoyer à plus tard les fêtes de Pâques, si on leur programmait un « Catenacciu » grandeur nature : un mois, minimum, confinés ? ».  C’est vrai, non ? Si après la Madonnuccia et la Saint-Joseph, on reporte aussi le vendredi Saint, le calendrier religieux risque de se trouver un peu encombré par la suite.
 
Imaginez, les touristes rouges tomate, en sandales ouvertes et chaussettes montantes, une glace à la main, assister au chemin de croix en plein été ! Parce que, pareil, si on attend trop, en septembre, faudrait pas voler la vedette à la Santa… La solution ultime, c’est une amie qui l’a proposée. Son idée? On organise toute la session le jour de Noël : naissance, crucifixion, résurrection dans le même panier ! 


Le miracle des pains…

Aujourd’hui, jour du Seigneur, j’ai donc envie de vous parler de religion. De ses rites, de ses processions qui réveillent en nous l’instinct grégaire, le besoin d’appartenance à une communauté (mais hors effet coronavirus où certains rêvent de voler le masque FFP2 de leur voisin en même temps que son gel hydro-alcoolique). Et puis, j’ai eu envie de vous parler de religion à cause du pain. De la multiplication des pains, comme dans la Bible (oui, j’ai lu la Bible).

Cette semaine, tout le monde s’est mis à faire du pain ! On a vu fleurir des miches sur tous les murs Facebook (très peu d’adeptes de l’option « baguette »), comme si les gens s’étaient passé le mot (en plus de la recette). J’ai reçu par message quelques photos de cette production miraculeuse au point de décider, moi aussi, de mettre en faillite les boulangeries. L’incantation originelle, une amie me l’avait glissée comme un secret bien gardé : « tu mélanges la farine, la levure, l’eau, le sel, un peu d’huile d’olive et le tour est joué ! ».
 
Derrière, j’ai choisi l’option « cultiver sa différence » puisque, pour me démarquer, j’ai fait du pain complet… que j’ai ensuite sacrifié sur mon autel perso : une table d’apéro (oui, oui, le vin y était aussi, je ne suis pas une mécréante !).  Car, comme job, nous acceptons l’épreuve avec dignité et sans LE renier… pardon, NOUS renier.

Au fait, j’ai aussi une annonce de la grande distribution à faire passer : les chocolats de Pâques sont arrivés. Je répète : les œufs de Pâques sont arrivés. Si vous pouviez penser à en glisser quelques uns entre les rouleaux de papier toilette, cela aiderait les commerçants concernés à faire leur chiffre, merci pour eux. Il manquerait plus qu’on tue l’économie des grandes surfaces après celle des petits commerçants (désolé mon boulanger, mais je vais recommencer : mon pain était délicieux!).
 

 

La pratique du poète…

J’ai l’air irrévérencieuse comme ça, mais pas du tout. Ma culture religieuse est profonde : des années de catéchisme, deux communions (sans confirmation) et un missel offert par mon « tonton Alex » (entendre l’abbé Stra que d’aucuns auront connu). Alors, il y a trois jours, quand j’ai appris que, durant ce confinement, Baptiste, cinq ans, apprenait ses prières, j’ai trouvé ça touchant.

Baptiste est un petit garçon très intelligent. Il essaie de comprendre comment est arrivé le coronavirus entre un « Notre Père » et le « Je vous salue Marie » répétés avec sa maman. Je souhaite bien du courage aux parents lorsqu’après le « ça naît comment un virus ? », il passera assurément au « et ça veut dire quoi crucifier ? », suivi de l’immanquable  « et pourquoi on lui a fait ça à Jésus ? ».

Allez lui expliquer, vous, qu’on lui a fait ça pour la « Gloire » du « Très-haut » et la sienne avec (« Jésus Super-Star », c’est le nom d’un opéra rock, non ?) alors que vous lui expliquez à longueur de journée qu’il faut pas faire de mal aux gens. Conseil aux parents : dans l’éducation religieuse de votre enfant, éviter d’aborder l’immaculé conception au moment de l’éveil sexuel, c’est plus prudent. Et pour développer leur sens critique, je vous propose la Cène selon Prévert :
 

Ils sont à table, Ils ne mangent pas, Ils ne sont pas dans leur assiette, Et leur assiette se tient toute droite, Verticalement derrière leur tête - Jacques Prévert

 



Urbi et orbi…

J’ai entre-aperçu les images du pape il y a deux jours à la télé, célébrant une messe Urbi et Orbi face à une place St Pierre vide de monde (ce qui n’était plus arrivé depuis la Seconde Guerre Mondiale a précisé le journaliste). Plus que les offices, il y une chose que j’apprécie dans la religion et au-delà de tout : le silence des églises. Il m’arrive régulièrement de pousser la porte de celle située tout près de chez moi. Je m’arrête allumer un cierge, puis m’asseoir quelques minutes (parfois même un long moment).

J’aime l’atmosphère particulière qui règne dans ces lieux, à la fois au cœur de la vie et au-delà du temps. Je ne suis cependant pas pratiquante et le dernier office auquel j’ai assisté se trouve être une messe de deuil.  C’était juste avant le confinement, nous étions nombreux et l’église (celle d’Afa) très belle. 
 
Depuis, les temps du deuil ont changé. Nous avons entamé notre Catenacciu en cinq stations maxi (salon, cuisine, chambres, salle de bain, balcon), nos appartements ne regroupant que très rarement les quatorze pièces nécessaires (sauf, peut-être, celui du Prince Charles, mais il a chopé le virus et doit vraisemblablement tenir le lit). Moi qui déteste le monde, je rêve de me noyer dans la foule d’un vendredi Saint à Sartène, mais c’est raté. En décembre peut-être, si l’idée de mon amie est retenue par les instances cléricales.

Je tiens à dire que le coronavirus leur a simplifié la tache à ces instances : si les places de pénitent potentiel sont chères à Sartène, cette année, finie la règle du « beaucoup de demandes, un seul élu »: au moins, c’est réglé, tout le monde est servi ! La retraite (religieuse) généralisée se fait selon la règle de la Sainte Trinité : le père, la mère, le fils (autres enfants acceptés), tous confinés.
 

Oui, il faut bien rire de ce « chemin de croix », forcé. Un repli sur soi obligé qui nous amène à nous interroger sur notre foi judéo-chrétienne en ces termes : qu’avons nous fait pour notre prochain (notre voisin ?) dans cette situation ? Des courses, une lessive (je vous assure que certains ont cette nécessité, je le tiens d’une association de terrain), un coup de fil ?  Qu’on se le dise : l’altruisme vaut certainement mieux que la pénitence pour expier ses pêchés. 
 
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